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Quand Keane jouait en Italie
De juillet à décembre 2000, le capitaine irlandais effectue un court passage en Serie A avec le maillot de l'Inter. Pas vraiment responsable de cet échec, il aura planté ses buts et bu ses bières.
Le citer parmi l’infinie liste de « bidoni » recrutés par Massimo Moratti est peut-être un poil sévère, disons qu’il n’est pas aidé par les 31 milliards de lires virés sur le compte de Coventry City. Avec MacAllister, Hendry, Hadji et Konjić, il avait tapé une saison à 12 buts pour ses débuts en Premier League à même pas 20 piges. À l’Inter, Keane participe ainsi à l’habituelle révolution de l’effectif, avec Baggio, Mutu, Kallon et Ventola partis. Sukur, Keane et Pirlo arrivent pour compléter le secteur offensif aux côtés de Ronaldo, Zamorano, Vieri et Recoba. Ça devrait suffire. « Je n’ai jamais vu jouer Brady, mais je sais très bien qui c’est » , déclara-t-il durant sa conférence de présentation en référence au premier Irish à avoir endossé le paletot noir et bleu, même si l’expérience transalpine de son prédécesseur a surtout été marquée par un but synonyme de Scudetto avec la Juventus. Keane n’aura pas le même succès, mais tout n’est pas de sa faute.
Débuts en fanfare
Quatrième et finaliste de la Coupe d’Italie, Marcello Lippi avait démarré en sourdine son expérience interiste, bien loin des fastes connus à la Juve, à cause de ses choix, mais aussi d’un club bordélique : « Robbie était un jeune attaquant très fort, il n’y avait aucun doute là-dessus, on n’arrive pas à l’Inter par hasard de toute manière, mais c’était un club mal organisé, et cela ne l’a pas aidé » , retrace Macellari, ancien arrière-gauche qui ne s’est pas non plus éternisé chez les Nerazzurri. La deuxième saison lippienne débute même par une incroyable élimination en préliminaires de Ligue des champions contre Helsingborgs. Keane étrenne son nouveau maillot le match suivant, en Supercoupe d’Italie face à la Lazio, il ouvre d’ailleurs la marque d’un lob astucieux après deux minutes de jeu. Jolie entrée en matière, même si ce sera une défaite 4-3. Lippi l’a voulu et l’aligne avec Sükür en l’absence de Ronaldo et Vieri qui écument discothèques et infirmeries. L’Irlandais remet ça quelques jours plus tard contre Chorzow en Coupe de l’UEFA et idem lors d’un match de coupe nationale face à Lecce. 3 buts lors de ses 5 premières apparitions, le compte est bon : « Il avait très bien démarré, il aurait fallu le tenir en considération et avoir plus de patience, mais à l’Inter, ça ne fonctionnait pas comme ça » , se remémore Marco Ballotta, un des trois portiers cette saison-là.
« Next week I return in Ireland »
Décalé pour cause de Jeux olympiques, le championnat embraye seulement le premier octobre, c’est une défaite 2-1 chez la Reggina, Lippi vide son sac devant les journalistes et Moratti le licencie dans la foulée, Marco Tardelli lui succédant : « C’est là que ça a changé pour lui, c’était la grande confusion, un mec comme Pirlo ne jouait pas non plus. Chaque joueur faisait un peu ce qu’il voulait sur le terrain et le nouveau coach ne l’appréciait pas plus que ça » , avoue Macellari. Ils se retrouveront pourtant dix ans plus tard, puisque le champion du monde 82 sera l’adjoint de Trapattoni à la tête de l’Éire, or, à l’époque, il lui préfère Recoba et Sükur, tandis que Vieri est remis sur pied : « Il finissait sur le banc ou en tribunes et me disait « Mace’ next week I return in Ireland. » Il voulait même m’embarquer avec lui, c’était vraiment un bon gars. Après trois mois, il en a eu marre et il l’a vraiment fait. » Leeds saute sur l’occasion, prêt de six mois, puis transfert définitif : « Il voulait plus de temps de jeu, mais l’Inter s’est gourée, on voyait que c’était un super joueur, il avait parfaitement montré qu’il avait le niveau et ses prestations en Angleterre les années suivantes n’ont surpris aucun de ceux qui l’ont côtoyé ici » , assène Ballotta.
Cul sec
Le bilan final est donc de 3 pions en 14 apparitions et pas mal de regrets. Reste le Keane hors terrain, un Irlandais en Italie, chose finalement peu commune puisqu’on n’en compte que trois dans l’histoire de la Serie A : « Moi, personnellement, je m’éclate avec les Irish, Robbie était une personne vraiment agréable et expansive, avec Zamorano, on sortait souvent ensemble boire des bières dans le quartier de Brera » , confie Macellari avant d’ajouter : « Ce n’était pas un fêtard qui rentrait tard, mais ce qui m’a marqué, c’est sa façon de boire sa binche, nous on commandait nos pintes et on les sirotait tranquillement. Lui, il la goûtait et ne la touchait pas pendant dix minutes, puis, tu te retournais un instant et bim, il l’avait finie, d’une traite ! C’était comme boire de l’eau. » Parfois, « Nonno » Ballotta se joignait à la joyeuse compagnie pour s’en jeter un : « Il était amusant, il avait cette tête typique du mec émerveillé qui ne comprenait rien. Il te disait oui à tout, mais il faisait des grimaces pour te faire voir qu’il n’avait rien capté. » Et Mace’ de conclure : « On s’est revus à Porto Cervo quelques années plus tard, on s’est pris dans les bras, il ne m’avait pas oublié. » Et nul doute que Robbie a payé sa tournée.
Par Valentin Pauluzzi