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Quand l’équipe de France s’entraînait à Saint-Malo
Si le stade Marville n'aura pas l'honneur de recevoir le Gazélec, il fut un temps où c'est toute l'équipe de France qui squattait le terrain de Saint-Malo.
« Je les connais pas ceux-là. J’ai jamais discuté avec eux, jamais joué avec eux, j’ai toujours été avec les Espoirs. M’enfin, ils sont aussi sympathiques que les autres, aussi accueillants… » En mai 1973, la moustache est fournie, et une certaine insolence affleure déjà derrière la timidité : Raymond Domenech est un jeune premier aux portes de sa première sélection en A. Derrière lui, la plage du Sillon, à Saint-Malo. C’est là que s’entraîne l’équipe de France pendant les qualificatifs de la Coupe du monde 1974. Le lendemain, les hommes de Georges Boulogne concèdent le nul face à l’Irlande, à Paris et dans une rencontre commentée par Michel Drucker. Un couac qui entraînera une sortie de route dès les préliminaires et mettra fin à l’idylle entre les Bleus et la cité de Surcouf. Déjà à l’époque, l’amour dure trois ans.
Au Grand Hôtel en camionnette
Tout a commencé par une rencontre. Celle entre Henri Guérin – aucun lien – sélectionneur des Espoirs, et René Beaumanoir, père de Roland, l’actuel président de l’US Saint-Malo. Jean Leveillé, correspondant pour l’AFP, Ouest-France et L’Équipe dans les années 70, détaille : « René, avec un groupe de bourgeois de Saint-Malo, avait la volonté de réhabiliter les Thermes marins de Saint-Malo, qui, à l’époque, s’appelaient encore le Grand Hôtel de Paramé. Il avait un contact amical avec Henri Guérin, un ancien du Stade rennais, et de là a germé l’idée de faire venir l’équipe de France à Saint-Malo. » Le 3 novembre 1970, le groupe Bleu débarque à l’aéroport de Dinard-Pleurtuit pour un stage en prélude aux matchs France-Norvège et France-Belgique. De 1970 à 1973, elle y fera trois à quatre stages par an, d’une petite semaine chacun. C’est là que Jean Djorkaeff annoncera à son sélectionneur la fin de sa carrière internationale, et que ce dernier fera monter Marius Trésor chez les A depuis les Espoirs. En attendant Domenech.
« C’était utile à la Fédération, pour qui Clairefontaine n’était encore qu’un projet, et aux Thermes, qui ont bénéficié d’une visibilité nationale. Ça leur a fait une excellente pub, et ils ont fait florès » , détaille Jean Leveillé. Reste que si « Charly » Biétry ou Eugène Saccomano ont pu passer par là, l’EDF n’était pas exactement la même machine qu’aujourd’hui. « C’était un peu artisanal » , glisse dans un sourire l’ancien correspondant. « Le matin, il paraît qu’il y avait un réveil musculaire sur la plage. Je crois, mais je n’y suis jamais allé, je n’étais pas trop matinal… » Il a quand même réussi à voir ce groupe en survêtements Adidas dépareillés jouer au ballon avec « des chiens traînants. Il y en avait toujours quelques-uns sur la plage » . Il l’a vu évoluer sans cordon de sécurité, il l’a même parfois « ramené à l’hôtel en camionnette » . Une époque où l’équipe de France balbutiante (une seule participation à la Coupe du monde entre 1958 et 1978) ne déchaîne pas les passions, et où les badauds peuvent venir à loisir regarder les joueurs, voire leur parler, puisqu’ « il suffisait de leur adresser la parole » .
Échec à Moscou, la route au nord
Sur le terrain du stade municipal de Marville, la résidence de l’US Saint-Malo, l’ambiance est en revanche plus studieuse pour Jean-Michel Larqué, Michel Mézy, Henri Michel ou Fleury Di Nallo. Sous la houlette de Georges Boulogne et Michel Hidalgo, les Bleus connaissent pour la première fois une préparation physique rigoureuse propre à une équipe de haut niveau. Elle reste insuffisante : après le nul concédé face à l’Irlande au Parc des Princes, l’équipe de France est condamnée à l’exploit le 26 mai 1973 à Moscou. Elle s’incline 2-0 face à l’URSS et ne fera pas le voyage en RFA en 1974 – pas plus que l’URSS qui, elle, a refusé de disputer le barrage retour face au Chili de Pinochet. L’air marin n’a pas permis à l’équipe de France de surfer sur les succès et le commandant Boulogne est débarqué.
En remplacement est nommé Ștefan Kovács, dernier sélectionneur étranger de l’équipe de France. Avec le Roumain aux manettes, l’équipe de France dirige sa route vers Le Touquet-Paris-Plage. Une affaire ourdie depuis Paris, selon Jean Leveillé : « Les journalistes parisiens ont convaincu Kovács de changer, sous prétexte de perte de temps. Mais avec Paris-Plage, le temps gagné se chiffre en secondes ! En plus, il y avait des pressions politiques, car le sénateur-maire de Paris-Plage était Léonce Deprez, par ailleurs gardien de l’équipe de France amateur… » Le problème sera définitivement résolu avec l’ouverture de l’INF Clairefontaine en 1988. Pour Saint-Malo et le stade Marville, il reste toujours les derbys face à Vitré.
Par Eric Carpentier