- Bundesliga
- 50 ans, 50 histoires
Quand une garden-party dynamitait la Bundesliga (n°46)
Le 24 août 2013, la Bundesliga a « officiellement » soufflé ses 50 bougies. Pour l'occasion, voici 50 histoires, petites et grandes, qui ont fait la légende de ce championnat situé outre-Rhin. À déguster avec une bonne bière bien fraîche, bien sûr. 5e de notre classement, le scandale des matchs truqués. Au début des années 1970, un scandale de grande ampleur explose en Allemagne. Pour son anniversaire, Horst-Gregorio Canellas, le président des Kickers d'Offenbach, invite le gratin du football teuton. Et lâche une bombe : des matchs de championnat ont été achetés.
Le 6 juin 1971, quelque part au milieu de la Hesse, Canellas organise sa garden-party d’anniversaire. Lui, l’Espagnol né à Offenbach, importateur de bananes et président des Kickers depuis 1964, fête alors ses cinquante ans. Pour l’occasion, il a invité du beau monde : le sélectionneur Helmut Schön, le secrétaire général de la DFB Wilfried Straub, et quelques journalistes triés sur le volet. Et au lieu d’un somptueux buffet, ils trouvent un magnéto sur une table au milieu du patio. Ses Kickers ont été relégué la veille, mais Canellas a l’air ravi. Avec sa voix rauque, usée par toutes les cigarettes qu’il s’enfile malgré des problèmes d’asthme, il annonce qu’il a « des nouvelles intéressantes » . On appuie sur le bouton Play, et le scandale commence. Les invités écoutent d’abord des appels enregistrés entre leur hôte et deux joueurs du Hertha Berlin – Tasso Wild et Bernd Patzke. Puis un autre avec le gardien de Cologne et la RDA, Manfred Manglitz. Wild et Patzke voulaient 140 000 Deutsche Marks pour battre Bielefeld, les rivaux d’Offenbach dans la course au maintien. Wild annonce même que Bielefeld leur a déjà offert 220 000 DM pour qu’ils perdent, mais qu’il a un faible pour les Kickers et se contentera de 140 000. Moins gourmand, Manglitz ne demande, lui, que 100 000 DM pour une défaite de Cologne face à Offenbach.
Vous savez déjà ce que ça fait un million ?
L’histoire commence en vérité début mai, après un appel à Canellas de Manglitz réclamant 25 000 DM pour battre Essen, autre club du bas de tableau. Canellas se tourne alors vers la DFB, qui n’y trouve rien à redire. Canellas décide alors de se plonger dans ces histoires de corruption, et approche donc Patzke et Wild. Personne ne saura jamais vraiment si ses intentions étaient vraiment bien fondées, mais quoi qu’il en soit, après l’écoute des bandes, la machine est en marche. À la fin des investigations, il est acquis que 18 matchs ayant un lien direct avec la course contre la relégation lors de la saison 1970-1971 ont été truqués d’une manière ou d’une autre, et qu’un million de Deutsche Marks ont changé de main au passage. Canellas lui-même se retrouve interdit d’avoir une quelconque implication dans le football allemand par la DFB, même s’il a démissionné de son poste de président le jour de sa fameuse garden-party. Sa suspension à vie sera finalement levée en 1976, mais il n’occupera plus jamais aucun poste. Manglitz et Wild se retrouvent eux aussi logiquement bannis à vie, alors que Patzke ne prend que dix ans. Au final, soixante joueurs sont impliqués, et 10 des 18 clubs de Bundesliga : Arminia Bielefeld, Schalke 04, Kickers Offenbach, FC Köln, Hertha Berlin, Eintracht Braunschweig, VfB Stuttgart, Rot-Weiss Oberhausen, Eintracht Frankfurt et MSV Duisburg.
Le FC Parjure
Un club en particulier garde encore aujourd’hui des cicatrices de cette affaire : Schalke. Le rôle des joueurs de Gelsenkirchen, parmi lesquels les internationaux Libuda, Rüssmann et Fischer (l’homme du retourné pour le 3-3 en 82 contre la France), est relativement mineur. Ils ne sont coupables que d’avoir accepté une mallette de 40 000 DM pour acheter l’équipe entière, une somme modeste comparée aux autres. Amenés devant les autorités, ils ne risquent pas une sentence trop dure. Pourtant, ils nient toute participation et complicité dans l’affaire. Pas vraiment au goût du procureur, qui les poursuit pendant des années après leur délit originel, pour lequel ils sont suspendus un an, et finit par les mettre devant une cour de justice en 1975 pour le crime de parjure. Depuis, certains fans des clubs rivaux surnomment Schalke le « FC Meineid » – FC Parjure en VO. À une échelle plus générale, le scandale de 1971 laisse une tache profonde sur la réputation de la Bundesliga, dont c’était seulement la huitième année d’existence. La saison suivante est d’ailleurs marquée par des affluences en nette baisse. Mais les Allemands savent faire le ménage. Trois ans plus tard, chez eux, ils deviennent champions du monde.
Bundesliga 50 ans, 50 histoires (1 à 9) Bundesliga 50 ans, 50 histoires (10 à 18) Bundesliga 50 ans, 50 histoires (19 à 27) Bundesliga 50 ans, 50 histoires (28 à 36) Bundesliga 50 ans, 50 histoires (37 à 45)
Par Charles Alf Lafon