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Quand Jay-Jay Okocha lustrait Bordeaux

Par Mathieu Faure
Quand Jay-Jay Okocha lustrait Bordeaux

De Jay-Jay Okocha, on se souvient surtout de son premier but au PSG, à Lescure, sur une frappe soudaine qui nettoie la lunette de Ramé un soir de défaite (3-1). Mais le Nigérian a récidivé, un an plus tard au Parc des Princes, en trompant Ramé d’une nouvelle frappe soudaine et chirurgicale. Ce soir-là, le PSG avait gagné (2-1) et c’était sans doute l’un des meilleurs matchs de Jay-Jay dans la capitale.

« Il fait partie des cinq joueurs les plus talentueux que j’ai connus, un peu comme Pagis, il puait le football. » La formule provient de Grégory Paisley, coéquipier de Jay-Jay Okocha dans la capitale pendant trois saisons. En septembre 1999, Paisley est en tribunes quand le Paris-SG accueille Bordeaux. Le défenseur s’est pété le genou et va vivre une saison blanche et sèche. Bien placé, Paisley observe le numéro 10 parisien marcher sur Bordeaux. Le Nigérian est arrivé dans la capitale un an auparavant, à la sortie d’une Coupe du monde colorée où ses dribbles, mêlés à sa coloration rousse et ses PUMA vertes, ont émerveillé le monde. Le PSG a claqué plus de 100 millions de francs sur lui. C’est une star qui débarque. Sa première entrée, à Bordeaux, est un coup de tonnerre. Le PSG prend 3-1, mais Okocha nettoie la lucarne de Ramé de 35 mètres. On ne parle que ça, occultant la défaite et la galère qui arrive.

Le PSG change tout, son entraîneur, son président, ses joueurs. Naturellement, ça ne prend pas. « Il arrivait de la Coupe du monde 1998, il avait coûté une certaine somme au club, c’était une star, quoi, se souvient Paisley.

Il ne comprenait rien à la langue, mais il gardait la banane, y compris quand il ne captait pas les conversations.

Il avait des fulgurances, mais il manquait de régularité. Et puis le PSG de son arrivée, c’est un bordel sans nom. L’entraîneur change au bout de trois mois, on change de président aussi, tous les cadres historiques partent, c’était un grand bazar dans ilequel lui devait s’acclimater. Il ne parlait pas la langue non plus, ce n’est pas comme certains Brésiliens qui, au bout de trois mois, parlent français, lui non. » Même son de cloche chez Pierre Ducrocq, un autre coéquipier du PSG : « Il ne comprenait rien à la langue, mais il gardait la banane, y compris quand il ne captait pas les conversations. Il est arrivé en même temps qu’Okpara, ils sont de la même nationalité, mais c’était le jour et la nuit. » Des débuts compliqués, mais rien n’est perdu.

« Putain, qu’est-ce qu’il a mis… »

Alors quand Bergeroo s’installe sur le banc parisien, il change tout. Un bon vieux 4-4-2 des familles et Okocha en relayeur. À ses côtés un aboyeur : Pierre Ducrocq. « J’allais au charbon et je lui filais la balle » , rembobine Ducrocq. Le nouvel Okocha doit jouer plus simple, plus collectif. Et ça marche. Quatre mois auparavant, le PSG s’était incliné à domicile contre les Girondins… sous les acclamations du public du Parc. Normal, la victoire de la bande à Wiltord offrait le titre aux Girondins, au détriment de l’OM. Disons que le PSG a levé le pied. Légèrement. Mais cette fois, la donne a changé. Le PSG débute bien et marche sur Bordeaux. Dans un angle fermé, Madar ouvre le score du gauche. Paris pousse, mais peine à faire le KO. Et puis le miracle arrive. On joue la 84e minute, Okocha est sur la droite de la surface adverse, brassard autour du bras. Tout le monde s’attend à un centre. Mais non. Trop facile.

Le numéro 10 balance une frappe limpide du droit qui lobe Ramé et termine dans le petit filet opposé.

Il savait tout faire quand il avait envie. Son truc de l’amorti poitrine – sombrero dans la foulée, j’ai l’impression qu’il en faisait 20 par match.

Le Parc se tait et acclame son héros. « Pour moi, c’est le but qui résume le mieux le joueur, analyse Ducrocq. Sur le terrain, on n’a pas eu le temps d’analyser ce qu’il faisait, car il va tellement vite… Je me suis juste dit, une fois la balle au fond : « Putain, qu’est-ce qu’il a mis… » Il avait une qualité de frappe incroyable. Jay-Jay, il faisait des transversales de 50 mètres en rase-motte, à 1,50m des têtes, et ça arrivait toujours dans les pieds. Avec Laurent Robert, c’est la plus belle frappe de balle du PSG. Et puis en match, il savait tout faire quand il avait envie. Son truc de l’amorti poitrine – sombrero dans la foulée, j’ai l’impression qu’il en faisait 20 par match. Contre Bordeaux, il met un but de patron. » Celui du 2-0, donc.

Coup d’envoi fictif

Le penalty de Wiltord ne changera rien, Paris l’emporte grâce à Okocha. L’un de ses rares bons matchs au PSG, il faut le dire. Pourtant, ses anciens coéquipiers gardent en mémoire le talent du Super Eagle. Paisley encore :

Une fois, à l’entraînement, il avait fait sa spéciale à Jimmy Algérino. On s’est tous arrêtés pour rire, on n’en pouvait plus.

« Quand il arrive au PSG, au premier entraînement, il envoie une sacoche et je lui dis que je suis admiratif de sa frappe. Il me regarde et, dans son anglais avec un accent terrible, me sort qu’il frappe beaucoup moins fort qu’avant. Il me montre sa cuisse, on y voit un trou, il me raconte qu’il a eu une désinsertion du quadri et qu’il se retient énormément. Le mec, à l’arrêt, il faisait des transversales de 50 mètres… Une fois, à l’entraînement, il avait fait sa spéciale à Jimmy Algérino. On s’est tous arrêtés pour rire, on n’en pouvait plus. Moi, j’avais compris le truc, je demandais au coach de me mettre dans la même équipe que lui lors des oppositions. »

Ducrocq : « Ce n’était pas un foudre de guerre au Camp des Loges, il était tout le temps à la coule, mais il faisait ce qu’il voulait avec un ballon. Il a fait carrière comme ça. » En mars dernier, Okocha était venu donner le coup d’envoi fictif du match entre le PSG et Monaco. Le Parc l’avait acclamé comme un seigneur, lui qui n’a rien gagné en quatre saisons dans la capitale à l’exception d’une Coupe Intertoto.

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Par Mathieu Faure

Tous propos recueillis par MF

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