ACTU MERCATO
Danso et Lens : quand le club mène la danse
Alors qu’il doit - et demande à - partir depuis plusieurs mois, Kevin Danso se retrouve aujourd’hui suspendu aux desiderata de son club, le RC Lens. Un feuilleton déjà vécu l’été dernier par l’Autrichien et qui pose une question : les joueurs ont-ils vraiment un pouvoir sur leur mercato ?
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« Janvier est une possibilité. Comme pour n’importe quel joueur. Qui est intransférable ? Il n’y a rien de prémédité. Je veux jouer au plus haut niveau, me prouver que j’en suis capable. L’aspect sportif sera prioritaire. » À l’automne dernier, Kevin Danso apprenait à prendre son mal en patience, comme il l’indiquait à L’Équipe. Logique, pour celui qui venait de passer le mois d’août à siroter de l’aspirine. En effet, alors que tout semblé bouclé dans le cadre de son transfert à la Roma, le défenseur central a finalement été jugé inapte par les médecins italiens, faisant capoter l’affaire dans les tous derniers instants et obligeant l’intéressé à rester au RC Lens, au moins jusqu’en janvier. Le premier mois de l’année, nous y sommes justement, et Danso n’a toujours pas bougé. Cette fois, pas de visite médicale foireuse, mais simplement un péché de gourmandise de Lens, qui ne souhaite pas voir son joueur partir avant de recevoir l’offre parfaite. Or, comme il le clamait plus haut, l’Autrichien veut quitter le Pas-de-Calais. Dès lors se pose la problématique du rapport club-joueur et de savoir si ces derniers ont un réel contrôle sur leur destinée sportive.
Il faut dire qu’à différentes échelles, les feuilletons mercato se résument souvent à une question d’opportunité. Souvent plus satisfaisantes pour le joueur (salaire, projet sportif), les offres prennent une autre tournure une fois posées sur les bureaux du club vendeur. L’objectif des dirigeants est le plus souvent de s’y retrouver financièrement et qualitativement, en ayant la capacité de remplacer le joueur vendu. De nombreux paramètres complexifient donc les opérations, pour donner lieu à des scénarios à la Kevin Danso. Surtout que pour le défenseur, la situation peut d’autant plus irriter à la vue de ces derniers jours. Les Lensois sont parvenus à réaliser un mini-braquage en cédant Abdukodir Khusanov à Manchester City contre 45 millions d’euros, leur permettant de largement s’en sortir et potentiellement d’ouvrir la porte à Danso. Il n’en est rien. Malgré les appels du pied de Rennes, Aston Villa et même la Juventus, Lens est implacable.
Des joueurs conservés contre leur gré, d’autres invités à partir rapidement
Dans sa vision, le président Joseph Oughourlian souhaiterait en réalité placer son joueur du côté de Wolverhampton. Tel que le précise L’Équipe, le RCL, qui a collaboré avec l’agent portugais Jorge Mendes afin de faciliter la transaction entre Khusanov et City, vise à envoyer Kevin Danso chez les Wolves – où Mendes dispose d’un sérieux contingent de joueurs. Tout cela afin de lui faire gagner en exposition en Premier League (prêt payant de 5 millions d’euros et option d’achat à 25 millions l’été prochain). Pas de quoi ravir Danso, désireux de rejoindre Rennes ou l’Angleterre sous une autre forme et qui se retrouve donc coincé face aux velléités de son club. Mais à trop attendre, on peut tout perdre. Entre blessures ou plafond de verre, les trajectoires fluctuantes de la forme d’un footballeur font et défont sa valeur sur le marché des transferts, et ne pas savoir le laisser partir lorsque une offre décente arrive peut générer des regrets. En premier lieu chez le joueur.
Le cas de Victor Osimhen, trop longtemps mis au frigo par Naples et prêté par défaut à Galatasaray, est un exemple criant. Dans une autre mesure, la signature « tardive » d’Eden Hazard pour le Real Madrid après une quasi-décennie à Chelsea (environ 100 millions d’euros) ressemblait déjà à un rendez-vous manqué. Dans ce processus d’achat-revente accéléré ces dernières années, les clubs semblent ainsi s’être bornés. Bornés à l’idée de récupérer la somme maximum, mais aussi à celle de signer du jeune, à même de rapporter le jackpot une fois transféré. Adepte du mercato fourre-tout, l’Olympique de Marseille s’est récemment découvert cette lubie. Isaak Touré, Lilian Brassier, Elye Wahi ou Bamo Meïté, l’OM a fait dans le jeunisme. Problème, aucun de ces quatre bonhommes n’a donné satisfaction et ils se sont tous vus indiquer la porte de sortie après quelques mois seulement (respectivement partis à Lorient, Rennes, Francfort et sur le banc). De Lens à Marseille, les méthodes utilisées permettent donc de prendre du recul sur l’idée d’un football appartenant exclusivement aux joueurs. Entre joueurs conservés contre leur gré et d’autres invités à partir au bout de six mois, difficile finalement d’y trouver une forme de liberté individuelle.
Par Adel Bentaha