- Copa Sudamericana
- Demi- finale aller
- River Plate/Huracán
Que deviens-tu, Lucho González ?
« Le football argentin a changé. Aujourd'hui, on pense moins et on court plus. » Si le physique ne suit plus, la tête de Luis González marche toujours. Et ça tombe bien, puisque Gallardo a besoin d'un commandant pour son River Plate. Lucho ou comment, à 34 ans, représenter une solution d'avenir.
Le refrain commence à sonner creux du côté de Nuñez, à Buenos Aires. D’une part, ceux qui ont vu les premiers une-deux entre Aimar et Saviola, qui ont vu Lucho González distiller ses premières transversales sous le maillot à la bande rouge. Ceux-là n’ont toujours pas digéré les départs prématurés de ces promesses du club. Pire, ils vont même jusqu’à les qualifier d’opportunistes, eux qui ont entamé leur second cycle à River en fin de carrière, et surtout à quelques matchs d’une finale historique. En somme, lors d’une période faste du club. Eux ont pour idoles Cavenaghi ou Trezeguet, qui ont quitté l’Europe pour revenir à leurs premières amours lorsque les « Millonarios » touchaient le fond en seconde division. De l’autre, ceux qui préfèrent voir le verre à moitié plein, heureux que des idoles du club, après une carrière accomplie en Europe, soient revenues à la maison, pour remporter la Copa Libertadores que River attendait depuis dix-neuf ans. Parmi ces figures que le public de River n’arrive toujours pas à cerner, Aimar a quitté le navire, Saviola galère et rate les cages grandes ouvertes. Finalement, seul Lucho s’en sort. Après une préparation physique exigeante (il ne jouait plus du tout au Qatar), l’ancien de Porto commence à s’acclimater au football argentin.
Un but exceptionnel, puis les blessures
Depuis le 9 juillet et son entrée en jeu face à Tigre, le joueur formé à Huracán s’est imposé dans la rotation de Marcelo Gallardo. L’entraîneur de River Plate, qui aligne des équipes alternatives en championnat, s’appuie souvent sur Lucho. L’ancien Marseillais offre même de nombreuses possibilités pour les rencontres décisives qui arrivent. Ponzio blessé, Kranevitter en route pour l’Atlético Madrid après le Mondial des clubs et Sánchez en fin de contrat, Luis González peut, à 34 ans, s’imposer durablement à River. S’il n’a plus le coffre pour tenir une heure et demie, ses qualités sont toujours les mêmes. « El Comandante » joue plus bas, et se sert toujours de sa vision de jeu exceptionnelle. Celui qui offrait les caviars à Mamadou Niang et Lisandro doit désormais abreuver Mora et Alario. Face à Estudiantes, il a marqué l’un des plus beaux buts de sa carrière, offrant un moment de nostalgie aux supporters de l’OM et de Porto avec sa célébration classique.
Pourtant, après cette rencontre, Lucho a traversé une période compliquée. Beaucoup avancent un physique défaillant (déjà deux blessures depuis son retour) dû à sa pré-retraite dorée au Qatar. D’autres blâment un football argentin perdu pour les romantiques. Surtout, on peut questionner l’apport d’un tel joueur dans le système de Gallardo.
Un paradoxe, mais une évidence
En septembre, González livrait une analyse parfaite du football argentin d’aujourd’hui. Dans les colonnes de La Nación, le numéro 27 de River s’étonnait, après une décennie en Europe, de revenir là où le sport roi ne se joue plus avec la tête : « Le football argentin a changé. Aujourd’hui, on pense moins et on court plus. » Alors, peut-il vraiment s’imposer à long terme ? Au premier abord, le jeu de Lucho semble inadapté à la philosophie de l’entraîneur qui a amené River sur le toit du continent. Son équipe, sorte d’hybride entre celles imaginées par Bielsa ou Sampaoli, est axée sur la possession, une pression haute, un « doble cinco » (deux milieux défensifs), et surtout autour de Kranevitter qui, à 22 ans, s’est imposé comme l’un des meilleurs joueurs que la « cantera » de River ait vu naître. Dans les nombreux schémas de Gallardo, le futur protégé du « Cholo » Simeone est souvent accompagné d’un joueur capable d’apporter le danger plus haut. Ici, Lucho semble être le complément parfait de l’international argentin. Problème, lorsqu’il quittera sa patrie, « Krane » laissera un mitard dégarni. Là encore, le travail de Gallardo pour le remplacer sera essentiel : si Guido Rodríguez représente une alternative maison, l’ancien de Monaco et du PSG a déjà sondé des joueurs tels que Mejía (Atlético Nacional) et Arzura (Tigre) pour le prochain mercato. Et cela dans l’idée d’associer un milieu exclusivement défensif à l’artiste qui a enchanté le Vélodrome pendant trois ans. S’il ne squatte plus le cœur du jeu, l’ancien de Porto n’hésite pas à se balader sur le terrain, pour se retrouver dans la surface, comme à la conclusion de ce chef-d’œuvre collectif face à Boca, lors d’un « Superclásico » amical, le 10 octobre dernier.
Aujourd’hui, Lucho ne pourra certainement pas répondre aux exigences (trop) physiques du football local pendant longtemps. Mais son expérience fait de lui un joueur essentiel pour les échéances à venir. D’abord, dans la nuit de jeudi à vendredi, face à Huracán, son club formateur. González devrait être titulaire, pour la demi-finale aller de la Copa Sudamericana. Puis pour le Mondial des clubs, sorte d’apogée de sa carrière, où il pourrait mener la barque « riverplatense » vers une hypothétique finale contre le FC Barcelone. Et pour cela, c’est toujours mieux d’avoir un Commandant.
Par Ruben Curiel