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Quand l’Iran est passé chez Sosha

Par Quentin Müller, avec Sam Bozorgi
Quand l’Iran est passé chez Sosha

En Iran, une photo de smartphone peut avoir de grandes conséquences. Sosha Makani, gardien de 29 piges du Persepolis FC et accessoirement troisième gardien de la Team Melli (3 sélections), en fait les frais aujourd'hui. Arrêté le 3 janvier dernier et incarcéré depuis à la prison Evin - vil lieu connu pour ses 15 000 âmes en attente d'une exécution ou d'un procès -, l'homme est accusé par la cyber police iranienne de « corrompre et heurter » la société iranienne.

À des années-lumière de la sextape, ou d’un sexto, Sosha Makani s’est laissé photographier en bonne compagnie. Des photos contraires aux mœurs de la charia de la République islamique iranienne qui interdit aux hommes de poser en compagnie d’une tierce autre que l’épouse ou extérieure à la famille. Or, Sosha Makani est, aux yeux de l’État, toujours un homme célibataire. Véritable figure d’une jeunesse iranienne toujours plus décomplexée et occidentalisée, l’homme traîne derrière lui la réputation d’un cupidon, le romantisme en moins, les paillettes en plus. Chahla Chafiq, sociologue iranienne, exilée en France depuis 1983, a suivi de près l’évolution des mœurs de la jeunesse de son pays. « Presque tout leur est interdit sur la scène publique. Donc ils la désertent. Les soirées underground sont nombreuses et beaucoup développent une sorte de contre-culture pour lutter contre l’ennui. »

Joueur dépravé

Le 2 janvier, peu après les fêtes de fin d’année, célébrées en Iran par quelques parties privées, Sosha Makani devient l’attraction majeure des réseaux sociaux. Notamment sur Telegram, bien plus populaire que Facebook en Iran. Les photos de sa petite soirée en bonne compagnie font le tour du net. Alors histoire de dégonfler l’affaire, Sosha fait une vidéo où il explique ignorer la provenance des clichés et l’identité du photographe. En vain, la Gasht e Ershad, dite « police de la vertu » , mise au parfum par la cyber police, ouvre une enquête et défère le gardien international iranien en détention provisoire. Peu ménagé par la justice, ni par les médias locaux, qui se régalent de « l’affaire Sosha » , le natif de Bandar-e Anzali perd le soutien de son club. Souvent sanctionné en interne pour ses frasques, son énième mésaventure prend cette fois une autre dimension. Sans doute bien trop politique pour une prise de position franche de la part du Persepolis FC. Au lendemain de l’affaire, Shoot, populaire magazine de football iranien, signe un saignant édito titré : « Nous ne voulons pas de joueurs dépravés. » Et histoire d’en rajouter une couche, toujours selon le même canard, le Persepolis FC activerait, en ce moment même, la piste pour un nouveau gardien. Contacté pour en savoir plus sur l’affaire, le téléphone de l’attaché de presse du club de Téhéran sonne désespérément dans le vide.

« À Evin, une star comme lui, on la chouchoute »

Le bad boy devrait cependant ne pas rester longtemps derrière les barreaux d’Evin. Son avocat passe la seconde. Aux juges, il justifie la photo par un vilain hack de son Telegram Messenger tout en balayant cependant la rumeur d’un maître chanteur. « Ils planifiaient de se marier incessamment sous peu » , a-t-il déclaré aux médias. Autre soutien de poids, la supposée prétendante de l’intéressé, présente sur la fameuse photo. Cette dernière vient de riposter sur son compte Instagram, déterminée à sortir son « futur mari » de prison. Roozbeh*, jeune Iranien de 24 ans, a connu la taule pour la même raison. Quelques photos avec sa petite amie, et paf, la colère de sa belle-famille : « Résultat : trois mois de prison, au milieu de criminels et de voleurs. Ça va, mes conditions de vie n’étaient pas mauvaises. Mais je sais que Sosha a sa cellule pour lui. À Evin, une star comme lui, on la chouchoute. »

Si elle ressemble à un mauvais épisode de Plus Belle la Vie à la sauce persane, « l’affaire Sosha » rappelle que la Team Melli reste sous les radars de la République islamique d’Iran. Le 17 juin 2009 déjà, alors que la sélection affronte la Corée du Sud lors d’un match crucial pour la Coupe du monde 2010, d’immenses manifestations ont lieu partout en Iran pour protester contre la réélection d’Ahmadinejad. Six joueurs de l’équipe portent alors des bracelets verts en soutien à la protestation. Lors de la mi-temps du match, au vestiaire, les joueurs sont sommés de retirer leurs bracelets. L’affaire sera étouffée et on prétextera « un hommage à l’imam chiite Hossein » , mais la star Ali Karimi, le capitaine Mehdi Mahdavikia et leurs quatre autres camarades seront radiés à vie de la sélection. Les anciens internationaux Ali Daie et Ali Parvin n’ont certainement pas oublié ce mois de juin 2009. Les deux légendes du football iranien ont apporté publiquement leur soutien à Sosha Makani. Contre vents et mollahs.

*Son nom a été modifié

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Par Quentin Müller, avec Sam Bozorgi

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