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Quand Wesley snipe…

Par Paul Bemer
Quand Wesley snipe…

Championnat, coupe, Ligue des champions et, cerise sur le gâteau, une finale de Coupe du monde. Oui, Wesley Sneijder est le dernier Batave à avoir marché sur l'eau. Entre coups de fusil et ouvertures léchées, retour sur une saison de chasse placée sous le signe de l'abondance.

« Beaucoup de gens ont un avis sur moi aux Pays-Bas. Cela doit les occuper de scruter ce que je fais ou dis. Quand vous êtes un peu différent, on vous prend pour cible, c’est la Hollande, ça. En Italie, pour les mêmes raisons, vous êtes un héros ! » Une icône, même. Sauf que Wesley Sneijder fait preuve de fausse modestie. Une fois n’est pas coutume. En Italie, pas plus qu’ailleurs, sa « différence » seule n’aurait jamais suffi à le porter aux nues. Non. Ce statut, le Batave l’a décroché à la force de sa cheville. La droite, essentiellement. Cette patte magique qui, le temps d’une saison, a mis toute la planète foot d’accord. À Milan d’abord, où la nostalgie du triplé historique (car inédit pour un club italien) reste encore bien vivace. Puis en Afrique du Sud, dans l’éclat d’une Coupe du monde qu’il a littéralement survolée et qu’il aurait pu remporter, à un Robben près…

L’art de la guerre

Pourtant, fidèle à lui-même, Sneijder débarque à l’Inter la bouche grande ouverte, laissant poindre cette pige madrilène qui lui reste en travers de la gorge : « Ce que fait Xabi Alonso, je pourrais le faire aussi. Tranquillement. Il n’y a pas que moi qui le pense. Les gens qui dirigent le Real Madrid ne sont pas des gens bien. » Ceci étant dit, le Hollandais va vite passer de la parole aux actes. Deux jours seulement après avoir posé le pied en Lombardie, il électrise déjà le derby de la Madonnina par quelques éclairs bien sentis. Comme un symbole, l’Inter lance alors le plus beau millésime de son histoire en fracassant son jumeau maléfique par quatre buts à rien. Et dans le sillage de son numéro 10, la Ferrari de l’écurie Moratti prend l’aspiration pour tracer tout le monde. Certes, avec José Mourinho au volant, elle a parfois abordé certains virages déguisée en Fiat 500. Comme en Champions par exemple, où le Nou Camp se souvient encore de Samuel Eto’o utilisé comme roue de secours sur l’aile droite. Mais une fois le drapeau à damier déployé, le classement est sans appel. L’air de rien, le bolide « nerazzurro » a accaparé toutes les coupes, sur tous les circuits.

De son côté, « Wesley Sniper » n’a pas chômé. Huit buts et seize passes décisives en quarante et un matchs, auxquels il faut ajouter un nombre incalculable de ce que les hockeyeurs appellent une « assistance » , à savoir l’avant-dernier caviar d’une action de but. Outre son touché de balle soyeux et chirurgical, l’ancien pensionnaire de l’Ajax séduit surtout par sa vista. Plaque tournante du milieu de terrain, il mène d’abord l’offensive, distille les ouvertures, et peut parfois conclure certains mouvements d’un coup de griffe en pleine lucarne. Sur coup franc, principalement. Comme ce soir de récital face à Sienne, qui sonne comme un condensé de son art. Bref. Une saison en lévitation, pour laquelle il n’a toujours pas fini de remercier le Mou : « Je lui suis extrêmement reconnaissant. Tous mes trophées, je les lui dois. Il a compris quel joueur je suis. C’est un second père pour moi. Nous n’avons travaillé ensemble qu’une seule saison, mais j’ai l’impression que cela a duré un siècle. » Depuis, ce sont les tifosi qui trouvent le temps long, voire interminable.

Demolition Man

« J’ai dû survivre dans un quartier difficile. Cette mentalité m’a toujours suivi. Je suis un winner, moi. Il a fallu que je me batte contre des gens plus grands et plus forts. J’ai adopté cette attitude « à la vie, à la mort ». Mes parents m’ont beaucoup aidé dans cette démarche. Quand je rentrais à la maison après une bagarre, ils me disaient : « Retournes-y et montre leur qui tu es vraiment. » Donc je retournais là-bas. C’est comme cela que l’on gagne le respect, et c’est encore en moi aujourd’hui… » À ceci près que Wesley ne prend même plus le temps de repasser par chez lui. Désormais, il enchaîne les bastons. À peine le temps de digérer sa première coupe aux grandes oreilles, qu’il repart déjà en quête de celle qui se joue sur le sol africain. La plus prestigieuse de toutes : la Coupe du monde. « J’étais gonflé à bloc. J’ai essayé de faire passer ça au reste de l’équipe. Les « infecter » avec mon sentiment de gagne… » , pose-t-il, comme un leitmotiv. L’infection se propage à vitesse grand V, et les Oranje poussent leur parcours jusqu’en finale où ils trébuchent sur l’autre équipe touchée par la grâce, l’Espagne. Un high-kick de Nigel de Jong, un but d’Iniesta à la 116e minute, et hop, la Hollande vient de perdre sa troisième finale de Coupe du monde. Ni vu, ni connu.

Sneijder termine quand même co-meilleur buteur du Mondial avec 5 buts. Mieux, sur les sept parties disputées pendant le tournoi, il est élu six fois homme du match, et n’en veut même pas à Arjen Robben d’avoir salopé ses ouvertures géniales. Comme cet amour de passe à la 62e minute qui aurait dû se solder par l’ouverture du score : « La balle était en l’air. Elle rebondit. Du coin de l’œil, je vois Arjen faire l’appel. Avec sa vitesse et sa technique, je n’ai eu aucune hésitation à lui mettre en profondeur. Et vous savez ce que j’ai pensé ? J’ai pensé : « Ça y est, but ! » Cela fait encore mal d’en parler. Bien sûr, tout le monde peut rater. Je ne blâme personne, surtout pas Arjen. On perd et on gagne ensemble… » Sauf que sur ce coup-là, Wesley perd aussi le Ballon d’or qui lui était réservé depuis sa victoire en Champions. Dur. Mais il n’est pas homme à se laisser abattre. Quelques jours seulement après son retour d’Afrique du Sud, il se console en épousant celle qui partage toujours sa vie : Yolanthe Cabau, égérie de la télé hollandaise. Et ceux qui ont déjà tapé son nom sur Google savent qu’elle vaut tous les trophées du monde…

Wesley Sneijder, l’adieu aux Oranje

Par Paul Bemer

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