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Quand le foot la joue foraine
À Paris, Marseille et Lille, l'Euro se veut culturel et populaire à travers les événements Foot-foraine. On a été inaugurer celui de Lille, avec des manèges, des baby-foot, et surtout des manettes branchées sur Actua Soccer.
Trois gares se disputent le pavé lillois. Il y a l’historique Lille-Flandres, construite à partir de l’ex-gare du Nord dépecée, déplacée et remontée à Lille comme un vulgaire Meccano. Il y a la futuriste Lille-Europe, qui reçoit la fan zone contre ses flancs. Et il y a Saint-Sauveur. Ancienne gare de marchandise, c’est aujourd’hui un haut-lieu de la culture tendance tatouée dans la capitale des Hauts-de-France. Un centre qui se transforme, le temps d’un été, en un espace à visiter pour les curieux du ballon. De la culture, un peu, mais aussi des jeux vidéo et de la bière pression. Des ingrédients toujours bienvenus entre deux matchs de l’Euro.
Lille, Paris et Marseille, même manège
Martine Aubry est au programme de l’inauguration. Mais au dernier moment, on apprend qu’elle a dû passer par la case clinique – pour les inquiets, la décompression de son nerf sciatique s’est bien passée. Résultat, toutes ses représentations publiques sont annulées. Un esprit chagrin pointerait le peu de goût de la maire de Lille pour la chose footballistique. Ce serait oublier, aussi, sa volonté de mettre la culture au centre de la vie lilloise. Notamment à travers le programme Lille 3000, matrice de l’exposition Foot-foraine et rejeton de Lille 2004, capitale européenne de la culture.
Car pour comprendre comment Lille, Paris et Marseille partagent des événements homonymes, il faut revenir à leur gestation. En parallèle de l’Euro, François Hollande constitue un « 11 tricolore », soit onze personnalités chargées de faire vivre la compétition au-delà du sport. Au poste culturel, on retrouve Didier Fusillier, père de Lille 2004 et grand gourou de la culture au nord. C’est lui qui a voulu associer foot et culture populaire. Va pour la fête foraine, donc. Pierre de Saintignon, adjoint de Martine Aubry et remplaçant au pied levé, ne manque pas de le rappeler dans son discours inaugural : « Le foot va se mêler à l’art dans un décor de fête foraine. » Viennent ensuite les inévitables « magie », « merveilleux » et « expérience unique » au milieu d’un discours loin d’être passionnant. Surtout pour les habitués – le vernissage se fait sans privatisation de la gare – qui voient leur bar arrêté le temps du speech du « vieil élu ».
Ronaldinho en noir et blanc, Alou Diarra en sang et or
La pause des pompes leur offre néanmoins le temps de visiter l’exposition gratuite. Une jolie série de photos pour les accueillir. D’un côté, trois 4×3 de moments forts des Bleus en mode Euro : l’échange de fanions préalable au mythique France-Yougoslavie de 1960 (demi-finale, 4-5), Luis Fernandez façon labrador mouillé en 1984, et Blanc embrassant le crâne chauve de Barthez en 2000. De l’autre, les portraits de joueurs photographiés à l’instant de leur sortie du terrain. Ou la confirmation que Puyol et Gattuso sont des guerriers, que Beckham et Cristiano restent propres sur eux en toutes circonstances, et que Ronaldinho ne sait pas poser sans avoir le smile. Et puis, quel plaisir de revoir Ronaldo, le vrai, transpirant et sans bajoues.
Plus loin, le hall de gare ouvre sur des œuvres pluridisciplinaires. Un concept où des bouteilles figurent les spectateurs côtoie une pyramide composée de 500 ballons, une chambre tapissée aux couleurs du LOSC suit des baby-foot délurés. Il y en a pour tous les goûts. Mais surtout, un mur de trente mètres reçoit les rétro-projections d’une dizaine de jeux de foot, manettes disponibles au bout des fils. Le Soccer Party Club, c’est son nom, envoie du rêve teinté de nostalgie. Actua Soccer, Virtua Striker 2, le premier PES… Sur FIFA 2005, Jérôme Leroy joue le une-deux avec Alou Diarra. Juste à côté, l’inimitable Mario Smash Football se rappelle à nos bons souvenirs. Pour le meilleur ou pour le pire.
Un détour par l’installation Deep Play, 12 écrans pour décortiquer le France-Italie de juillet 2006, et le soleil rappelle. En ressortant sur le parvis de Saint-Sauveur, les manèges antiques disputent la place à la terrasse ensoleillée du Bistrot de St-So. L’une des attractions date de 1900 et sa vitesse est fonction des coups de pédales de ses occupants. « Une équipe de foot bien entraînée peut pousser le manège à 60 km/h », indique le patron. Mais pour cela, il va falloir attendre l’Euro : ce soir, les terrassiers ont le plaisir de découvrir qu’en raison du vernissage, c’est open bar pour tout le monde. Saint-Sauveur n’a jamais aussi bien porté son nom.
Par Eric Carpentier, à Lille