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Quand le petit Cannibale se rêvait footballeur

Par Maxime Brigand
Quand le petit Cannibale se rêvait footballeur

Vainqueur de la Clasica San Sebastian samedi à 19 ans, Remco Evenepoel a eu une autre vie avant de devenir l'héritier désigné d'Eddy Merckx. Il y a quelques années, le coureur belge jouait à Anderlecht et était capitaine en équipe nationale de Belgique de sa catégorie. Récit.

C’était un jour pour souffrir, pour se faire exploser la boîte à douleur et pour ouvrir tous les robinets. Du moins, c’est ce que demandait le scénario alors que Julian Alaphilippe, tenant du titre et cinquième du dernier Tour de France, venait de jeter l’éponge après 90 kilomètres de course. Une grande course d’un jour, Remco Evenepoel, 19 ans, n’avait jamais connu ça. Et alors ? « Je n’ai jamais eu peur de la pression, c’est vraiment quelque chose qui m’est étranger » , soufflait-il en janvier dernier, au moment de débuter sa carrière professionnelle avec l’équipe belge Deceuninck-Quick Step, là où Alaphilippe, son leader, se disait « assez curieux » de savoir ce que ça allait donner. Trois victoires, dont une au classement général du Tour de Belgique, plus tard, il y avait de quoi être excité, surtout en ayant connaissance du passé du gamin chez les jeunes (notamment un doublé inédit contre la montre et course en ligne aux Mondiaux juniors l’an passé). Au départ, Evenepoel disait pourtant venir sur la Clasica San Sebastian ce week-end pour apprendre et travailler pour les autres. Puis, « l’abandon de Julian a changé les plans » , et tout a basculé : à vingt kilomètres de l’arrivée, le plus jeune engagé de la classique basque est sorti du groupe de tête et n’a jamais été rattrapé, terminant avec quelques trente-huit secondes d’avance sur ses premiers poursuivants. Délirant.

Peut-être encore plus lorsqu’on sait que le prodige belge, annoncé de partout comme le successeur d’Eddy Merckx, a connu un problème avec son vélo qui lui avait fait perdre le contact avec le peloton. Il fallait l’écouter à l’arrivée : « Je n’ai pas les mots, je ne peux rien dire. J’étais juste pour prendre de l’expérience, même si la forme était bonne et qu’il y avait la possibilité de faire un bon résultat… » Un énième bon résultat, quelques jours après avoir annoncé son déménagement à Monaco pour pouvoir s’entraîner davantage en altitude, ce qui lui a coûté une histoire d’amour avec sa copine du moment. Il y a quelques années, pourtant, Remco Evenepoel rêvait d’autre chose et n’utilisait son vélo que pour effectuer le trajet entre la maison de sa famille d’accueil, à Best (Pays-Bas), et la gare, où l’attendait un train pour rejoindre Eindhoven. Tout était sur les rails : le fils Evenepoel allait devenir footballeur professionnel.

Semi-marathon à 16 ans et PSV

Chez les Evenepoel, le vélo était même devenu un sujet dont on parlait peu depuis que le père, Patrick, vainqueur du Grand Prix de Wallonie en 1993 et ancien coureur chez Collstrop et Hilstor au début des années 90, avait décidé d’écourter sa carrière dans le cyclisme pro suite à l’arrivée massive de l’EPO dans le peloton. Alors, Remco s’était mis au foot, à l’âge de cinq ans, et avait rejoint les rangs d’Anderlecht. Il y restera jusqu’à une dispute avec un entraîneur du club, en U11, moment où le PSV Eindhoven va venir le récupérer. Le responsable du scouting des jeunes du club batave, Rini de Groot, racontait l’épisode il y a quelques mois au magazine Sport Foot : « Remco ne s’amusait plus à Anderlecht. J’avais rencontré son père à plusieurs reprises dans des tournois et c’est ainsi qu’il nous a rejoints. Il avait un bon pied gauche et une bonne lecture du jeu. À l’époque, c’était un grand talent. » Si bien que les dirigeants du PSV acceptent de le laisser chez ses parents, à Schepdaal, lors de la première saison, et d’envoyer quelqu’un le chercher tous les matins sur les coups de cinq heures avant de le ramener, le soir, aux alentours de 20h30.

L’année suivante, Remco Evenepoel est placé dans une famille d’accueil, à Best, histoire d’éviter les trajets interminables. Il vit chez les Smetsers et impressionne rapidement la famille, ce qu’expliquait Debby Smetsers, toujours dans Sport Foot : « Il surveillait son alimentation, consommait beaucoup de fruits, pas de sucreries, effectuait de nombreux exercices à la maison… Le soir, avant de remonter dans sa chambre, il jouait au Rummikub ou au Yahtzee avec nous. Il était furieux quand il perdait ! C’est tout juste s’il ne quittait pas la table. Mon mari, Bart, et lui se lançaient aussi des défis au tennis de table. Ils se livraient des parties acharnées. » C’est ce caractère qui plaît à ses coachs, à Eindhoven, où il porte souvent le brassard de capitaine, déjà. Virage : alors que son apprentissage au PSV ne connaît aucune embuche, sa mère, propriétaire d’un salon de coiffure, tombe malade et le jeune Remco souhaite rentrer en Belgique, et à Anderlecht, qui le récupère. Il a alors 14 ans et est un type que les coachs du coin regardent avec un mélange d’admiration et d’interrogation : quel est ce monstre physique ? Un monstre physique capable de faire un semi-marathon en une heure, seize minutes et quinze secondes à 16 ans, de se faire des sorties à vélo d’environ 100 kilomètres le dimanche et d’enchaîner plusieurs matchs dans la semaine. Chez les Mauves, Remco Evenepoel fait aussi exploser les records de vitesse, si bien qu’un préparateur du physique du club voit en lui un potentiel « bon triathlète » , tout en s’imposant au milieu de terrain, au point de rejoindre l’équipe nationale U15. En sélection, il est alors positionné latéral gauche. « C’était un défenseur impitoyable, glisse son ancien coach chez les U15 belges, Joric Vandendriessche. Ses adversaires devaient le passer cinq fois avant d’en être débarrassés. » Problème : si l’ado affiche une énorme endurance, il est souvent bien en dessous des autres sur les tests d’explosivité et perd progressivement sa place de titulaire à Anderlecht.

« J’ai frôlé la dépression »

Le leader-né, cité en exemple par ses coachs de l’époque, décide alors de quitter le club au cours de la saison 2016-2017 et rejoint Malines. Pour quelques semaines à peine, ce qu’il justifiait l’année dernière dans un entretien donné à L’Equipe : « Je sentais qu’à Anderlecht, on ne ne croyait pas à 100% en moi. Je n’étais plus moi-même, j’ai frôlé la dépression… On me parlait d’une place dans le noyau A et je pouvais même signer un contrat pro, mais le plaisir du jeu avait disparu. J’ai donc décidé d’arrêter le football. Mes équipiers ne comprenaient pas et trouvaient mon choix bizarre, à dix-sept ans, mais j’étais convaincu que le foot n’était pas mon monde, que je devais faire autre chose. » En son temps, Axel Merckx, fils d’Eddy, était lui aussi passé par Anderlecht avant de se mettre au vélo. Greg Van Avermaet, lui, a été gardien de but à Beveren avant de monter à bicyclette à l’âge de dix-huit ans. À son tour, Remco Evenepoel est un jour parti dans le garage familial, a pris le vélo du paternel et a décidé de mettre à profit sa puissance physique pour devenir le « petit Cannibale ». Samedi, à San Sebastian, il a ainsi filé un argument supplémentaire à ceux voyant en lui le patron du futur : un patron qui a donc décidé de sourire en cuissard plus qu’en short large. Son dernier entraîneur à Malines, Steve Van Tongelen, en est pourtant convaincu : « Je pense qu’il n’a pas pu montrer tout ce dont il était capable… »

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