- Les belles histoires du mercato
- Épisode 8
Quand Mathieu Berson intéressait la Juventus
Symbole de la formation nantaise dans les années 2000, Mathieu Berson (35 ans) a vu de nombreuses équipes s'intéresser à lui durant cette période. La Juventus Turin faisait partie de la clique. Mais le milieu de terrain n'y mettra jamais les pieds. Il se retrouvera finalement à Aston Villa. Sans jamais s'y imposer et sans jamais voir sa carrière vraiment décoller. Jordan Veretout, tu es prévenu.
Il y a eu Lyon, il y a aujourd’hui Paris mais avant cela il y avait Nantes. L’entrée dans le 21e siècle était aussi jaune et verte. Ça a d’abord commencé avec deux Coupes de France d’affilée (1999 et 2000) puis avec le titre de champion de France la saison suivante (2001). Le tout grâce à une politique basée sur de jeunes joueurs, formés au club pour la plupart. Le casting avait effectivement de la gueule avec, pêle-mêle, les Vahirua, Olembé, Piocelle, Monterrubio, Deroff, Armand, Carrière ou encore Gillet. Tous ont explosé à ce moment-là. Mathieu Berson fait aussi partie de cette génération dorée. À son arrivée dans le groupe pro, il est toutefois barré par quelques « anciens » , comme Savinaud, Ziani, Carrière, Djemba-Djemba ou Piocelle. Il faudra finalement une blessure de ce dernier pour le voir s’installer tranquillement mais sûrement dans l’entrejeu nantais. Le Canari peut alors prendre son envol.
La raclée mise à Xavi
« En fait, c’est allé très vite, se rappelle Olivier Jouanneaux, son agent de l’époque. Il est devenu titulaire assez rapidement et a pu gagner la Coupe de France puis le Championnat. » Certains le comparent alors déjà à Didier Deschamps, illustre prédécesseur. En Ligue des champions, c’est pas mal aussi. Berson affronte tour à tour Galatasaray, le PSV Eindhoven, la Lazio Rome, Boavista, Manchester United et même le Bayern Munich, alors champion d’Europe en titre. Nous sommes en 2002. Cette riche période, qui le verra également être nommé parmi les meilleurs Espoirs de la division en compagnie de Govou, Luyindula et Mexès, marque aussi son arrivée chez les Bleuets. Il participe ainsi aux qualifications pour l’Euro Espoirs 2002. Ce 5 septembre 2001, il est titulaire avec l’équipe de France pour coller une raclée à l’Espagne du jeune Xavi (3-0). Quelques mois plus tard, il participera à ce fameux Euro espoirs, où lui et ses coéquipiers buteront en finale sur la République tchèque de Petr Čech. « Il avait vraiment quelque chose, nous explique Robert Budzynski, l’ancien directeur sportif du FCN. Il a tutoyé le haut niveau indiscutablement. »
Le même agent que Mexès
Une place de titulaire en club et en sélection, des trophées, des matchs de gala. Voilà bien le cocktail parfait pour éveiller l’appétit des grandes écuries. On parle alors de la Real Sociedad, entraînée par… Raynald Denoueix ou du PSG, où Luis Fernandez lui fait une cour assidue. En Italie, sa cote est également au plus haut. Les clients sont nombreux, à l’image de Parme, de la Lazio Rome et même de la Juventus Turin, qui serait prête à claquer 12 millions d’euros pour l’attirer. Pas mal à cette période ! « Franchement, je n’ai jamais eu d’offre de la Juve à ma connaissance. Et ma connaissance était bonne » , se rappelle, taquin, Jean-Luc Gripond, le président nantais de l’époque, qui travaille désormais dans le marketing sportif. L’agent de Berson, qui a étudié en Erasmus à Florence et qui s’occupe encore aujourd’hui de Philippe Mexès à Milan, confirme que l’offre n’est effectivement jamais arrivée sur le bureau des Nantais. « Ce n’est pas allé jusque-là. Il n’était qu’un troisième ou quatrième choix pour la Juventus Turin. » En fait, si les scouts de la Vielle Dame passaient bien de temps en temps par la Beaujoire, ils étaient surtout là pour superviser Mickaël Landreau. Ce dernier a d’ailleurs visité les installations de la Vielle Dame. Pour Berson, ça n’a pas été jusque-là.
Fan de voile, pas des médias
« Je n’ai aucun souvenir d’un intérêt de la Juventus pour Mathieu, mais ça n’aurait pas été étonnant, se remémore son ancien coéquipier Nicolas Savinaud. Il était très bon et n’était pas loin de devenir international A. » En fait, ce qui a peut-être freiné les dirigeants turinois, c’est le caractère de l’homme. Une explication comme une autre. « C’était quelqu’un de réservé, pas du tout exubérant. Mais il avait du caractère, poursuit Savinaud. Il était entier. » Tous les témoins que nous avons contactés nous le confirment. Mathieu Berson était un personnage à part dans le football, qui prenait presque autant de plaisir à jouer au foot sur la plage que devant la Brigade Loire de la Beaujoire. Fan notamment de voile, il n’appréciait pas vraiment les médias. Aujourd’hui, retiré du côté de la Baule, où il bosse de temps en temps dans une entreprise paysagiste, il n’a d’ailleurs pas souhaité répondre à nos questions concernant ses contacts avec la Juventus Turin.
« Quelqu’un qu’on n’avait pas envie d’embêter »
« Sur le terrain, il avait quelque chose, c’est sûr, explique Budzynski. Je ne veux pas le heurter en disant cela, mais je pense qu’il aurait pu mieux maîtriser sa vie professionnelle pour aller plus haut. » Evasif, l’ancien directeur sportif n’ira pas plus loin. « Il dénotait un peu dans le vestiaire, confirme Gripond. Il avait un côté un peu décalé. Il disait ce qu’il pensait. Pour l’anecdote, je me souviens qu’à l’occasion d’un match, j’étais venu dans le vestiaire pour saluer tous les joueurs un à un. Puis j’étais allé sur la pelouse. Je me retrouve dans le rond central avec d’autres joueurs à qui je dis bonjour. Et il y avait Mathieu, que j’avais en fait déjà croisé dans le vestiaire. Et là, il me dit : « Je ne serre pas la main deux fois à la même personne. » Il sortait du moule. Ce n’était pas quelqu’un qu’on avait envie d’embêter. » Les dirigeants de la Juventus ne l’embêteront donc pas.
Le chômage puis presque la Juve
En fait, à l’époque, c’est surtout Aston Villa qui se montre pressant. « De la Juve, c’est vrai qu’on n’en a jamais discuté, explique Hassan Ahamada, son meilleur ami, lui aussi paysagiste. En fait, c’est Villa qui s’est manifesté rapidement. Et Mathieu était très motivé par ce projet. » À tel point qu’il venait après chaque entraînement dans le bureau de l’entraîneur pour demander où en étaient les négociations, d’après Jean-Luc Gripond. « Et le coach (Loic Amisse) a craqué. » Ce sera donc Villa Park au lieu du Stadio delle Alpi. Mais sans grande réussite puisqu’il ne disputera que 11 matchs de Premier League. « En fait, on s’est demandé pourquoi ils l’avaient recruté, explique Olivier Jouanneaux. En Angleterre, ils voulaient des joueurs box to box. Ça ne correspondait pas. En revanche, des joueurs de son profil étaient très recherchés en Italie ou Espagne. » Il atterrira finalement à Auxerre. Où il se relancera. Levante l’engage alors avant qu’il ne revienne en France, à Toulouse, où il restera deux ans. Après une petite période de chômage, il retrouvera sa ville natale et signera à Vannes, en National. Un joli clin d’œil finalement puisque le VOC joue aussi en noir et blanc. Comme quoi, la Juventus n‘était pas si loin…
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Par Tanguy Le Séviller