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Quand Javier Milei se rêvait gardien de but

Par Gaspard Couderc, à Buenos Aires

Javier Milei, candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle argentine, est le favori du scrutin de dimanche. Dans un pays où l’inflation bat tous les records, il propose un programme néolibéral et libertarien mâtiné de fake news. Bien loin de ses rêves de gardien de but.

Quand Javier Milei se rêvait gardien de but

Il est de ces scènes qui résument un homme, où dépouillé de tous ses artifices, il montre sa vraie nature. À Mar del Plata ce samedi d’octobre, de théâtre, il était question. Javier Milei en est aussi bien l’acteur que le metteur en scène. Engagé dans la dernière ligne droite de l’élection présidentielle argentine, le candidat d’extrême droite donne ici l’un de ces meetings sauvages dont il a fait sa marque de fabrique. Perché sur une voiture à toit ouvrant, devant une foule compacte, on peinerait presque à l’apercevoir. C’est sa coiffure, inimitable, qui le confond. Micro en main, il commence alors à débiter sa logorrhée habituelle antisystème. Au milieu du peuple, au-dessus de la mêlée, il se prend pour le messie. Les hinchas présents sont d’obédience footballistique disparate, mais se retrouvent tous pour chanter les louanges de leur héraut. Pain bénit toujours, dans une scène que l’on sent calculée, on lui lance un ballon de foot. Après quelques jongles de la tête, sous les holàs de ses supporters, il en redemande, surexcité, comme pour prouver qu’il est un des leurs, qu’il sait lui aussi jouer au foot. Mais ces gens savent-ils que leur démiurge a joué pendant plusieurs années dans des clubs renommés de Buenos Aires ? Connaissent-ils l’histoire du jeune gardien de but surnommé le « Fou de la cage » par ses coéquipiers ?

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Quand “El Loco” devient “El Loco del Arco”

Tout commence avec une chevelure improbable. Nous sommes au mitan des années 1980, dans le quartier cossu de Palermo à Buenos Aires. La dictature militaire sévit toujours, mais le jeune Javier Milei n’en a cure, il ne pense qu’à une chose : devenir footballeur. Cheveux longs en bataille et frange eighties, il n’est pas ce qu’on peut appeler un canon de beauté et, timide, ne brille pas non plus par son affabilité. Alors comme bon nombre d’ados, il se réfugie dans ce qu’il aime le plus. Il est bien tombé : en Argentine, le foot est une religion. Dès lors, le jeune garçon de 12 ans se met à répéter ses gammes dans l’optique d’intégrer un centre de formation, et si, par la même occasion, ça peut lui permettre de se faire des amis et de ne plus se faire appeler « El Loco », ce surnom dont on l’a affublé et qu’il déteste, ça ne pourrait qu’être bénéfique.

On le voyait comme quelqu’un d’excentrique, c’était un tremblement de terre à l’entraînement.

Martin Ortiz, coéquipier à San Lorenzo

En 1983, alors âgé de 14 ans, Javier Milei se prend à rêver. Cela fait un an qu’il a rejoint le club de Chacarita, en banlieue de la capitale argentine, et pour la première fois il commence un match en qualité de titulaire. Certes, il ne s’agit que d’une équipe de jeunes, et d’une division inférieure, mais Javier Milei ne boude pas son plaisir. De cette rencontre, on ne saura pas grand-chose, si ce n’est le score : 1-0, soit le premier clean sheet de sa carrière. Petit à petit, celui sur lequel personne n’aurait misé fait des émules et gagne sa place de titulaire. À tel point que deux ans plus tard, il rejoint le club mythique du CA San Lorenzo après un essai concluant. Nous sommes en 1986, et toujours dans une ligue parallèle, la 70, il trime, prend de plein fouet toutes sortes de quolibets, mais s’accroche. D’aucuns disent alors qu’il est un vrai bon gardien, qui aime s’entraîner et surtout se faire mal : « Milei aimait se comparer à Rambo », explique un ses coéquipiers de l’époque, Martin Ortiz, et d’ajouter : « Il avait fait la prépa physique très sérieusement, il en redemandait. » Mais, taquin, il n’oublie pas de rappeler le caractère étonnant de celui qu’on appelle alors « El loco del Arco », soit le fou de la cage. « On le voyait comme quelqu’un d’excentrique, c’était un tremblement de terre à l’entraînement », raconte-t-il, amusé.

Sa volonté de bien faire ne suffira pas, car il va passer l’année à cirer le banc. Le jeune Milei se mue alors en coéquipier modèle. La même année, son équipe finit championne de sa catégorie. Un cliché le montre d’ailleurs trophée en main, sourire aux lèvres. À ses côtés, on peut apercevoir un de ses coéquipiers qui semble lui réclamer la coupe. Mais c’est compter sans la pugnacité du bonhomme qui tend le trophée haut, comme si, revanchard, il la voulait pour lui. Cette victoire 4-1 contre Huracán, le rival historique, sera en tout cas sa dernière apparition dans l’équipe. Il a à peine 16 ans et il voit déjà ses rêves de passer professionnel s’effondrer.

Un passé à effacer

Retour à l’envoyeur, à Chacarita donc, où il joue encore trois ans, jusqu’en 1989. C’est Leandro – en charge d’un des groupes de hinchas de Chacarita –, rire communicatif, débit rapide et port altier, qui se charge de nous raconter cette période. « Après son année à San Lorenzo, Milei est revenu chez nous, explique-t-il. Il était timide, c’était un bon coéquipier, mais dès qu’il entrait sur le terrain, il se transformait, il devenait fou. » Dans une adroite prétérition, il abonde : « Je ne dirais pas qu’il était mauvais, mais il n’était pas bon pour autant. » Le jeune homme continue ainsi à humer le banc, mais joue tout de même quelques rencontres, et d’après Leandro, c’est tout sauf le fruit du hasard : « Ce sont des rumeurs, mais à l’époque, beaucoup de gens disaient que Javier jouait car il était de la famille Milei », avant de détailler. « Son père, qui était un homme d’affaires reconnu, avait mis des billes dans le club et, à ce qu’on dit, avait exigé que son fils joue, sans quoi il se retirait », lance-t-il, sibyllin. Aujourd’hui, le candidat d’extrême droite ne se réclame plus de Chacarita, lui qui a quitté le club en 1989 pour faire des études d’économie. Est-ce parce qu’il n’assume pas d’avoir joué dans un club historiquement marqué à gauche ? D’après Leandro, ce pourrait être la raison : « Les couleurs du club : noire, rouge et blanche symbolisent le mystère, le socialisme et la pureté », développe-t-il. Tout ce que n’est pas Javier Milei, du reste.

Retour à Mar Del Plata, où la rock star vient de terminer sa tournée. Les rues désertées sont jonchées de bières et de drapeaux en tous genres, rappelant une atmosphère de fin de match. Les irréductibles, tout à leur joie d’avoir pu rencontrer leur idole, n’en démordent pas : ils croient dur comme fer à sa victoire dimanche. Quand l’un crie son « amour pour Milei », l’autre promet carrément « un raz-de-marée Milei ». L’ancien gardien de but qui prône pêle-mêle une dollarisation de l’économie, la suppression de la banque centrale argentine, la vente d’organes ou encore l’interdiction de l’avortement, sans oublier l’éternelle antienne anti-wokiste, qui se diffuserait « à l’école et dans les médias gauchistes ». Mais l’admirateur de Trump et Bolsonaro, sous ses atours de grand manitou, de menteur patenté, ne serait-il pas resté ce joueur de foot frêle qu’il était ado ? C’est avec la même outrecuidance de ces deux dirigeants despotiques qu’il admire que Mileil insulte et ment à tout va. Le prurit de la gloire l’a définitivement consommé, comme on a encore pu le constater il y a quelques jours, où il a eu la bonne idée de qualifier, impudemment, d’« excrément » le peso, provoquant une dévaluation quasi immédiate de la monnaie. Un but contre son camp ? C’est encore plus pernicieux. Pour justifier la mesure phare de son programme, à savoir la dollarisation de l’économie argentine, Javier Milei préfère voir toute son équipe perdre. Vous avez dit gardien ?

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Copa América : l’Argentine met le Pérou à la porte, le Canada assure sa qualification face au Chili
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Par Gaspard Couderc, à Buenos Aires

Tous propos recueillis par GC.

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