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- Ce jour où
Quand Pelé et Santos s’amusaient au Parc des Princes
Pelé n’a pas souvent eu l’occasion de croiser le fer avec des joueurs français. Bien sûr, il a malmené la France en demi-finales de la Coupe du monde de 1958. Mais en 1960 et 1961, le Santos du Rei s’est permis d’écraser le fameux tournoi de Paris, sous les yeux ébahis du public – pas encore Disneyland - du Parc.
Quand il foule le sol parisien en 1960, Édson Arantes do Nascimento, plus connu sous le nom de Pelé, a beau n’avoir que 19 ans, il est déjà connu partout dans l’Hexagone. Deuxième meilleur buteur – derrière Just Fontaine – et plus jeune vainqueur de la Coupe du monde suédoise, le futur roi avait pris soin de faire pleurer la France en demi-finales de la compétition. Bien muselé en début de match, le génie auriverde avait fini par dérouler en fin de partie pour planter les trois dernières banderilles de son équipe qui finira par infliger un sévère 5-2 aux Bleus. Deux ans plus tard, en 1960, donc, la France organise sa revanche à l’échelle des clubs, en invitant le légendaire Santos au défunt Tournoi de Paris, compétition de présaison qui se tenait une semaine avant le début du championnat de France et qui jouissait d’une grande réputation, à des années-lumière des tournois d’été bidons disputés aujourd’hui aux États-Unis ou en Chine. Pensionnaire du Parc des Princes avant le Paris FC et le Paris Saint-Germain, le Racing Paris était alors garant de l’organisation du tournoi, et donc des équipes invitées. Cette année-là, le CSKA Sofia et le Stade de Reims, double finaliste de la Coupe des clubs champions, remplissent le tableau. Pas de poules, seulement une demie, une finale, un vainqueur, et des gros sous à l’arrivée. Le tirage au sort – s’il a un jour existé – offre les Brésiliens aux Rémois pour une finale avant la lettre, et les Bulgares aux hôtes. Pelé contre Kopa, Jonquet et Piantoni, épisode II. L’empire contre-attaque. Ou pas.
La naissance du quintet de rêve
Contexte oblige, la rencontre n’est amicale que sur le terrain. Dans les tribunes, 40 000 supporters se déchaînent à l’idée de voir la crème de la crème en découdre et les Santistas prendre une claque pour laver l’affront suédois. Ironiquement, le match partira aussi vite que le France-Brésil de 1958. Coutinho – le vrai – réalise l’exploit d’ouvrir le score encore plus rapidement que ne l’avait fait Vava dans le stade de Solna, grâce à un travail remarquable de Pelé qui, étalé par terre, réussit tout de même à le servir convenablement. O Rei est au-dessus de tout en ce 8 juin 1960, et son seul but de la partie, quatre minutes plus tard, est bien là pour le prouver. Après avoir bénéficié d’un contre favorable, le crack prend le ballon et ridiculise cinq défenseurs dans un périmètre réduit avant de tromper Dominique Colonna d’une frappe croisée. Le Parc est conquis et est tenté de changer de camp par la qualité technique de l’équipe du Peixe (prononcer, « péïche »). C’est que Pelé n’est pas seul. Ce jour-là, le roi est accompagné de ses quatre meilleurs lieutenants pour la troisième fois de l’histoire. Le déjà cité Coutinho, mais aussi Pepe – le vrai -, Dorval et Mengalvio formeront, de 1960 à 1966, un quintet monstrueux. Sur 99 rencontres, les cinq Brésiliens de Santos en remporteront 71 et marqueront plusieurs centaines de pions. Le succès contre Reims restera comme le premier du quinteto de Vila Belmiro après deux nuls pour leurs débuts. Mieux, les bourreaux rémois, Pelé, Coutinho et Pepe, font tous partie de la bande des cinq. Plus qu’humilié par Santos, le Stade de Reims aurait été un simple cobaye pour la base de l’une des plus redoutables formations des années 1960.
Doublé de Santos et éclosion… d’Eusébio
La finale ne sera pas plus serrée. Toujours dans le rôle du dynamiteur, Pelé se charge d’ouvrir le score à l’entrée de la surface après un joli une-deux avec Coutinho. Ce dernier, ainsi que Pepe, se chargent de plier la rencontre et donc le tournoi aux 21e et 22e minutes. La réduction du score d’Ujlaki et le deuxième pion de Coutinho avant la mi-temps ne changeront rien à la physionomie d’une partie dont le sort était déjà connu d’avance. Santos et Pelé fêtent à peine leur victoire et repartent de Paris dans la peau de l’une des meilleures équipes du monde. Un statut qui se confirmera dans les années 1960, lors desquelles le Peixe remportera la Coupe intercontinentale à deux reprises, en 1962 et 1963. Avant cela, Pelé et sa bande ont pris soin d’accepter une nouvelle invitation au tournoi de Paris, en 1961. Si le Racing a affiché un meilleur visage, cette fois-ci en demies, en ne perdant que 5-4, Benfica, lui, a pris très cher en finale (6-3). Pelé ne le sait pas encore, mais le gamin qui vient de malmener l’arrière-garde santista est son futur rival naturel. Un an après le Roi, le Parc des Princes a donc assisté à la naissance du King Eusébio. La chance.
Par William Pereira