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Quand les fléchettes et le football font bon ménage
Alors que les championnats du monde de darts ont actuellement lieu à Londres, de plus en plus de footballeurs affichent leur passion pour ce sport trop méconnu en France. Analyse.
Du réveillon de Noël, ils n’attendaient que la fin. Déguisés de la tête au pied, pintés comme jamais, ces amoureux du sport et de la fête – de la vie, quoi – profitent de ces jours précédant le New Year’s Eve pour chanter à la gloire de leurs héros au physique pas toujours semblable à celui d’Apollon. C’est leur Boxing Day à eux et il existe depuis 1994. Coincés dans l’Alexandra Palace, situé aux côtés de White Hart Lane, à l’est, et de l’Emirates Stadium, au sud, ces fans venus du monde entier assistent aux championnats du monde de darts. Ne dites surtout pas fléchettes, ce serait comme dire à un joueur de tennis de table qu’il joue au ping-pong. Sport de bar pour certains, de poivrots pour d’autres, les darts rendent fou à peu près partout en Europe, sauf en France. Peut-être parce que le champion du monde est écossais, le favori à sa succession hollandais et le meilleur joueur de l’histoire anglais. Toujours est-il que les joueurs de football, que l’on trouve souvent dans l’audience londonienne, n’échappent pas à cette frénésie. Normal quand on doit partager la grille des programmes de Sky Sports…
RVB > RVP
Consultants de luxe, Jamie Carragher et Thierry Henry ont bien dû s’y mettre, tant les Britanniques passent leurs fins d’année à zapper entre football et darts. Filmés lors d’une sympathique partie de « darts ball » , où l’ancien Red et l’ancien Gunner visaient une cible géante avec un ballon, les jeunes retraités ont tout de même moins d’allure qu’une autre star du ballon rond devant le pas de tir. « Mon père est plutôt bon. Moi, je me débrouille. Cela dit, il m’est arrivé de faire des 180 et j’étais vraiment heureux. » 180, c’est trois fois « triple 20 » , soit le meilleur score possible en un lancer. Et ce type qui parle au Daily Mail, tout heureux d’avoir touché le mille, c’est Robin van Persie. Gaucher du pied, mais droitier de la main, RVP va passer sa fin d’année les fesses posées devant la télé, pour y regarder des gaillards lancer des fléchettes. Dans le cas précis des Pays-Bas, c’est un peu comme au football avec Ronaldo et Messi, il y a deux écoles. L’historique, Raymond van Barneveld, dit « RvB » ou « Barney » , et la machine, Michael « Mighty Mike » van Gerwen, favori à la sucession de Gary « the Flying Scotsman » Anderson. Esthète dans l’âme, RVP préfère RVB qui le lui rend bien, s’offrant de temps en temps des parties avec les footballeurs, Daley Blind et donc RVP en tête. Dans la contrée des Oranje, les darters sont presque l’égal des footballeurs. On peut lire des articles sur eux dans les quotidiens nationaux et les footeux osent les comparaisons les plus folles dans les colonnes du Telegraaf. « En Suède, on a Zlatan Ibrahimović, il est la grande star de l’équipe. Il a une forte influence sur l’équipe et est une source d’inspiration pour les jeunes. Je le compare à Michael van Gerwen, le darter. Toujours à viser très haut et, par conséquent, un exemple pour tous » , balance notamment Simon Gustafson, jeune international suédois. Auteur d’une année remarquable, Van Gerwen, supporter du PSV, a lui eu droit à un chant, (qui est en fait « son chant » , Michael van Gerwen, sur l’air de Seven Nation Army) à la mi-temps du dernier match de son club face au PEC Zwolle.
Lex Immers, le pionnier
Mais le rapport entre les deux sports ne s’arrête pas là. En Angleterre, aux Pays-Bas ou encore au Portugal, là où l’on a la culture du bar, quoi, de nombreux footballeurs pratiquent les darts. D’abord parce que le footballeur a beaucoup de temps « au vert » et qu’on ne fait pas mieux que le 501 (le jeu le plus pratiqué consistant à aller de 501 à 0 en finissant par un « double » , soit le cercle extérieur de la cible, ndlr) pour passer le temps. Ensuite, parce que le footballeur a besoin de concentration et a l’esprit de compétition pour à peu près tout ce qui se joue, du Mario Kart dans le bus au chifoumi pour un coup franc. Mais là encore, c’est un Hollandais qui joue le rôle de pionnier. Meneur de jeu du Feyenoord, Lex Immers a organisé son premier tournoi professionnel à La Haye, en novembre dernier, dans le stade de l’ADO. Interviewé par Voetbal International, le Batave est même allé plus loin : « Lex champion du monde de fléchettes dans l’avenir ? Rien n’est impossible. Être un aussi bon joueur que Raymond van Barneveld, c’est mon rêve. Mon père et moi avons vu la manière avec laquelle il est devenu champion du monde. Ça nous a fait entrer dans le royaume des darts. Ces dernières années, j’ai vraiment commencé à suivre de manière intensive ce sport. L’année dernière, mon père et moi avons commencé à jouer en championnat… » Désormais conseillé par son idole, Lex a promis de se lancer sur le circuit professionnel quand il le pourra. En attendant, en cette fin d’année, il fera comme la quasi-totalité des footballeurs hollandais et anglais : il regardera les darts après la Premier League. Louis van Gaal sait comment s’occuper s’il se fait virer après une défaite contre Chelsea.
Par Swann Borsellino