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Quand l’éducateur filmait sous les douches…
Juste après la Pentecôte, un éducateur des U15 de l'ES Thyez (Haute-Savoie) est interpellé après qu'un jeune a découvert dans la douche de son bungalow une GoPro appartenant à son responsable. Arrêté pour atteinte à la vie privée, détention d'images pédo-pornographiques et agressions sur mineurs, l'éducateur présent au club depuis une dizaine d'années serait surtout un récidiviste. Récit d'une histoire plutôt glauque et d'un vide juridique au sein du foot amateur.
Deuxième journée de matchs. Un U15 du club de Thyez, petit club de Haute-Savoie en déplacement à Valras-Plage pour le tournoi de la Pentecôte, va se doucher un dimanche matin dans son bungalow loué pour les trois jours. Il repère une caméra de type GoPro. Il visionne son contenu avec ses coéquipiers. L’équipe découvre plusieurs vidéos d’eux en train de se doucher. Ils décident donc d’alerter les adultes présents au tournoi. On découvre vite que la caméra appartient à un des deux éducateurs des U15, un bénévole présent au club depuis une dizaine d’années. Le ton monte vite. « Son binôme, l’autre entraîneur des jeunes, est devenu fou. Il a voulu lui casser la gueule. Des parents ont dû intervenir. Tout de suite, il a été dégagé du tournoi, et il est rentré en Haute-Savoie » , explique Baptiste*, un joueur de l’équipe sénior, au club depuis ses 10 ans. Après son départ, la tension est à son comble. Les encadrants découvrent une sacoche appartenant à l’éducateur. À l’intérieur, des photos de joueurs dénudés et une note plus que glauque. Sur celle-ci, le bénévole âgé d’une cinquantaine d’années a décortiqué son petit dispositif, et rien n’est laissé au hasard. « Objectif n°1 : placer la caméra dans un coin de la douche collective. Objectif n°2 : … » . De quoi plomber l’état de fête qui règne au sein du club familial d’environ 400 licenciés. L’équipe première vient en effet de monter en PHR, le plus haut niveau jamais atteint par le club.
Il passe aux aveux
Les jeunes tiennent à finir le tournoi et finissent en milieu de tableau. Pendant ce temps-là, à son arrivée en Haute-Savoie, le délinquant est cueilli par la police, le 25 mai. Il avoue tout, et plus encore. Il reconnaît avoir filmé les jeunes à leur insu, ainsi qu’avoir commis plusieurs agressions sexuelles entre 2005 et 2008, comme le revèle le Dauphiné Libéré. « Je suis arrivé au club quand j’avais 10 ans, j’en ai aujourd’hui 25. Lui, il est arrivé quand j’en avais 13 ou 14. La première équipe qu’il a suivie, en tant qu’adjoint, c’était la mienne. J’ai passé des après-midis entiers avec lui. Il m’emmenait voir les matchs des seniors le dimanche. Il ne s’est jamais rien passé, il était normal avec moi. La semaine dernière, je rigolais encore avec lui sur la touche. Je le connaissais très bien… » , confie Baptiste.
Le deuxième gros point noir de l’histoire, c’est que la police établit très vite que le bénévole en question est un récidiviste. En 2000, il était condamné pour agression sexuelle sur mineur, dans l’Hérault. Conseiller patrimonial, il a commis cette agression en tant qu’éducateur sportif, déjà, dans un club de la région. Après avoir effectué sa peine et les trois ans d’interdiction d’approcher des mineurs, il déménage en Haute-Savoie. Il se présente à l’ES Thyez et prétend une mutation par rapport à son travail. Quand le club fait une demande de licence d’éducateur sportif, la FFF donne son feu vert. Ses antécédents n’apparaissent nulle part dans son dossier.
« Un vide juridique »
« Depuis quelques jours, je lis beaucoup de commentaires très durs envers le club sur les réseaux sociaux. Mais il faut bien comprendre que ça pourrait arriver à n’importe quel club » , affirme Baptiste. Et pour cause, certains accusent le club de manque de vigilance, n’ayant pas demandé le casier judiciaire de ses bénévoles. Seulement voilà, en France, une telle requête est impossible quand il s’agit de bénévolat. « Il s’agit d’un vide juridique. Aucun texte ne prévoit l’obligation, ni même la possibilité de vérifier la moralité ou les antécédents judiciaires des bénévoles dans les associations sportives en France. Les éducateurs sportifs qui interviennent contre rémunération, eux, font objet de vérification au moment où les services de l’État leur délivrent leur carte d’éducateurs sportifs » , reconnaît Pierre-Yves Michau, le procureur de la République de Bonneville, à France Bleu.
Dans ce contexte, le sénateur maire de Marnaz, une ville voisine, a décidé d’interroger le gouvernement. Il demande au ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports de bien vouloir « l’informer des dispositions qu’il envisage de prendre pour protéger notre jeunesse de bénévoles présentant des antécédents incompatibles avec leur fonction et donner aux associations les moyens d’éviter de tels drames indélébiles » , rapporte Le Dauphiné Libéré. En espérant que cette triste affaire puisse en éviter d’autres.
Par Kevin Charnay
*Nom d'emprunt