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Quand la Roma envoyait indirectement la Fiorentina en Serie B
Il y a un peu plus de 22 ans, la Fiorentina était reléguée à la surprise générale en Serie B. Une relégation qui avait alors fait couler beaucoup d'encre, notamment en raison d'une rencontre suspecte et défavorable aux Gigliati entre la Roma et l'Udinese. Retour sur une des plus incroyables relégations de l'histoire, en compagnie d'un de ses protagonistes, Francesco Baiano.
6 juin 1993. 34e et dernière journée de Serie A. Le Milan AC est assuré de décrocher le Scudetto depuis un bail. En revanche, la situation est bouillante en bas de tableau. L’Udinese (29 points), Brescia (28) et la Fiorentina (28 également) se battent effectivement pour décrocher leur place en barrages et ne pas accompagner Ancona et Pescara en Serie B. Il faut noter que les victoires ne sont alors créditées que de deux points au compteur. L’équipe la plus en danger est toutefois la Fio qui possède un bilan négatif contre ses deux adversaires directs. En plus d’être dans l’obligation de s’imposer contre le Foggia de Zdeněk Zeman, la formation viola doit donc compter sur un faux pas de l’Udinese ou de Brescia. La première mission est remplie avec brio, puisque les Gigliati explosent la troupe du Bohème 6 à 2 après avoir même mené 6 à 0. Cependant dans le même temps, Brescia domine la Sampdoria 3 à 1 malgré l’expulsion de Stefano Bonometti dès la demi-heure de jeu. Tout autre résultat qu’une défaite de l’Udinese enverrait donc la Fio à l’échelon inférieur. Les Frioulans sont alors en déplacement sur la pelouse de la Roma. Pas simple, même si les Giallorossi ne pointent qu’en milieu de tableau.
La mauvaise blague de Carnevale
C’est d’ailleurs la Louve qui prend les devants en début de seconde période sur un penalty de Thomas Häßler. Andrea Carnevale, ex-joueur de l’Udinese de 84 à 86, fait lui son entrée en jeu à la 68e minute. Avant de rater une incroyable opportunité de doubler la mise quelques instants plus tard après avoir dribblé le gardien frioulan Paolo Di Sarno. Une anecdote ? Pas du tout, car Stefano Desideri, romain et formé à la… Roma, égalise dans la foulée pour l’Udinese et envoie ainsi la Fiorentina en Serie B. Attaquant phare de la Fio cette saison-là avec Batistuta, Francesco Baiano doute encore de la bonne conscience de Carnevale : « Bien sûr que je me rappelle cette action. D’ailleurs quand on se concentre sur le cas de Carnevale, il a fini à l’Udinese la saison suivante. » Un manqué volontaire donc ? : « Ça, je ne sais pas, je ne suis pas devin » , confie Baiano avec prudence. « Mais c’est étrange qu’un joueur qui a raté un but après avoir dribblé le gardien et sans personne pour le contrer, finisse ensuite l’année suivante dans cette équipe là… » Entérinant au passage la relégation de la Fiorentina, l’une des plus incroyables de l’histoire de la Serie A. Retour neuf mois plus tôt, en septembre 92.
Gros mercato et seconde place à la trêve
L’été a alors été plutôt agité du côté de Florence. Luigi Radice a pris la place de Sebastião Lazaroni sur le banc de touche. Mais c’est surtout sur le marché des transferts que la Fio a été très active avec de grosses arrivées, comme celles de Brian Laudrup et d’Effenberg en provenance du Bayern ou de Di Mauro de la Roma. Francesco Baiano, également arrivé lors de cet été 92 de Foggia, se souvient des forces en présence : « La Fiorentina avait vraiment monté une grosse équipe. Vous me parlez de mon duo avec Batistuta et c’est vrai qu’on marchait fort. Mais il ne faut pas oublier les autres joueurs » , confie avec modestie le partenaire de Batigol. « Laudrup qui venait d’être champion d’Europe avec le Danemark. Effenberg qui était international allemand. Di Mauro, international italien. Toldo, Pioli… » La Fio démarre d’ailleurs plutôt bien, malgré une très lourde défaite 7-3, lors de la cinquième journée, face au Milan. Auteur de l’ouverture du score lors de ce match, Baiano n’a pas oublié la démonstration collective du futur champion milanais : « J’avais ouvert le score, mais le grand Milan s’était ensuite réveillé. C’était un match incroyable. » . Une défaite vite digérée par la Fio, puisqu’à la trêve hivernale, la troupe de Radice pointe à la seconde place. De quoi rêver en grand.
Licenciement abusif
Mais la reprise en janvier tourne immédiatement au cauchemar. La Fiorentina est d’abord défaite sur sa pelouse par l’Atalanta (0-1). « Le genre de matchs où tu peux jouer pendant 100 ans, tu ne marqueras jamais » , illustre Baiano. Une défaite qui coûte alors incroyablement sa place à Luigi Radice. « Oui, c’est vrai que Vittorio Cecchi Gori (le vice-président, et fils du président Mario Cecchi Gori) est descendu dans les vestiaires dès la fin du match et a viré Radice. » Une décision absolument incompréhensible qui précipite la formation viola dans le chaos : « Ce fut une gravissime erreur de la part du club. Beaucoup de joueurs étaient très liés à Radice » , confie le buteur gigliato. « On a tous cherché à convaincre le président de revenir sur sa décision. Moi, Batistuta, Di Mauro, Effenberg, tous les joueurs les plus importants de cette équipe. Toldo aussi. Mais c’était impossible de le convaincre, il était arrêté sur sa décision. Il n’y avait aucun moyen de le faire changer d’idée. » Rien n’y fait, Luigi Radice est bien prié de faire ses valises et de laisser sa place à Aldo Agroppi déjà passé sur le banc de la Fiorentina en 85-86. Le début de la fin.
Descente aux enfers
Le changement de coach ne passe effectivement pas auprès du groupe florentin : « Le licenciement de Radice a vraiment été un drame. Ça a ruiné un groupe qui vivait très bien ensemble, et l’équipe s’est ensuite effondrée » , révèle Baiano. « Le groupe n’a jamais accepté Agroppi. Pas parce que c’était lui, mais parce qu’il n’était pas Radice. N’importe quel entraîneur qui serait arrivé après Radice se serait planté. Les joueurs étaient trop liés à Radice et ils n’ont pas accepté ce qui était arrivé. » De la 15e à la 29e journée, la Fiorentina ne s’impose ainsi que deux fois pour 7 défaites et 6 nuls, ce qui coûte sa place à Agroppi. Trop tard. Entre manque de réussite et décisions arbitrales contestables, le duo Chiarugi-Antognoni nommé sur le banc ne parvient pas à redresser la barre. « Selon moi, c’est le licenciement de Radice qui a tout changé. Après, tout est devenu difficile, et les mauvais résultats se sont enchaînés. On a donné le maximum pour se sauver, mais ça n’a pas suffi. » La Fio finit ainsi par descendre dans les conditions rocambolesques que l’on connaît. « C’est assurément la plus grande déception de ma carrière. Cette année-là, il est arrivé vraiment beaucoup de choses en défaveur de la Fiorentina. Ça m’amène à penser que tout était écrit d’avance » , constate amèrement Baiano. Tandis qu’Andrea Carnevale poursuit aujourd’hui sa blague en occupant un poste de superviseur… pour l’Udinese.
Par Eric Marinelli
Propos de Francesco Baiano recueillis par EM2