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Quand le football devient diplomate

Par Gabriel Cnudde
Quand le football devient diplomate

Le New-York Cosmos disputait, ce mardi, un match amical contre l'équipe nationale de Cuba, à la Havane. Un événement sportif historique au service de la normalisation des relations entre deux pays embourbés dans une véritable guerre froide depuis plus d'un demi-siècle.

Réduire le football à un simple sport, c’est bien vite oublié qu’à de nombreuses reprises, le ballon rond s’est confondu avec des événements politiques de premier ordre. Il y a eu ce match entre le Honduras et le Salvador, bien sûr, qui a accouché d’une guerre. Il y a eu les organisations, comme le FLN, qui ont compris que le football était un outil qui pouvait servir leurs causes. Il y a eu cette rencontre de Coupe du monde, en 1998, entre les États-Unis et l’Iran, sur base de réconciliation partielle. On peut également évoquer l’organisation de la Coupe du monde 2002, sur laquelle Corée du Sud et Japon ont dû s’allier, ou ce match entre l’Argentine et le Pérou, en 1964. À cette longue liste d’instants éphémères pendant lesquels football et diplomatie ne faisaient plus qu’un on peut désormais ajouter ce match entre le New York Cosmos et Cuba, le premier entre une équipe américaine et Cuba depuis un match du Chicago Sting, en 1978. 90 minutes pour comprendre ce qu’il se passe vraiment entre l’Oncle Sam et la famille Castro.

La diplomatie du cuir

Le 1er janvier 1959, tôt dans la matinée, les barbudos d’Eloy Gutiérrez Menoyo s’emparent de La Havane. Dans le même temps, Fidel Castro, à la tête de la révolution, s’empare de Santiago et la déclare capitale du pays. Cuba cède à la révolution socialiste, à quelques mètres seulement des frontières du « leader du monde libre » , les États-Unis. Un affront impensable, qui force Washington à rompre toute relation diplomatique avec La Havane, en 1961, et qui pousse même l’US Army à se lancer dans une tentative d’invasion à l’issue plus qu’incertaine. Les exilés cubains au service de l’oncle Sam sont écrasés dans la baie des cochons, en avril. Un an plus tard, la crise des missiles fait craindre au monde entier un feu d’artifice bien nocif. Depuis, c’est peu dire que les deux pays se boudent. L’exode de Mariel, la politique des « pieds secs, pieds mouillés » et la loi Helms-Burton illustrent à merveille l’embargo américain en place jusqu’à décembre 2014 et la déclaration choc du président Barack Obama : « Somos todos Américanos. » Et comme de nombreux hommes politiques, le locataire de la Maison Blanche a bien compris que le sport pouvait devenir un outil diplomatique de premier choix pour illustrer sa politique.

Alors, quand le New York Cosmos atterrit à La Havane, lundi soir, une foule compacte se presse pour voir les stars mondiales. Raúl, bien sûr, mais également le roi Pelé, président d’honneur du club de la ville américaine. Selon Janette Habel, politologue, enseignante à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine à Paris III et membre du Centre de recherches sur l’Amérique latine et les Caraïbes de l’université Aix-Marseille, ce match « est un peu comme le ping pong à l’époque du processus de rétablissement des relations avec la Chine. » Porte drapeau de la normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba, cette rencontre est avant tout symbolique. Hautement symbolique, même, parce qu’en rayant Cuba de sa liste de pays terroristes, la Maison Blanche a ouvert la porte à la prochaine réouverture des ambassades. « La première étape de cette normalisation va se passer très prochainement : c’est la réouverture des ambassades à La Havane et à Washington. Il y avait trois conditions à cette réouverture et la plus importante est déjà remplie » , explique Janette Habel. Seulement, si on s’éloigne un instant du football, de ce rapprochement par le jeu et le spectacle, il est bon de se demander ce qui pousse Washington à revenir sur un statu quo de plus d’un demi siècle.

Le dessous des crampons

Même les plus naïfs se doutent bien que si les relations se normalisent, c’est que les deux parties ont quelque chose à y gagner. Pour Cuba, l’équation est vite résolue : la levée de l’embargo permettrait au pays de renouer des liens marchands avec un des pays phares du commerce international. Seulement, retirer cette chape de plomb risque de prendre du temps, comme l’explique madame Habel : « Le contexte du match, c’est l’ouverture des ambassades. Les contentieux ne seront pas réglés pour autant. La deuxième étape, qui prendra beaucoup plus de temps, concerne la levée de l’embargo et de toutes les sanctions économiques. Ce sera très compliqué, à cause des indemnités réclamées par les Cubains. » Pour les États-Unis, ce rétro pédalage diplomatique est bien soigné. Les déclarations des joueurs sont très encadrées, il ne faut rien faire de travers et flatter les Cubains. « Cuba aura très prochainement une équipe en Coupe du monde » , déclarait Pelé, alors que Raúl vantait l’esprit du football qui habitait l’île, alors que les Cubains pratiquent majoritairement le baseball. Un peu d’exagération n’a jamais tué personne.

En réalité, cette normalisation des relations a un arrière goût d’échec pour la diplomatie américaine, qui est bien obligé de changer de cap pour reconquérir un terrain d’influence perdu depuis longtemps. « La politique suivie par les Américains est un échec. Ils ont échoué dans leurs objectifs et ils se sont beaucoup isolés des autres pays de l’Amérique latine, même des pays conservateurs » , explique la politologue, avant d’ajouter : « Ces négociations signifient que la diplomatie américaine a été mise en échec dans son arrière cour, sa zone d’influence. » Un premier enjeu, donc : ne pas rester sur un échec. Rapidement couplé à des considérations économiques importantes. « La Chine, le Brésil, investissent beaucoup à Cuba, même l’Europe, et surtout la France le font (François Hollande était en visite à Cuba en mai dernier, ndlr). Il y a une concurrence entre beaucoup d’États, mais sans les États-Unis, freinés par leur embargo » , rappelle Janette Habel. Certes, les 22 acteurs de ce match n’avaient peut-être pas tous ces éléments en tête alors qu’ils construisaient leurs phases de jeu. Mais tous savaient sans doute qu’ils participaient à quelque chose d’un peu particulier. Au coup de sifflet final, ni médailles ni trophées pour le vainqueur, New York Cosmos (victoire 4-1), mais le sentiment d’être rentré, par une porte dérobée, dans l’histoire de la diplomatie du XXIe siècle.

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Par Gabriel Cnudde

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