- C1
- 8es
- Real Madrid-AS Roma
Quand Iván Helguera jouait à la Roma
Invariablement, le nom d’Iván Helguera est accolé à celui du Real Madrid. Cette liaison de huit ans, couronnée de nombreux succès, est pourtant précédée d’un début de carrière romain. Une capitale italienne où l’Espagnol ne s’est jamais acclimaté. Retour sur cette période avec le principal intéressé.
De terrible à tranquille, Iván profite de sa nouvelle vie loin du ballon rond. Un après-carrière des plus doux pour le señor Helguera qui s’accompagne, quand l’envie l’en prend, de quelques matchs de football. Forcément, pour ce huitième de finale retour de Ligue des champions entre ses deux ex du Real Madrid et de la Roma, il sera « bien présent au Santiago-Bernabéu » . Cette enceinte madridista, qu’il a côtoyée de 1999 à 2007, le renvoie irrémédiablement vers des souvenirs dorés, dont l’Octava et la Novena sont la partie émergée.
Remplies d’innombrables succès, ses huit saisons madrilènes sont connues de tous les amateurs de football. Un constat qui ne s’applique pas à son seul exercice romain. Pour sûr, lors de la campagne 1997/98, le frêle milieu de terrain défensif espagnol trimbale son spleen sous la guérite de l’Olimpico. Une saison noire, marquée par neuf petites apparitions, qui ne l’empêche pas de se découvrir intérieurement et de se forger un caractère à toute épreuve. En effet, déjà à l’époque, il ne cachait pas ses ambitions qui devaient irrémédiablement le conduire vers le fanion merengue.
« Jouer au Real ? Tu n’es même pas titulaire à la Roma »
La scène se déroule dans une anonyme chambre d’hôtel italienne.
Face au lit du jeune Iván Helguera, son compagnon de chambrée, un certain Francesco Totti, se mue en observateur d’une scène cocasse. La discussion entre les deux hommes, c’est encore le principal intéressé qui la raconte le mieux : « Je le savais clairement. Mon rêve était de jouer au Real Madrid. Je le disais à tout le monde. Évidemment personne ne me croyait, mais moi, je m’y voyais. Avec Totti, nous partagions la même chambre. J’avais 21 ans, et lui 20. Et je lui disais : « Tu vois, ce que je veux, c’est jouer au Real. »Il me répond : « Mais comment veux-tu arriver à jouer dans la meilleure équipe du monde alors que tu n’es même pas titulaire à la Roma ? » » Pas loin de vingt ans plus tard, cette interrogation se transforme en anecdote succulente. Et qui en dit long sur le parcours si atypique du natif de Santander. Car, après un début de formation compliqué, qui le voit être refusé par tous les clubs de la façade nord d’Espagne et finalement accepté à l’Albacete Balompié, il est acquis par le mastodonte romain après une seule saison chez les pros.
L’écart de niveau entre la Segunda Division espagnole et la Serie A, référence mondiale de l’époque, est abyssale. La marche, trop haute pour le jeune Iván, le contraint donc à squatter le banc de touche de l’Olimpico. Coaché par le si charismatique Zdeněk Zeman, il découvre un football aux antipodes de celui qu’on lui avait enseigné en Espagne. « Même si je n’ai que très peu joué, j’y ai appris beaucoup en tant que joueur et je me suis énormément amélioré, rebondit-il aujourd’hui. En Italie, la préparation physique était beaucoup plus dure. Et encore Zeman était le seul entraîneur du pays à jouer l’attaque. » Plus tactique que technique, plus dans le calcul que le plaisir, Iván Helguera ne cache pas sa préférence pour « le football qui se pratique en Espagne » : « Ici, les footballeurs ont la possibilité de profiter, ce qui n’existait pas en Italie. Pour faire bref, en Espagne on jouait, ou on essayait de jouer, tandis qu’en Italie, on combattait. Que ce soit les supporters, les journalistes ou les joueurs, tout le monde s’en foutait du beau jeu. Ils ne regardaient que le résultat, et un 1-0 leur paraissait merveilleux. »
De la Roma au Real, en passant par Bielsa
Une petite saison et puis s’en va. Malheureux de son temps de jeu, il prie la direction romanista de le libérer. Une déception réciproque, puisque la Roma ne fait même pas semblant de vouloir le conserver et l’envoie dès le début du mercato à l’Espanyol Barcelone.
Signe d’une séparation tout sauf amicale, il saisit la justice espagnole pour presser le club de la Louve de lui payer une indemnité de 228 000 euros, correspondant au pourcentage sur son transfert d’Albacete vers la Roma. Un épisode qu’il souhaite laisser au passé, tout comme ce passage mi-figue mi-raisin en Italie. « Mais de la ville et du pays, je conserve de très bons souvenirs » , rétorque-t-il.
Comme la mode, par exemple : « Là-bas, même les joueurs qui disent ne pas y attacher d’importance lui en donnent. » Surtout, sans la Roma, il n’y aurait pas eu de décollage à l’Espanyol sous le joug de Marcelo Bielsa. Et sans Bielsa, il n’y aurait eu de replacement en défense centrale, et de convocation avec la Roja, et de transfert au Real Madrid… Une succession d’événements style effet papillon qui fait sourire le principal intéressé. Et rire son ancien compagnon de chambrée, qui, après une vie de protagoniste absolu, a pris sa place sous la guérite de la Roma.
Par Robin Delorme