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Quand Tony Pulis faisait dans les bottes d’Arsène Wenger
Inconnu en France, Tony Pulis est une figure du football gallois. Entraîneur de Stoke City de 2006 à 2013, cet adepte du « long ball », appellation non péjorative du kick and rush, a régulièrement rappelé à Arsène Wenger que pour glaner des titres, il fallait parfois serrer les dents et aller au combat.
« Je savais durant la première période qu’il était avec nous, car il téléphonait régulièrement aux gens présents sur le banc. Il a clairement eu une très triste journée, mais c’est typique chez lui. Il voulait faire front, remettre le bleu de chauffe et poursuivre son boulot. Son arrivée a boosté les joueurs et les supporters. » L’histoire que raconte Dave Kemp, c’est celle de Tony Pulis, dont il est l’adjoint le 13 septembre 2010, sur le banc de Stoke City. Alors que le club du centre de l’Angleterre affronte Aston Villa dans la soirée, l’entraîneur gallois apprend le décès de sa mère. Très logiquement, il prend la route pour Newport et retrouve les siens. La première mi-temps des Potters est chaotique, Downing ouvrant le score à la 35e. En deuil, le club du Staffordshire pense se diriger vers une défaite quand, en début de seconde période, apparaît Pulis, qui vient tout juste de revenir du pays de Galles. Ovationné par le public, le technicien a eu le temps de faire une causerie durant la pause et voit ses hommes retourner les Villans dans les dix dernières minutes grâce à Jones et Huth. Anthony Richard – « Tony » – Pulis vient de confirmer son style : un homme dur au mal, comme le style de jeu qu’il impose à ses équipes, du long ball plutôt rustre. Ce style, Jacques Crevoisier y a fait face en Angleterre lorsqu’il exerçait à Liverpool avec Gérard Houllier : « L’idée, c’est d’avoir une équipe très défensive, un gros costaud devant qui prend tous les ballons, et des gars derrière qui se battent comme des chiens pour récupérer les deuxièmes ballons. Ce terme « deuxième ballon » que l’on utilise aujourd’hui en France, il vient d’ailleurs d’Angleterre. »
Aucune relégation en 22 saisons de carrière
Si Tony Pulis a adopté ce « long ball » comme philosophie de jeu, c’est parce qu’elle lui a procuré un certain bonheur. Joueur professionnel quelconque dans les divisions inférieures, le Gallois débute sa carrière d’entraîneur à 34 ans avec Bournemouth, en 1992. Rapidement, il développe l’image d’un technicien qui obtient des résultats solides malgré des petits moyens. Si bien qu’en 22 saisons de carrière, il ne connaît aucune relégation, mais plusieurs promotions. Notamment avec Stoke City en 2008. De retour sur les bords du Trent en 2006 après un premier mandat de 2002 à 2005, Pulis renvoie Stoke dans l’élite anglaise après 23 ans d’absence, et surtout, l’y incruste avec son jeu direct et physique. Au moment de son intronisation, le nouveau président Peter Coates doit monter au créneau pour défendre l’approche « rustique » de son coach, mais les faits lui donnent raison : en sept saisons, Stoke City ne termine jamais en dessous de la 14e place, s’offrant même le luxe d’une finale de FA Cup contre Manchester City en 2011, son passeport pour la Ligue Europa. L’autre malin plaisir du Stoke City version Pulis consiste à pourrir la vie d’Arsène Wenger, au moins une fois par saison. Le 1er novembre 2008, Arsenal s’incline 2-1 pour sa première visite au Britannia Stadium, et renforce par la même occasion son image de prétendant qui ne sait pas toujours gagner contre les petites équipes. Pour Jacques Crevoisier, les difficultés londoniennes contre le « Pulis Way » sont loin d’être illogiques : « Quand vous allez jouer à Stoke et que Tony Pulis est entraîneur, vous avez deux solutions : soit d’être meilleur techniquement, soit perdre. » Pour l’ancien adjoint d’Houllier, « si vous êtes dans le combat, si vous n’arrivez pas à faire courir le ballon et éviter les duels, vous perdez car ils sont plus forts que vous. » Pour lui, la seule solution face aux problématiques imposées par un entraîneur comme Tony Pulis, c’est de replacer la technique au cœur de l’opposition : « Contre une équipe de ce type, il faut jouer au sol et contrôler le ballon. Dès que cela devient approximatif et se joue dans les duels, une équipe de ce type sera plus forte. C’est une réalité qui fait qu’une équipe comme Arsenal peut de temps à autre perdre à Stoke. J’ai connu ça en Angleterre, contre une équipe qui fait du « long ball » : si vous n’êtes pas bons techniquement, vous explosez. »
Pulis, meilleur entraîneur de Premier League en 2014
À croire qu’Arsène Wenger ne trouvera jamais vraiment la solution, il laisse chaque année des plumes chez les Potters : le 8 mai 2011 (3-1), le 28 avril 2012 (1-1) ou encore le 26 août 2012 (0-0), date du dernier déplacement de l’Arsenal de Wenger dans l’antre du Stoke de Pulis. Et la seule année où le technicien français parvient à faire carton plein en championnat, lors de la saison 2009-2010, il le paie d’une déconvenue 3-1 en FA Cup, histoire de vivre une saison de plus sans trophée… Pour Crevoisier, le football développé par Tony Pulis est en voie d’extinction en Premier League : « Ce qui était un système quasi généralisé a aujourd’hui quasiment disparu sous l’influence continentale sur la Premier League. » Peut-être une bonne nouvelle pour Wenger, si tant est que le long ball soit vraiment au placard. Intronisé en cours de saison passée pour sauver Crystal Palace, Tony Pulis avait récupéré des Eagles relégables et battant de l’aile. Au final, il a assuré le premier maintien dans l’élite du club « finger in the nose » avec une belle onzième place, et décroché le titre de meilleur entraîneur de Premier League de l’année dans la foulée, devant Brendan Rodgers, José Mourinho ou encore Manuel Pellegrini. Ce samedi au Britannia Stadium, Tony Pulis ne sera plus là pour serrer la main d’Arsène Wenger et lui donner des sueurs froides. Mais l’Alsacien n’en oubliera pas pour autant qu’un match contre Stoke City n’est jamais un combat gagné d’avance…
Par Nicolas Jucha