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Quand l’Imperatore régnait sur Milan
Il y a un peu moins de 10 ans, lors de la saison 2005-2006, l'Inter et le Milan AC disputaient l'un des derbys les plus fous de l'histoire. Un derby surtout marqué par l'immense prestation de l'attaquant brésilien Adriano surnommé l'Imperatore (l'Empereur, ndlr). Retour sur un match entré dans la mémoire collective du côté de Milan.
« Adriano était un fuoriclasse, il n’y a pas de doute là-dessus. Il avait cette puissance de frappe incroyable avec son pied gauche. C’était vraiment un joueur qui pouvait faire la différence tout seul et il l’a faite pendant quelque temps. C’était alors un joueur indispensable à l’Inter. » Cinq ans après avoir raccroché les crampons, Francesco Toldo garde d’excellents souvenirs de son ex-coéquipier auriverde. D’ailleurs pas question pour lui d’évoquer l’oiseau de nuit, lorsqu’on l’interroge sur le comportement hors des terrains d’Adriano : « C’était un brave garçon, bien éduqué, joyeux. Un vrai bon gars. On parlait souvent ensemble. » Malheureusement pour les Nerazzurri, l’attaquant brésilien ne réussira que sporadiquement à exprimer la plénitude de son immense talent. Un rendez-vous manqué avec l’histoire que Toldo ne s’explique pas : « Pourquoi il n’a pas réussi à faire une grande carrière ? Je ne sais pas. Je l’ai perdu de vue ensuite. Mais dans la vie, on ne peut jamais savoir comment les choses vont se dérouler. Dans le football, et le sport en général, on ne peut pas avoir la garantie de réussir parce qu’on a du talent. » À défaut, l’Inter et Adriano se contenteront d’une soirée historique où l’Imperatore a régné sur Milan. Flash-back dix ans plus tôt, dans la froideur d’un hiver milanais.
Berlusconi veut jouer
Décembre 2005. Le Milan AC vient de vivre la pire soirée de son histoire, à Istanbul, tandis que l’Inter doit se contenter des seconds rôles lors de cette première moitié de décennie. Les deux cousins milanais sont d’ailleurs déjà distancés par une intouchable Juventus (8 points de retard pour le Milan, 10 pour l’Inter) avant de s’affronter lors de la 15e journée. Ce qui n’empêche pas Silvio Berlusconi, alors président du conseil des ministres pour la deuxième fois, de faire le show en avant-match dans la presse de l’époque : « Je me sens toujours à l’aise lors du derby. Je ne me hasarde pas à faire de pronostics, mais si je devais descendre sur le terrain moi aussi, nos chances de gagner augmenteraient très certainement. À quel poste ? C’est mieux que je ne le dévoile pas. Il y a un risque que quelqu’un soulève un autre conflit d’intérêts. » Le profil offensif du Cavaliere ne peut toutefois être d’aucun secours à Carlo Ancelotti qui doit alors faire avec une défense décimée par les absences de Cafu, Maldini et Costacurta.
Cependant dans le camp d’en face, Roberto Mancini n’est pas en reste : « Nous n’avons que trois attaquants à disposition (Adriano, Martins et Cruz, ndlr) et il n’y a donc pas beaucoup de choix à faire. Malheureusement, Álvaro Recoba, qui était en très bonne forme, a eu des problèmes physiques. » Un manque de poids offensif inquiétant, d’autant plus que l’Inter n’a alors plus battu le Milan depuis mars 2002 et 10 rencontres consécutives. Une mauvaise série dont Francesco Toldo réfute toutefois catégoriquement l’incidence psychologique : « Non, non, on ne parle jamais de ça entre joueurs. On ne regarde pas depuis combien de temps un tel n’a plus gagné contre un tel, ce genre de choses. Ce n’est pas notre affaire. Chaque match est une histoire différente. C’est une question qu’on ne se pose jamais entre joueurs. »
Adriano met fin à la série (rouge et) noire
Les Nerazzurri ne doutent de toute manière en aucun cas de leurs capacités. « À cette époque, l’Inter faisait peur. On avait vraiment une énorme équipe » , abonde ainsi Toldo, relégué à l’époque sur le banc par l’arrivée de Júlio César. Un rôle de numéro 2 que le principal intéressé assure toutefois n’avoir jamais dédaigné : « Je ne me suis jamais plaint de mon temps de jeu. À l’Inter, il n’y avait pas de titulaires et de remplaçants. Nous étions 20 champions. » Pas question donc de laisser les Rossoneri dicter leur loi, encore moins à l’extérieur. « Bien sûr que ça compte de jouer à domicile lors d’un derby. Évidemment, à Milan, c’est dans le même stade, mais quand tu es à domicile, tu as trois quarts du stade en ta faveur. C’est une stimulation en plus » , explique ainsi Toldo. Comment lui donner tort quand on se replonge dans ce bouillantisme derby en rien refroidi par un thermomètre flirtant avec la barre des 0 degrés du côté de San Siro.
L’arbitre de la rencontre, Domenico Messina, est le premier à faire monter la température d’un cran, en accordant un penalty plus que généreux à chaque équipe. Shevchenko répond à Adriano et c’est donc sur un score de parité que se fait le retour aux vestiaires. L’Inter reprend toutefois l’avantage peu avant l’heure de jeu grâce à Martins à l’affût d’un coup franc d’Adriano mal repoussé par Dida. Mais le Milan trouve les ressources nécessaires pour égaliser à cinq minutes du terme sur un coup de tête du géant hollandais Jaap Stam. Fin de l’histoire ? Pas du tout, c’est bien mal connaître la terreur de chaque personne qui a un jour joué à PES dans sa vie. Adriano Leite Ribeiro est alors la définition même de l’inconstance, mais quand il flambe, il ne le fait pas à moitié. L’Imperatore surgit ainsi dans le temps additionnel pour placer sa tête au-dessus de l’ex-Interista Christian Vieri. L’Inter vient de mettre fin à la série rouge et noir. En conférence de presse, Adriano peut révéler un tatouage jusque-là inconnu : « C’est écrit,« Jésus est toujours avec moi ». Ma grand-mère me le disait toujours. Je le remercie chaque jour pour être devenu un joueur célèbre. » Insuffisant pour réaliser la grande carrière promise, mais déjà largement assez pour marquer à jamais les esprits milanais. Son règne fut très bref, mais l’Imperatore a bien asservi Milan, le temps d’une soirée.
Bonus : Le résumé de la rencontre
Par Eric Marinelli
Propos de Francesco Toldo recueillis par EM