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Quand ultras du PSG et de l’OM ne se haïssaient pas
Le dernier numéro de So Foot, actuellement en kiosque, consacre un article à la création du premier groupe ultra en France en 1984, le Commando Ultra de Marseille. On y apprend notamment que des fondateurs du CU entretenaient de bonnes relations avec le fondateur des Boulogne Boys, premier groupe ultra parisien né en 1985. Retour sur cette époque où la rivalité entre les supporters n'existait pas encore.
Lorsque naît le premier groupe ultra français, le 31 août 1984, la renommée de la petite bande marseillaise dépasse vite les frontières provençales. À une époque où Internet n’existe pas encore, les informations circulent alors par des magazines spécialisés, ou des correspondances personnelles entre membres de différents groupes. « Même les ultras de l’Étoile rouge de Belgrade nous ont écrit après avoir vu des photos en nous demandant s’ils pouvaient nous acheter des fumigènes » , raconte Pedro, un pionnier du CU, qui dit avoir conservé « plus de 500 lettres, surtout avec des correspondants italiens mais aussi quelques Français, à Toulon et Paris. On s’envoyait des photos de nos groupes, de nos animations, on se racontait comment on faisait » . En France, des Niçois, mais aussi des Parisiens, dont les premiers groupes ultras naîtront un an plus tard, contactent les leaders du CU.
Dans le So Foot #121 actuellement en kiosque, Jean-Claude, le premier capo de France, raconte que « l’un des fondateurs des Boulogne Boys a même dormi à la maison » . Il faut dire que la rivalité entre Paris et Marseille n’existe pas encore. Pour les fondateurs du CU, le principal ennemi est le voisin toulonnais, contre qui les matchs sont toujours agités. Saint-Étienne, dont l’hégémonie sur le foot français des années 70 en agace plus d’un, a également droit à un peu de haine. Paris et le PSG laissent alors les ultras de l’OM globalement indifférents. Luc, le fondateur des Boulogne Boys, se rappelle ces contacts vieux d’il y a 30 ans : « J’ai fait mon service militaire à Toulon en 84/85. En février 85, j’ai vu un match au Vélodrome, et j’ai vu la bâche Commando Ultra. En voyant ça, je découvre qu’il y a une idée ultra à Marseille, au sens noble du terme : pas de connotation politique, pas d’obsession pour la bagarre, et ça m’intéresse. » Le premier contact est noué plus tard, à Paris. Luc, toujours : « En 86, l’OM jouait le Racing Paris, et avec quelques Boys, on était allés voir le match pour parler aux Marseillais. On avait rencontrés le CU dans les coursives, on s’était présentés, et on avait échangé les numéros de téléphone. » Quelques mois passent. Luc, qui « a déjà de forts sentiments pour le Milan » et est attiré par ce qu’il se passe en Italie, a prévu de passer des vacances de l’autre côté des Alpes. « Avant de descendre à Rome, Marc, l’un des fondateurs du CU, me propose de venir voir un match avec eux. C’était un OM-Bordeaux. Je n’y suis pas du tout allé comme un voyeuriste, mais c’était très intéressant : j’ai vu de l’intérieur le fonctionnement de son groupe, j’avais envie de voir comment ils opéraient face au club, à la direction. Et, surtout, j’ai vu des gens passionnés, et je me retrouvais dans leur passion. » Aujourd’hui encore, Luc a « beaucoup de respect » pour Jean-Claude et Marc, deux pionniers du Commando Ultra, qui lui ont « ouvert les portes de chez eux, et ils habitaient encore chez leurs parents. Même les parents avaient été très gentils avec moi » . Côté marseillais, on se souvient aussi de cette époque avec le sourire, indiquant avoir reçu des Bordelais, des Niçois, ou même des Stéphanois.
« Ce n’était pas des amitiés de groupe, ou de clubs, c’était des échanges individuels et des amitiés individuelles, mais il n’y avait aucune animosité entre nous et les Marseillais » , replace Luc, qui avait ensuite invité Marc du CU chez lui à Paris lorsque le Marseillais effectuait son service militaire en Île-de-France. « Je me rappelle même l’avoir revu plus tard au Parc après un PSG-OM et lui avoir dit de faire attention, car il commençait à y avoir de l’animosité dans la rue. » Chaque groupe grandira de son côté. Les Boys, dont les fondateurs scrutaient vers l’Italie et « prenaient leur plaisir en allumant des torches et des fumigènes, en chantant et en peignant des banderoles bien plus qu’en allant à la castagne » , feront leur trou dans une tribune où une majorité lorgne vers le modèle anglo-saxon. Le CU, lui, continuera à se développer, après l’arrivée de Tapie qui sauvera un club qui venait de risquer la faillite. « Personnellement, je détestais Tapie. L’OM montait, le CU était puissant, beaucoup à Paris voulaient aussi contester ça, raconte Luc des Boys. Les contacts ont été rompus vers 88, 89. L’arrivée de Canal + a embrayé sur un terreau qui était favorable, et la rivalité est vraiment née ensuite. Mon respect et mon estime sont eux restés intacts. »
Par Lucas Duvernet-Coppola, avec Anthony Cerveaux