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Quand la saucisse polonaise envahit les stades allemands
Présente dans la plupart des échoppes aux alentours des stades allemands, la Krakauer (ou saucisse de Cracovie) est une des rares saucisses étrangères à avoir percé en Allemagne, un pays où ne rigole pas la Wurst.
En Allemagne, on prend la saucisse très au sérieux. Il n’y a qu’à voir la taille du rayon Wurst dans le moindre supermarché pour s’en rendre compte. Du choix, il y en a aussi beaucoup aux abords des stades allemands, l’endroit idéal pour manger de la bonne saucisse entre potes avant ou après un match. Et parmi les plus populaires, on trouve la Krakauer, en référence à la ville de Cracovie, une charcuterie bien polonaise donc. Dans un pays qui a produit 1,4 million de tonnes de saucisses en tout genre en 2014, l’omniprésence d’une Wurst étrangère dans les Brötchen surprend.
« Selon les régions, on peut trouver de la saucisse étrangère, surtout autour des stades. Dans la région de Stuttgart, on trouve notamment de la saucisse suisse » , explique Florian Renz, sociologue, et auteur du livre Auf der Suche der perfekten Stadionwurst (À la recherche de la saucisse de stade parfaite). Mais aucune n’a réussi à atteindre le degré de popularité de la Krakauer. Son succès, elle le doit à son goût résolument différent des saucisses teutonnes. « LaKrakauerest composée à environ 80% de viande de porc et à 20% de viande de bœuf, alors que les saucisses allemandes sont à 100% porc. Elle est parfumée aux herbes et surtout, elle est fumée, c’est ce qui lui donne ce goût si particulier » , ajoute Florian Renz. Un peu plus grosse qu’une Bratwurst classique et donc plus goûtue, la Krakauer est la saucisse idéale pour le stade. Après en avoir mangé une, il est difficilement concevable d’en avaler une autre de suite, tellement elle colle à l’estomac.
Symbole de la gastronomie polonaise
Comme son nom l’indique, la Krakauer est une saucisse originalement produite dans la région de Cracovie. Présente en Allemagne depuis très longtemps, elle est devenue extrêmement populaire après la Seconde Guerre mondiale, lors du retour au pays de nombreux Allemands de Pologne – et surtout de Silésie, région frontalière et proche de Cracovie –, mais aussi de l’arrivée massive de Polonais dans les usines du pays. Du reste, elle est maintenant particulièrement appréciée dans la région où les Polonais sont les plus présents, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, où habitent, selon le recensement de 2011, 780 000 personnes possédant un passeport polonais.
« LaKrakauergrillée est devenue très populaire en Allemagne, à tel point qu’ici, dans la région par exemple, elle concurrence laBratwurst. Elle est devenue un symbole de la gastronomie polonaise » , soutient Mme Golebiewski, propriétaire du Gdanska, un « Kulturrestaurant » polonais à Oberhausen, dans la Ruhr. Dans cette partie du pays où le barbecue est une religion, la saucisse grillée au stade en plein hiver a en plus une signification particulière. Dès la mise en bouche, les souvenirs de l’été remontent à la surface. Finalement, seule l’Allemagne méridionale reste insensible au charme de la Krakauer. « Dans le sud du pays, surtout en Bavière et en Franconie, la culture de la saucisse blanche est tellement forte que laKrakauer, comme tous les saucisses dites rouges, n’est pas très populaire » , remarque Florian Renz.
La saucimilation
Aujourd’hui, bien qu’elle ait conservé son appellation et sa recette polonaises, la Krakauer qu’on mange au stade est principalement fabriquée en Allemagne plutôt qu’importée de Pologne. Dans son pays d’origine, elle se décline sur plusieurs formes : « La Krakauer à griller, la Krakauer sèche, la Sonntagskrakauer, les petites Krakauer » comme nous l’explique Mme Golebiewski. Mais les Allemands ne mangent que celle qui se grille, essentiellement car elle est celle qui se rapproche le plus de ce qu’ils connaissent déjà.
« Outre laKrakauer, il y a d’autres mets de la cuisine polonaise dont les Allemands sont friands : leBigos, un ragoût de choux avec de la viande, ou encore lesRinderrouladen, des espèces de paupiettes de veau servies avec desKlöße (boulettes à base de pomme de terre) de Silésie. Si les Allemands aiment ces plats, c’est parce qu’ils ressemblent un peu à ce qu’ils ont déjà. » Un peu comme pour la saucisse, en fait. Si la Krakauer a autant de succès, c’est peut-être tout simplement parce qu’elle offre un dépaysement tout en permettant de garder les pieds en Allemagne.
Par Sophie Serbini