- International
- Réforme de la Coupe du monde
Que faire pour améliorer la Coupe du monde ?
Il fallait s'y attendre. Notre grand ami le serpent de mer de la réforme de la Coupe du monde du football est ressorti montrer le bout de son museau. Sûrement soucieux que l'on parle autrement de foot, puisqu'il a été élu pour cela, Monseigneur Infantino a balancé le bouzin en pleine trêve internationale. Son projet vise à étendre la grand-messe du foot à quarante-huit équipes, contre trente-deux présentes au Brésil voici deux ans. Pour cela, sans rien toucher sur le fond, il propose simplement de rajouter un tour préliminaire, un peu à la sauce Champions League, d'où seraient dégagées après un seul match seize sélections. Si la ficelle s'avère un peu grosse en matière de droits télés et de promesses faites durant la campagne, au moins pose-t-elle une vraie question : comment améliorer la Coupe du monde ?
→ Pour rendre la Coupe du monde plus universelle
La question n’est pas foncièrement d’augmenter le nombre de participants, mais de rééquilibrer enfin un peu la répartition des places attribuées à chaque confédération. À l’image d’un tournoi olympique qui, à défaut de briller par son intérêt sportif, sait admettre en son sein une belle équipe des Fidjis entraînée par l’ancien Strasbourgeois Frank Farina, il faudra bien un jour que l’Europe (treize tickets) et l’Amérique du Sud (cinq veinards) acceptent de laisser quelques strapontins à l’Afrique, l’Asie et pourquoi pas même à l’Océanie (on rappelle que l’Australie s’est inscrite dans les phases qualificatives de l’AFC). De fait, c’est presque une question de survie pour la FIFA qui doit bien, à un moment ou un autre, payer le prix symbolique d’une mondialisation toujours plus étendue, qu’elle appelle de ses vœux et de ses droits télé. Tout le monde sait qu’une présence à cette compétition unique reste un incroyable produit d’appel pour la diffusion du soccer, et on ne pourra pas éternellement espérer que la Chine ou l’Inde se hissent à la hauteur du Japon ou des Corée pour les voir s’ébrouer sur les pelouses de ce grand barnum trademarké.
→ Pour rendre la Coupe du monde plus attrayante sur le terrain…
S’il faut bien tirer une leçon de l’Euro en France, c’est que la quantité peut nuire à la qualité. À l’exception de quelques matchs, l’ennui l’a emporté. La logique du meilleur troisième a tué les matchs de poule, et le niveau ne se mit que rarement au diapason de l’ambiance dans les tribunes. Comment régler le problème ? Inutile de se mentir, le risque existe de connaître la spirale déflationniste que traverse notre L1 avec ses tribunes désertées. De toutes les astuces envisageables et potentiellement efficaces, ne pourrait-on pas d’abord introduire les bonus défensifs et offensifs du rugby (qui offrirait de sauter directement en quarts) jumelé avec des petits paramètres comme bloquer toute équipe qui n’aurait pas gagné un seul match en poule ? C’est cruel, mais vous nous remercierez plus tard. Autre piste rendue obligatoire à chaque édition : un Italie-Allemagne et un France-Allemagne.
→ Pour rendre la Coupe du monde plus fun
Le foot est devenu l’une des choses les plus sérieuses au monde, ce qui implique forcément qu’elle n’amuse plus autant. Réglé comme du papier à musique, toutes les dimensions vraiment folles, festives et déglinguées furent progressivement évincées au fil du temps. Fini les envahissements de terrain, remplacés par les selfies. Or plus que le nombre d’équipes ou la durée de l’épreuve, ce sont les formes des matchs qu’il faudrait penser à renouveler, et d’abord les lieux. Pour rejoindre une vieille aspiration éco-responsable et le besoin de redescendre le foot vers le peuple tout comme le hip-hop ramena le funk dans le ghetto, pourquoi ne pas imaginer que dans chaque pays les matchs se déroulent dans les terrains des quartiers populaires, dans les cours des prisons, dans les cours des lycées, au milieu des camps de réfugiés. Le foot redeviendrait un jeu, ce qui n’empêcherait nullement les retransmissions télé et les affluences records.
→ Pour rendre la Coupe du monde plus franche du collier
Finalement, le fond des reproches qui sont généralement formulés à la FIFA renvoie toujours à la profonde hypocrisie qui entoure la plupart de ces décisions. Personne ne croit que le sieur Infantino ait lâché cette « hypothèse de travail » à 48 en étant inspiré par le souci de servir la grandeur et les valeurs du football. Il serait peut-être temps d’arrêter de se moquer du monde et, par exemple, de valider le fait que certaines équipe ne se rencontrent qu’en quarts ou huitièmes, un peu à la sauce Coupe de France (cela nous éviterait le sketch des têtes de série lors du tirage au sort). Des équipes dont on sait qu’elles vont rapporter de l’audimat, des droits télé et des ventes de maillots, la seule chose qui compte vraiment. Ainsi, l’Angleterre pourrait peut-être de nouveau gagner un trophée. À moins que l’on considère que la Mannschaft joue d’office la finale…
→ Pour rendre la Coupe du monde interminable
Certains plaisirs ne durent jamais assez longtemps. Pourquoi être obligé d’attendre une fois tous les quatre ans ? En suivant la logique d’Infantino, instaurons une Coupe du monde en forme de championnat annuel permanent dont, une fois toutes les quatre ans, les tenants du titre se rencontrent dans un mini-tournoi de prestige. Les World Playoffs, en somme.
→ Pour rendre la Coupe du monde plus football
La Coupe du monde de la FIFA n’est plus vraiment celle du football. Diversifié, muté, transformé, le ballon rond possède désormais plusieurs écoles et styles. Ne serait-il pas temps d’appliquer au foot les principes de la révolution du MMA ? Imaginer un tournoi qui mélangerait foot à onze, futsal, foot à sept et tournoi mixte (filles et garçons), pour aboutir à un mezzé final qui récompenserait la nation la plus complète. Un grand n’importe quoi, mais qui aurait de la gueule. Le bordel est toujours créatif.
→ Pour rendre la Coupe du monde plus rentable encore
L’argent est le nerf de la guerre et l’une des raisons pour laquelle la FIFA demeure en confédération helvétique. Pour être assuré que cette incroyable poule aux œufs d’or continue de tourner à plein régime, il s’impose de trouver vite fait une parade au risque « citoyen » . Après la Russie et le Qatar, aux régimes si accueillants, qui commencent à étrangler un CIO qui voit de plus en plus de candidats se désister sous la pression populaire (l’amateur de sport est aussi un contribuable), il y a en effet fort à parier que les prochains candidats se montrent un peu moins généreux en matière de fiscalité ou de droits commerciaux. Allons donc directement à l’essentiel : tous les quatre ans, la FIFA invitera qui elle veut à disputer sa Coupe du monde dans les stades qu’elle aura construits et dont elle sera propriétaire. Tout l’argent terminera évidemment dans les caisses de cette belle organisation à but non lucratif.
Par Nicolas Kssis-Martov