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Quand la France retourne sa veste
Il aura suffi de deux matchs (une remontée fantastique 3-0 lors du match retour des barrages contre l'Ukraine et d'une petite balade (4-0) en amical face à la jeune garde norvégienne) pour que l'équipe de France passe, aux yeux des Français, de l'enfer à la rédemption. Après quatre ans de critiques incessantes envers leur sélection, les Français semblent déjà avoir tout oublié. Du moins jusqu'au prochain faux pas.
Après le joli succès obtenu face à la Norvège au Stade de France mardi, les supporters français quittaient l’enceinte heureux et gonflés à bloc. Devant des caméras de télé friandes des micros-trottoirs d’après-match, les supporters français laissaient éclater leur joie. Une joie légitime quand on sait ce que le supporter français a dû engloutir comme match sans saveur et sans passion ces dernières années. Mais au-delà du bonheur de l’instant, certains se voyaient déjà en haut de l’affiche. « Trop forts, les Bleus, on va minimum en demies ! » , affirmait droit dans ses bottes ce supporter aux journalistes d’i>Télé après la rencontre. S’il ne faut pas faire de cet optimiste une généralité, il n’y pas loin à penser que cet état d’esprit s’est vite propagé sur tout le territoire après ces deux belles victoires. Les ambitions démesurées d’aujourd’hui seraient-elles à l’image de la violence des critiques d’hier ? Le peuple français ne vit-il que dans l’excès des sentiments et de la passion ? On peut se poser la question tant, en terme de football, mais pas seulement, les humeurs changent vite et radicalement dans l’Hexagone.
Le déchaînement post-Knysna aux oubliettes ?
Que n’a-t-on pas entendu depuis bientôt 4 ans et le fameux épisode de feu « le bus de Knysna » ! Traîtres à la nation, la honte d’un pays tout entier, les footballeurs français n’ont pas été épargnés par les critiques (parfois valables, parfois pas) médiatiques, politiques et populaires. Ces gamins trop payés, égoïstes et malpolis ont servi de défouloir à tous ceux qui ont vu là une occasion bienvenue de s’indigner pour pas cher. C’est bien connu, les Français sont râleurs. Alors quand se présente à eux l’occasion d’aboyer sur la meute, nombreux sont ceux à avoir montré les crocs. La dernière campagne de communication d’Adidas et le défonçage du bus de Knysna devant un parterre de caméramans et de photographes ne fait que surfer sur cette vague d’indignation généralisée. Un brin démago, ce coup de com’ ? Oui, probablement. Et comme si l’épisode sud-africain n’avait pas suffi, à peine le calme retombé autour de la sélection, on a encore réussi en 2012 à trouver un prétexte pour brailler sur nos footeux en culotte courte. Avec cette fois en ligne de mire les appelés Jérémy Ménez et Samir Nasri. Que ce soit pour des mots fleuris adressés en italien à un arbitre ou pour un doigt pointé devant la bouche, les coupables étaient tout trouvé. Il faut dire que, pour le coup, ils ont donné le bâton pour se faire battre, les bourricots !
La victoire apaise tous les courroux
Pourtant, depuis quelques jours, on a l’étrange sensation d’un revirement total de situation dans tout le pays. Hier détestés, aujourd’hui adulés, ainsi en va la passion que l’on porte aux footballeurs professionnels. Nos anciens damnés, cette génération de footballeurs mi-racaille mi-arriviste, est soudain devenue l’espoir de tout un pays. L’Équipe ne disait d’ailleurs pas autre chose dans son édition de mercredi. « La rédemption » , titrait le quotidien sportif, précisant que « supporters et sponsors affichaient (désormais) le même optimisme. » Comme quoi il en faut peu. Il n’aura pas fallu plus de 180 minutes et quelques buts victorieux pour que nos Bleus viennent adoucir les esprits là où mille idées du services com’ de la FFF n’y ont rien changé en plusieurs années. Car si les Français sont des râleurs, ils n’en restent pas moins des humains. Ils savent pardonner pour peu qu’on leur offre un moment de bonheur. Dans le fond, on ne peut pas tant blâmer l’opinion publique de ses sautes d’humeur passagères, mais bien plutôt ceux qui s’entêtent à les attiser pour leur propre gloire personnelle. Qu’elles soient politiques ou médiatiques, les élites françaises aiment à nager dans le sens du courant et le football, de par sa popularité, est une proie facile. Et si demain nos chers représentants sportifs venaient à se planter en beauté au Brésil, qu’en serait-il des réaction venues de France ? Peut-on être sûr que le cirque ne repartira de nouveau, que nous ne trouverons pas de nouveaux coupables à exhiber en place publique pour se calmer les nerfs ? Rien n’est moins sûr.
La communication vs le terrain de jeu
Pourtant, il serait dramatique de retomber dans ces travers. À l’époque, avec l’exemple de ce déchaînement médiatique et populaire contre les « bannis de la République » , c’est le football dans sa globalité qui avait payé l’addition. On a alors voulu le reconstruire selon des valeurs propres à véhiculer une bonne image. Cela remonte même à plus longtemps si l’on y regarde de plus près. Depuis 1998 et la victoire des Bleus en Coupe du monde, les footballeurs se devaient désormais d’être exemplaires, garants des valeurs chères à notre beau pays. Un comportement sain dans un corps sain. Les pontes de la FFF ont cru que l’amour que les Français portaient à leur sélection nationale était proportionnel à la droiture du comportement des joueurs tricolores. Tout cela n’est que foutaise. « Le plus important, c’est les trois points » , ne dit-on pas ? Car tout est là. La réponse tient dans ce seul mot : victoire. Et ces deux matchs face à l’Ukraine et la Norvège (sans oublier la victoire face aux Pays-Bas en amical) le démontrent. Il est difficile de penser que les changements opérés au sein de l’équipe de France, notamment en terme de communication, soient à l’origine de ce regain d’entrain du peuple français pour sa sélection. Tant que les résultats sont bons, les Bleus pourront compter sur le soutien de leurs supporters. Et dans le cas contraire, on trouvera vite un autre bouc émissaire.
Par Aymeric Le Gall