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Quand la Real s’offrait la Copa au nez de l’Atlético
Une finale agonique, une séance de penaltys angoissante et, finalement, un titre de Copa del Rey qui tombe dans l’escarcelle de la Real Sociedad. En ce 27 juin 1987, l’Atlético n’a plus que ses yeux pour pleurer. Lui qui, ce même jour, devient propriété du sulfureux Jesus Gil y Gil.
D’un côté des Pyrénées, son nom renvoie à une cagade décisive. De l’autre, il reste l’un des plus grands portiers du pays. En ce 27 juin 1987, Luis Arconada devient le héros du peuple txuri-urdin, vainqueur de la Copa del Rey pour la deuxième fois de son existence après le titre, précoce mais effectif de 1909. Plus que le capitaine qui reçoit des mains de Sa Majesté Juan Carlos, celui qui défend uniquement la liquette blanquiazul de toute sa carrière est également l’homme décisif de cette finale : son arrêt sur Quique Ramos, quatrième tireur de l’Atlético de Madrid, offre la Coupe à la Real Sociedad et rend aux Colchoneros leur statut de perdants magnifiques. Pour Luis Aragonés, déjà à la tête du navire rojiblanco, « les deux équipes ont offert un superbe spectacle et, pour ce que nous avons vu sur le terrain, on devrait délivrer deux coupes. Les penaltys sont comme l’estocade que nous portons face au taureau. Et nous, nous nous sommes ratés. » Un raté, certes, qui, hasard du calendrier, intervient le jour même où le locataire du Vicente-Calderón bascule dans une nouvelle ère : celle de la démesure, des succès et des magouilles, estampillée Jesus Gil y Gil.
Mafia, Paulo Futre et 50 000 Rojiblancos
Avant que Real Sociedad et Atlético de Madrid ne se retrouvent à la Romareda de Saragosse, les demi-finales de cette Copa font la part belle aux derbys calientes. À savoir, des retrouvailles tendues avec les Madridistas pour les Matelassiers et un derbi vasco pour les Txuri-Urdin face à l’Athletic Bilbao. Deux rendez-vous presque fratricides qui se décident à un petit pion : celui de Marino pour culminer la remontada des Rojiblancos, défaits 3-2 au Santiago Bernabéu mais vainqueurs 2-0 sur les bords du Manzanares, et celui de Bakero, seul buteur de l’éliminatoire contre les Leones – un déficit de but qui n’intervient pas en quarts de finale, lorsque les locataires d’Anoeta pulvérisent Majorque (10-0). Autant dire qu’avec de tels parcours, les deux finalistes méritent amplement leur statut, eux qui se retrouvent donc le 27 juin pour se départager. Pourtant, lorsque le coup d’envoi résonne dans l’antre habituelle des Maños, les dirigeants et une grande partie des supporters colchoneros manquent à l’appel : et pour cause, ils se trouvent encore à Madrid pour décider de la prochaine direction du club à la suite de la mort, le 24 mars, de l’historique Vicente Calderón.
De fait, vingt-quatre heures avant le fatidique rendez-vous, une assemblée générale extraordinaire est organisée à Madrid par les dirigeants rojiblancos. En course face à Enrique Sánchez de Leon, Agustin Cotorruelo et Salvador Santos Campano, Jesus Gil y Gil pulvérise la concurrence et s’assoit dans le siège de président. Un résultat de scrutin qui ne sied pas à tout le monde : « On m’a dit que le monde du football se gère comme une mafia et, donc, que j’étais l’homme dont avait besoin l’Atlético » , se gausse-t-il durant une réunion avec des peñas quelques jours plutôt. Pour ainsi dire, le programme électoral de ce magnat de l’immobilier sent bon le populisme : l’achat, avant même son élection et avec ses propres deniers, de Paulo Futre, la création d’une Ciudad Deportiva pouvant héberger pas moins de 50 000 familles rojiblancas ou encore la promesse « d’une profonde transformation, le début d’une nouvelle ère » . Autant dire qu’à l’instant où il devient le président de l’Atlético, de nombreuses voix s’élèvent en interne pour contrecarrer son arrivée. Une opposition dans laquelle ne se trouve pas le Frente Atlético, bien au contraire…
Les Colchoneros avec l’Espagne, les Txuri-Urdin avec la Yougoslavie
Sitôt élu, aux alentours de sept heures du matin, Jesus Gil y Gil monte, en compagnie de centaines supporters, dans le train qu’il affrète spécialement pour l’occasion. En cours de route, les ultras du Frente, auparavant pestiférés de la direction, mais aujourd’hui alliés de poids du nouveau président, s’amusent avec l’alarme et entraînent un retard de plusieurs heures, redémarrage de la locomotive à cinq reprises oblige. De fait, les occupants du train ratent la rencontre amicale entre l’Espagne U-19 et la Yougoslavie, marquée par les cris de joie des supporters rojiblancos à chaque but espagnol et ceux de l’aficion basque à chaque banderille yougoslave. Le climat, marqué par les charges de la Guardia Civil dans les rangs des supporters de la Real, est délétère lorsque la finale s’entame enfin. Entre les pions donostiarras d’Ufarte et Begiristain et ceux, colchoneros, de Da Silva et Rubio, elle est départagée par Luis Arconada, héros de tout un peuple, qui fait honneur à l’adage de San Sebastián : « No pasa nada, tenemos a Arconada. » Décisif durant la séance de tirs au but, il devient l’icône des Txuri-Urdin, lui le moqué du football outre-Pyrénées depuis son Euro 84.
Par Robin Delorme