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Quand Simone Inzaghi coachait les jeunes de la Lazio

Par Éric Maggiori
Quand Simone Inzaghi coachait les jeunes de la Lazio

Ce samedi, à 18h, la Lazio reçoit l’Inter, pour l’un des chocs de la journée en Italie. Un match évidemment tout particulier pour Simone Inzaghi, passé cet été du banc de la Lazio à celui de l’Inter. S’il a mené le club romain vers les succès lors de ses cinq saisons passées sur le banc, il ne faut pas oublier qu’avant cela, il avait fait ses gammes avec les jeunes de la Lazio. Une période peu connue, où Inzaghino est devenu Mister Inzaghi.

Le 17 janvier 2010, Simone Inzaghi assiste impuissant à la défaite de la Lazio sur la pelouse de l’Atalanta (3-0). Entré en jeu à la 79e minute, il dispute là, sans le savoir, ses toutes dernières minutes en tant que joueur professionnel. Ni Davide Ballardini ni Edy Reja, venu remplacer Ballardini un mois plus tard, ne lui offriront du temps de jeu. Après quinze années de carrière, dont presque dix sous le maillot laziale, le plus jeune des Inzaghi dit basta. Une autre carrière l’attend déjà : celle d’entraîneur. Or, Claudio Lotito, le président de la Lazio, a beau avoir des défauts, il y a bien une qualité qu’on ne peut lui enlever : savoir rendre ce qu’on lui a donné. Et il n’a pas oublié qu’en 2004, lorsqu’il avait débarqué à Rome pour sauver in extremis la Lazio de la faillite, la plupart des joueurs avait quitté le navire. Pas Simone Inzaghi. Lui avait accepté de baisser drastiquement son salaire pour rester à la Lazio, un geste que Lotito n’a pas oublié. Alors, en cet été 2010, il confie à Simone Inzaghi les Allievi Regionali, équivalent des U15. « J’avais encore un an de contrat de joueur, mais Lotito m’en a proposé trois en tant qu’entraîneur des jeunes. Je ne me voyais nulle part d’autre qu’à la Lazio, alors j’ai immédiatement accepté », témoignait alors Inzaghi.

Lorsque les attaquants rataient quelque chose, il arrêtait tout et il montrait à tout le monde comment faire.

Le coup de la veste

Rapidement, Simone Inzaghi se plaît dans son nouveau costume. Dès sa première saison, il remporte la Coupe régionale, ce qui lui vaut d’être promu sur le banc des Allievi Nazionali pour la saison suivante. Les méthodes d’entraînement sont rudimentaires : Inzaghi est encore trop joueur dans l’âme, à tel point qu’il travaille peu la tactique, mais beaucoup l’utilisation pure du ballon. Lorenzo Silvagni, l’un de ses poulains chez les Allievi Nazionali, se souvient : « Au début, il était un peu maladroit, les séances étaient presque toujours les mêmes avec seulement quelques jeux tactiques, raconte-t-il à la Gazzetta dello Sport. Le ballon, cependant, était toujours au centre de la scène, ça oui, et il était habité par une passion hors du commun. Lorsque les attaquants rataient quelque chose, il arrêtait tout et il montrait à tout le monde comment faire. » Le caractère bien trempé, lui, est en revanche déjà présent. « Je me souviens d’un match contre les Allievi Regionali, rembobine encore Silvagni. On est menés 3-1 à la pause, et Simone devient fou, il fait des grands mouvements, sa veste se déchire. Dans le vestiaire, il nous passe une soufflante pendant 15 minutes, et conclut par :« Maintenant, vous gagnez, et vous me repayez la veste. »On a gagné 4-3. »

Quand il s’énervait, tu tremblais, mais avec lui, tu te donnais à 200% sans même t’en rendre compte. Psychologiquement, il te pousse dans tes retranchements, mais il le fait pour ton bien.

Cette histoire de veste a suivi Inzaghi jusqu’en Serie A. À chaque fois qu’un match de la Lazio devenait bouillant, on le voyait en effet enlever son veston, le balancer par terre. On pourrait croire à un geste incontrôlé dicté par l’excitation, mais pas du tout. L’un de ses amis proches à la Lazio, Luigi De Sanctis, a révélé la vérité à la Gazzetta. « Quand il coachait les Allievi, et que son équipe perdait, à la mi-temps il venait me voir et me disait :« Regarde comment on va gagner ce match, je vais leur faire une scène, mais file-moi ta veste. »Je lui donnais, il allait se confronter aux jeunes et il fracassait la veste partout. Il le faisait pour motiver les garçons, et ça marchait : ils revenaient sur la pelouse avec un tout autre état d’esprit. » Ce côté motivateur est confirmé par Gabriele Antonucci, le buteur des Allievi. « Quand il s’énervait, tu tremblais, mais avec lui, tu te donnais à 200% sans même t’en rendre compte. Psychologiquement, il te pousse dans tes retranchements, mais il le fait pour ton bien. » Les méthodes sont ce qu’elles sont, mais force est de constater qu’elles fonctionnent : à Rome naît un véritable groupe qu’Inzaghi va suivre pendant cinq années, et avec qui il va bientôt (presque) tout gagner. Avec, au beau milieu de tout ça, un drame qui va bouleverser la vie du groupe, mais aussi l’unir comme jamais à son coach : le décès brutal de Mirko Fersini, le latéral de l’équipe, dans un accident de voiture, en 2012.

Dès que l’on était dans la difficulté, dans l’épreuve, le coach nous parlait de Mirko Fersini. Il nous disait que l’on devait gagner pour lui, ça nous a unis encore plus. On n’a jamais oublié.

Deux trophées en quelques mois

En janvier 2014, Claudio Lotito décide de filer à Inzaghi les rênes de la Primavera. La dernière étape, en quelque sorte, avant l’équipe première. Le groupe se connaît par cœur, Inzaghi en est désormais le commandant. « Dès que l’on était dans la difficulté, dans l’épreuve, le coach nous parlait de Mirko, raconte Lorenzo Pace, milieu de terrain de cette formation, toujours au quotidien rose italien. Il nous disait que l’on devait gagner pour lui, ça nous a unis encore plus. On n’a jamais oublié. » Cette union va finalement se traduire en succès, pratiquement immédiatement. Quelques semaines seulement après son arrivée sur le banc de la Primavera, Simone Inzaghi remporte avec brio la Coupe d’Italie, en écrasant en demi-finales l’Inter (7-3 sur l’ensemble des deux matchs), puis la Fiorentina en finale sur le même score cumulé. Un trophée que la Lazio Primavera n’avait plus gagné depuis 35 ans.

Pour motiver ses ouailles, Inzaghi a trouvé la recette : donner à ses garçons autant de câlins que de gifles. « Je me souviens d’un tournoi amical, on perd 4-0 à la pause contre Francfort, se remémore Gianluca Pollace, l’un des chouchous d’Inzaghi. Il a retourné le vestiaire : les tables, les sacs, les bouteilles, en un quart d’heure, tout y est passé. Une autre fois, il a frappé tellement fort dans la porte qu’il a boité pendant une semaine. » En octobre 2014, Simone le colérique permet néanmoins à la Lazio de remporter pour la première fois de son histoire la Supercoupe Primavera, en battant le Chievo en finale.

On a raté le Scudetto, mais on a été la Primavera biancoceleste la plus forte de tous les temps. On a aussi été des privilégiés : nous sommes les premiers à avoir vu à l’œuvre Mister Inzaghi.

D’un derby à l’autre

Cette saison 2014-2015 va être triomphale pour Inzaghi et sa bande. Dans l’équipe, on retrouve notamment Luca Crecco et Alessandro Murgia, qui feront leurs débuts en équipe première quelques années plus tard (Murgia inscrira notamment le but vainqueur face à la Juventus en finale de Supercoupe d’Italie 2017), et surtout Baldé Keita, aujourd’hui à Cagliari après être passé par Monaco et l’Inter. Le pic est atteint le 1er mai 2015. Pour la deuxième fois d’affilée, la Lazio Primavera dispute la finale de la Coupe d’Italie, mais cette fois-ci, c’est face à la Roma. Un derby en finale de Coupe, comme les « grands » deux ans auparavant. Battue 1-0 à l’aller, la Lazio doit réaliser l’exploit au retour. « Juste avant la finale, qui se jouait au Stadio Olimpico, j’étais tellement tendu que je n’arrivais à parler avec personne, se souvient Lorenzo Pace. À un moment donné, je me reçois une énorme torgnole dans le cou. Je me retourne et je vois Inzaghi. Il me dit :« Oh, Pacetto, c’est juste un match de foot! »  » Grâce à un doublé de l’Australien Chris Oikonomidis, la Lazio s’impose 2-0 et remporte le trophée. « On l’a dédié à Mirko », se souvient, ému, Lorenzo Pace.

Quelques jours plus tard, la Lazio d’Inzaghi passe tout proche d’un exceptionnel triplé Supercoupe-Coupe d’Italie-Scudetto. Mais elle s’incline en finale du championnat, aux tirs au but, face au Torino. Mais ce coup-ci, pas de crise de colère : juste des applaudissements et des embrassades pour ses garçons. Pollace, encore : « On a raté le Scudetto, mais on a été la Primavera biancoceleste la plus forte de tous les temps : moi, Filippini, Crecco, Lombardi, Keita, Tounkara, Pace, Murgia… On a aussi été des privilégiés : nous sommes les premiers à avoir vu à l’œuvre Mister Inzaghi. » En avril 2016, Stefano Pioli est viré de la Lazio après une défaite 1-4 lors du derby romain. Pour Claudio Lotito, le choix est évident : Simone Inzaghi assurera l’intérim sur le banc laziale. Un intérim qui, grâce au désistement de Marcelo Bielsa quelques mois plus tard, se transformera en job à plein temps. Avec les succès que l’on connaît. Et bon nombre de vestes foutues en l’air.

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Par Éric Maggiori

Tous propos issus de la Gazzetta dello Sport.

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