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Quand les Loups sont entrés dans la Buli
La Bundesliga revient avec une belle affiche : Wolfsburg, dauphin du Bayern, accueille le leader. Les Loups espèrent revivre leur plus bel exploit, lorsqu'il a écrasé d'un même élan le Bayern et la Bundesliga. Retour sur la merveilleuse année 2009 du VfL.
« Quand Wolfsburg sera champion, on financera un balcon pour leur mairie. » À l’approche de l’été 2009, ils sont 90 000 personnes dans les rues de Wolfsburg à vérifier si Uli Hoeneß a tenu sa promesse de 2004. Pour cette ville de 130 000 habitants qui ne vit que pour sa firme automobile, Volkswagen, le titre de champion d’Allemagne a une résonance toute particulière. Pour la première fois de son histoire, Wolfsburg a sa place dans l’histoire pour autre chose. Son identité s’affranchit du sombre passé d’une ville grossie par le régime nazi. Ils sont 90 000 à vouloir célébrer un exploit, un conte de fées du football qui a vu se maintenir le VfL d’une courte tête au-dessus du Bayern, avec deux points d’avance à la 34e journée (et à la faveur d’une victoire 5-1 sur le Werder Brême). Ils sont 90 000 à se diriger vers la scène montée spécialement pour l’occasion, à grand renfort d’euros – Volkswagen aurait dépensé presque 1 million d’euros pour les festivités. Il n’y a pas de balcon à la mairie, construite à la va-vite après-guerre. La blague d’Uli n’a pas été à son terme. Premier mensonge du petit père Hoeneß dont les Wolfsburger se fichent : ils sont Meister, eux.
Cette déclaration de l’ancien manager du Bayern prouve en tout cas une chose : avant 2009, personne ne prend les Loups au sérieux. Wolfsburg est un club moyen. Malgré l’argent injecté par Volkswagen depuis que la firme est devenue propriétaire du club, le VfL traîne plus dans le ventre mou que dans les places européennes. Malgré la venue de Felix Magath, Wolfsburg ne décolle pas et finit la phase aller de cette saison 2008-2009 à la 9e place – bien qu’il n’y ait que 9 points d’écart avec le leader. Le club a de l’ambition, mais ne se montre pas capable de viser le leadership sur le marché allemand. Pour atteindre le miracle, il faut un Rückrunde (phase retour) de doux dingues avec une machinerie offensive à effrayer n’importe quel gardien. Wolfsburg entame sa Blitzkrieg. Grafite et Džeko allument tout ce qui bouge : à eux deux, ils totalisent 54 buts – un record outre-Rhin pour un duo offensif. Pendant ce temps, le VfL gagne dix matchs consécutifs (pour un bilan de 14 victoires, 1 nul et 2 défaites). Le rouleau compresseur ne laisse aucune chance à ses adversaires.
60 millions pour des gagnants
Ce rouleau compresseur n’est pas seulement au niveau du potentiel offensif sur le terrain. Loin du pré, Wolfsburg peut se targuer d’un avantage certain sur de nombreux concurrents : un propriétaire qui a de grands moyens financiers et une certaine envie de voir son club briller au plus haut niveau. Alors que Wolfsburg n’est en Bundesliga que DEPUIS 1997, Volkswagen achète intégralement le club en 2007. Dès 2001, les injections de cash se font régulières. De l’arrivée de Felix Magath jusqu’au titre, en deux ans, le club dépense 60 millions d’euros sur le marché des transferts. Grafite arrive en provenance du Mans, Misimović est piqué à Nuremberg et quelques solides joueurs nationaux (Riether, Gentner, Dejagah) ou internationaux (les Italiens Barzagli et Zaccardo pour faire plaisir aux 10% d’habitants de la ville d’origine italienne) débarquent.
Des dépenses qui font mouche. Comme l’écrit le Financial Times Deutschland, alors que Wolfsburg pointe en tête de la Bundesliga, « il est plus simple d’expliquer 60 millions pour des gagnants que 20 millions pour des losers » . En effet, comment reprocher des dépenses qui conduisent au match le plus dingue de la décennie, à la plus grande surprise, la déconvenue du Bayern à l’Allianz-Arena ? Alors que le Hertha et les Munichois luttent à la première place, le VfL arrive le 4 avril 2009, claque un 1-5 cinglant et repart la bouche en cœur. Point d’acmé de la démonstration, alors que le match est déjà plié, Grafite se targue d’un geste de génie. Seul aux 30 mètres, balle au pied, il part à l’assaut du but, dribble ce qu’il peut, efface Rensing, mais est coincé dos au but. Sa talonnade contourne Breno, frôle le poteau et termine sa course au ralenti. « C’était le plus beau but de ma carrière ! » , s’exclame le Brésilien un mois plus tard. En huit secondes, Grafite vient de résumer le culot, l’envie et la classe du VfL 2009, champion méritant.
Le chat dompte les Loups
Le titre remporté par l’Autostadt porte la marque d’un homme en particulier : Felix « le chat » Magath. L’homme aux sept vies a fait de Wolfsburg sa chose. Il y obtient les pleins pouvoirs sportifs. Il fait ce qu’il veut, il achète les joueurs qu’il souhaite et leur impose sa discipline de fer. Les joueurs subissent des entraînements harassants, notamment en grimpant le « Mount Magath » , une petite colline avec escaliers que les joueurs montent et descendent sans discontinuer. Une colline restée derrière la Volkswagen-Arena en guise de souvenir. Viré du Bayern peu avant de s’engager à Wolfsburg, Magath s’attire les meilleures louanges possibles en Allemagne, celles de Franz Beckenbauer : « Il a changé une équipe moyenne en équipe de champions. »
Malgré la discipline inhumaine entretenue, l’atmosphère du club est bonne. Grafite en parle encore aujourd’hui avec émotion. Ce qu’il retient ? « De la joie, énormément de joie » , explique-t-il à Kicker. « C’était une année fantastique pour tous ceux qui ont participé à ce triomphe. […] Inoubliable. » Pourtant, Magath lui-même ne croit pas au titre. En cours de saison, au mois de mars plus exactement, il choisit de partir. Il s’engage avec un club à la poisse historique dans la course au titre, le FC Schalke 04, avec un jugement révélateur lors d’un entretien avec Clemens Tönnies : « Je ne pense pas qu’on pourra gagner le titre ici. » Il l’est pourtant, deux mois plus tard, mais doit partir. Wolfsburg a du mal à s’en remettre et retrouve le ventre mou. Magath perd le mojo : avec Schalke, il tient moins de deux saisons et son retour chez les Loups tourne au fiasco. Le conte s’achève.
Par Côme Tessier