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Quand le coronavirus dérègle le coucou suisse
Face à l'épidémie de coronavirus touchant également la confédération helvétique, le football suisse se met en berne. Jusqu'au 23 mars, plus aucun match ne sera disputé, même à huis clos, laissant dans l'expectative joueurs, entraîneurs et dirigeants.
Cette semaine, le football helvète retient sa respiration. Ce qui fait craindre aux rédacteurs du Matin ce « premier jour d’une vie sans match pour le football suisse » . Oui, ça commence comme le titre d’un film français et ça pourrait se terminer comme un film apocalyptique comme savent en faire les Américains. Dans la confédération, le coronavirus conduit à un arrêt des championnats de D1 et de D2, ce que même la Seconde Guerre mondiale n’avait pas su faire.
Réunie à Berne le 2 mars, la Ligue suisse de football a en effet décidé de suspendre quatre journées de compétition, en apportant un prolongement à la mesure prise plus tôt par le Conseil fédéral, interdisant toutes manifestations impliquant plus de 1 000 personnes jusqu’au 15 mars au moins (le hockey sur glace est lui aussi affecté, tout comme le festival international du film de Fribourg). Ce jeudi matin, la Suisse compte 87 cas déclarés, alors qu’une patiente de 74 ans est décédée à Lausanne lors de la nuit dernière. Et forcément, la prudence est de mise, jusque sur les pelouses de foot.
En Suisse, on joue la montre
Dans le Tessin, canton frontalier de la Lombardie, région italienne la plus touchée par le Covid-19, 15 personnes sont touchées. Cependant, tout le monde ne cède pas à la panique. « Je n’ai pas particulièrement peur de tout ça, je ne vais pas rester enfermé chez moi, assure Loïc Jacot, gardien du FC Chiasso, club de D2 situé à quelques encablures de Côme en Italie. Je fais juste plus attention et j’évite d’aller faire des courses en Italie. » Il y a quelques jours, le joueur formé au Neuchâtel Xamax et prêté par le FC Lucerne, exprimait son inquiétude du fait que plusieurs de ses coéquipiers ainsi que l’ensemble du staff viennent de l’autre côté de la frontière. « On a eu quelques appréhensions au départ à cause de la présence d’Italiens dans l’effectif, mais le club nous a rassurés, pose-t-il aujourd’hui. On est obligé de faire avec et à part tousser dans son coude et ne pas se serrer la main, il n’y a pas grand-chose à faire. » Si personne ne porte de masque à l’entraînement, la bonne nouvelle pour le portier reste que « les gants sont plutôt adaptés à la situation » .
À cette heure, ce qui pèse le plus pour les footballeurs est finalement l’attente, le fait de ne pas savoir de quoi sera fait leur prochain week-end. « On s’entraîne normalement, mais c’est compliqué parce qu’on fait tout le temps la même chose, déplore Jacot. On fait des matchs amicaux sans savoir quand et où on jouera, sans savoir ce qu’il faut préparer. » Surtout que Chiasso est vissé à la dernière place de Challenge League, à cinq points de Schaffhausen, et cet épisode est un coup d’arrêt dans la mission maintien. « On remontait gentiment au classement et là, y a ça qui arrive, continue le gardien. Ça nous coupe les jambes, alors qu’on commençait à être vraiment bien. On n’a plus qu’à s’entraîner correctement pour être en forme quand les matchs reprendront. » Même problématique à l’étage du dessus. « J’aimerais bien savoir, cela me gêne un peu, confiait Peter Zeidler, le coach de Saint-Gall au Matin. Si la mesure est levée, on reprend le 21 ou le 22 et ensuite on s’arrête à nouveau deux semaines pour la pause des équipes nationales… Je crois que la meilleure chose aurait peut-être été de dire stop jusqu’au 4 avril afin que l’on puisse se préparer en fonction. » D’autant plus que l’arrivée du printemps pourrait également sonner la fin de la crise. « J’ai entendu dire que le virus aurait de la peine à rester avec la chaleur, rapporte Loïc Jacot. J’espère que dès le 1er avril, il n’y aura plus rien. Comme ça on pourra tout reprendre, rattraper les matchs… »
Le report plutôt que le huis clos
Mais pourquoi ne pas jouer les matchs à huis clos comme en Italie ? En Suisse, les organisateurs préfèrent éviter de laisser les matchs se jouer sans donner l’accès au public. « L’option d’organiser des matchs sans spectateurs a également été discutée, rapportait au Temps le directeur la Ligue nationale de hockey Denir Vaucher, soulevant un constat partagé chez ses homologues du foot. Cependant, les clubs ont décidé de s’opposer à cette éventualité pour des raisons économiques et parce qu’il y a encore suffisamment de dates alternatives disponibles. » Qualifié en huitièmes de finale de la Ligue Europa et opposé aux voisins de l’Eintracht Francfort, le FC Bâle devrait par exemple faire une croix sur 1,5 million de francs suisses si la rencontre aller devait se jouer à huis clos, sans compter le désavantage sportif.
Trop de charges, pas assez de recettes, le choix a donc vite été fait dans un pays où les droits télé n’atteignent pas des sommets comme dans les grands championnats européens et où les championnats à 12 équipes laissent des possibilités de rattraper le temps perdu. Ne reste plus qu’à prendre son mal en patience. Loïc Jacot ne sait pas de quoi son planning sera fait d’ici les prochaines semaines. « Déjà, on doit jouer à Bienne contre l’Azerbaïdjan le 26 mars et le 30 à Nîmes contre la France. Je ne sais pas si on pourra jouer, doute la doublure du Lyonnais Anthony Racioppi chez les U21 suisses. Alors pour ce qui est des vacances, on verra ça plus tard. »
Par Mathieu Rollinger
Propos de Loïc Jacot recueillis par MR.