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Quaresma-Yarmolenko, le gâchico
Le premier est presque définitivement passé à côté de sa carrière, le second s'y dirige tout droit. Ricardo Quaresma et Andriy Yarmolenko croisent le fer ce soir, dans deux clubs de seconde zone sur la scène européenne, et en laissant l'impression d'avoir sacrément saboté leur potentiel.
Anderson Talisca, jeune attaquant brésilien du Beşiktaş, a bien compris que pour se faire bien voir dans son nouveau club, les compliments étaient toujours une valeur sûre. Quitte à en faire un peu trop, comme lorsqu’il déclarait il y a peu : « Quand j’étais petit, je rêvais de jouer avec des légendes du football et c’est ce qui m’arrive actuellement. Jouer avec Ricardo Quaresma, c’est un plaisir. » Alors pour célébrer son nouveau statut de légende ainsi que la reprise de la Ligue des champions, le 13 septembre dernier, Quaresma s’est fait plaisir. 71ee minute du Benfica Lisbonne-Beşiktaş, alors qu’il est à l’entrée de la surface et que Grimaldo défend sur lui, Quaresma ne s’encombre pas à tenter de l’éliminer et préfère tirer une chiche monstrueuse. La balle arrive en plein dans le visage de l’Espagnol, qui termine assommé et passe plusieurs minutes au sol. Un premier exploit, puis un deuxième dix minutes plus tard. Il ne reste que peu de temps et son équipe est menée 1-0, mais Quaresma tente une folie dans son propre camp, partant dans une série de dribbles aussi dangereuse que débile avant de perdre la balle sur un petit pont raté, en offrant une occasion monstrueuse à ses adversaires. Une bêtise à ajouter à toutes les autres. En vrac, ce coup du foulard foireux il y a quelques années, toujours avec le Beşiktaş, après lequel il avait perdu le ballon et démoli son adversaire. Carton rouge. Et les exemples de ce type sont incalculables, mais ce soir, Quaresma ne sera pas seul dans sa catégorie. Face au Dynamo Kiev, il sera opposé à Andriy Yarmolenko, autre joueur considéré comme un futur grand un peu trop vite, aussi adepte du coup de sang idiot et du bousillage de carrière.
Yarmolenko taekwondo
Soucieux des apparences, l’attaquant ukrainien aime pourtant se présenter en garçon sage, réfléchi, presque sérieux. Cet été, en plein Euro, il n’hésitait pas à se considérer comme investi d’une mission auprès de son peuple : « Le football est un moyen de souder notre nation, déchirée par les événements depuis deux ans. Pour vous, ça ne reste que du football. Mais pour nous, c’est bien plus que ça. C’est la vie. On est en mission en France. » Un discours terminé la main sur le cœur, un mois après un match terminé les crampons dans le genou de son propre coéquipier. Les matchs entre le Shakhtar et le Dynamo sont toujours chauds, mais le 3-0 envoyé par Donetsk le 1er mai dernier a rendu Yarmolenko complètement barge. Alors que son coéquipier en sélection Stepanenko célébrait le troisième but, « Yarmo » l’a félicité en lui balançant un grand coup de pied de crapule. « Je passerai au-dessus pour le bien de l’équipe nationale, mais il aurait pu me briser le genou. Je le dis sans émotion : notre amitié est terminée » , avait immédiatement tranché Stepanenko, peu de temps avant d’être forcé de simuler la réconciliation en serrant la main de son bourreau devant les caméras à l’approche de l’Euro. À ses débuts, Ricardo Quaresma était considéré comme la pépite du Sporting Portugal avec son collègue Cristiano Ronaldo, juste avant de partir pour le Barça à seulement vingt ans. Mais Yarmolenko a lui aussi eu droit aux éloges un peu trop forts, et un peu trop jeune. Car depuis huit ans qu’il officie au Dynamo Kiev, l’Ukrainien de vingt-six ans se balade avec le surnom discret de « nouveau Shevchenko » . Ce qui ne choque pas grand monde au pays, et même pas « Sheva » en personne, qui s’enthousiasmait encore en juin dernier : « J’ai dit à l’AC Milan de regarder dans sa direction. »
Le miroir Cricri
Avec ses plus de 100 buts en un peu moins de 300 matchs avec Kiev, Yarmolenko affiche des statistiques plus que correctes, et son palmarès – trois championnats, deux coupes, deux Supercoupes – montre qu’il a fait le tour de la question en Ukraine. Mais pas question de se jeter dans n’importe quels bras, surtout quand son président Ihor Surkis veille au grain. Stoke ou Everton tentent la drague ? Surkis tape du poing sur la table : « C’est déjà un grand joueur, donc il devrait aller dans un grand club. Nous ne devrions pas le laisser aller dans des clubs comme Everton ou Stoke City. » Avec, en conclusion, un définitif « Toute discussion commencera après l’Euro » . Manque de pot, l’Ukraine a fait n’importe quoi, la cote de son joueur n’a pas grimpé, et il est resté à Kiev. Yarmolenko a beau être le 5e meilleur buteur de l’histoire de ce club iconique, et même le 2e meilleur buteur de la sélection, le voilà condamné à rester un gros poisson dans une petite mare. Quaresma avait au moins eu l’audace de voyager, même si toutes ses expériences dans des grands clubs ont fini dans un mur, avec un mention spéciale pour son premier passage à l’Inter. Mourinho le voulait ? Mourinho l’a eu, arraché même, près de 20 millions d’euros à Porto. En une demi-saison, « Le Gitan » fait faner les fleurs. Treize matchs, un but, un titre de « Bidon d’or » de Serie A, et un départ. Il peut aujourd’hui se targuer d’avoir gagné l’Euro, avec une feuille de laurier dessinée dans les cheveux, et en s’extasiant sur Ronaldo : « C’est une personne qui aime jouer, un grand capitaine. Je l’admire depuis que nous avons commencé à jouer au Sporting, il ne se laisse jamais entraîner vers le bas. » L’exact opposé de sa propre trajectoire, en somme. Comme s’il voyait en Ronaldo un miroir, avec le reflet de lui-même qui aurait réussi.
Par Alexandre Doskov