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Quand hommes et femmes s’unissent à Lille
Le LOSC a créé sa division féminine en fusionnant avec le FC Templemars, un club de la métropole évoluant en 2e division. Une pratique qui se développe à mesure de l'intérêt porté par les clubs professionnels à l'endroit des filles. Mariage forcé ou union de raison ?
Même FIFA 16 s’y met : il sera possible de jouer avec douze sélections nationales féminines dans la prochaine mouture du produit phare d’EA Sports. Évidemment, il ne s’agit pas d’activisme de la part de la firme canadienne. Mais plutôt de la suite logique du succès la Coupe du monde féminine organisée cet été sur ses terres et, plus généralement, de la croissance du public du foot au féminin. Or, dirait l’androgyne Stromae, qui dit croissance, dit argent, qui dit pognon, dit intérêts.
« Je n’en ai rien à foutre ! »
Noël Le Graët avait annoncé la couleur quelques mois après son élection à la présidence de la Fédération française de football en juin 2011 : « Je vais faire passer un texte où, dans les trois ans qui viennent, chaque club pro devra avoir une équipe féminine patronnée sur son district. » Quatre ans plus tard, le papier est encore dans les tiroirs, pas l’idée. D’ailleurs, une fois n’est pas toujours coutume, l’annonceur montre l’exemple : lorsqu’en 2011, le stade Briochin est absorbé par l’En Avant de Noël, il n’est que le 4e club à procéder ainsi, sur les douze que compte alors le plus haut niveau féminin – le PSG possède une section féminine quasiment depuis sa création (1971). Dans l’élite cette année-là, seuls Montpellier en 2001, Lyon en 2004 et Saint-Étienne en 2009 avaient fusionné ou, en pratique, absorbé un club féminin existant. Soit… les quatre clubs professionnels masculins (plus Paris) représentés par leur section féminine dans la Division 1 édition 2016. 4+1 clubs qui comptent.
Est-ce à dire que le mouvement de « fusacqs » n’a été qu’un feu de paille de la première décennie du XXIe siècle ? Depuis quelques jours, l’hypothèse a perdu de sa crédibilité. Bordeaux par exemple. Alors que Jean-Louis Triaud n’hésitait pas à envoyer il y a quelques années qu’il n’en avait « rien à foutre ! » , il a amorcé un rétropédalage tout en douceur et en franchise dans les colonnes de Sud Ouest en avril de cette année : « Peut-être que, parmi nos partenaires financiers, certains s’intéressent au football féminin. Pourquoi ne pas leur donner satisfaction ? » Aujourd’hui, le projet d’union entre les Girondins et l’ES Blanquefortaise est en passe d’être sorti des cartons. Il rejoindrait alors celui de Lille. Les Nordistes ont en effet absorbé le FF Templemars-Vendeville le 23 juillet dernier et s’engageront sur la ligne de départ du millésime 20015-2016 de Division 2 sous l’appellation LOSC. Une prise de contrôle rapide et totale du club de la métropole. Une évidence pour le grand Lille et ses partenaires. Mais quel rôle pour le petit dans l’histoire ?
Le prix de l’indépendance
Jules-Jean Leplus, fondateur de la section féminine de Templemars et vice-président du club, éclaire d’abord sur les conditions de la reprise : « À la base, le club devait s’appeler le Templemars-LOSC ou quelque chose du genre. Le problème, c’est que les textes de la FFF n’autorisent un tel changement de nom qu’avant le 2 juin. Nous étions déjà le 15 juin. Il ne restait donc qu’une solution : la fusion des droits sportifs. Cela signifie que le LOSC absorbe complètement Templemars et que ce dernier n’existe plus. » Loin de la relation de prédateur à proie que peut renvoyer l’opération. Au contraire, selon Camille Dolignon, milieu défensif de l’équipe : « Deux projets de reprise nous ont été présentés. L’un provenait de la communauté urbaine de Lille qui souhaitait créer une équipe à l’image de celle de basket, le LMBC (pour Lille-Métropole Basket Club, ndlr). L’autre était en provenance du LOSC et c’est celui-ci qui a été choisi. » Jules-Jean précise : « On a commencé à monter notre projet et on l’a présenté à la communauté urbaine de Lille. Je n’ai pas eu l’impression que leur objectif était de promouvoir le football féminin. Le 4 juin dernier, on a montré notre projet définitif à la ville et au LOSC. Notre projet était évidemment axé sur la section féminine, mais pas que, avec des objectifs sur l’éducation, le post-bac des joueuses, l’insertion des handicapés… Tous ces points ont attiré le LOSC, on a donc opté pour la fusion. »
Et si le dirigeant a ressenti la nécessité de monter un tel projet, ce n’est pas au lendemain d’un songe d’une nuit d’été : « En juillet 2014, j’ai participé à un séminaire de la FFF sur la restructuration des clubs. J’ai compris à ce moment-là que si on ne faisait pas un virage à 180° degrés, on serait foutus. Il fallait qu’on trouve des financements supplémentaires, des infrastructures supplémentaires. Nous devions nous mettre à la page. » Camille Dolignon, outre le plaisir qu’elle aura de revêtir le même maillot que son paternel – LOSCiste entre 1987 et 1995 -, est également réaliste : « Cette fusion nous permet d’obtenir des moyens supplémentaires, que ce soit pour les structures du club ou les finances. Notre premier objectif sera de nous maintenir en D2 la saison prochaine, car il faut savoir que six descentes sont prévues. Après, on essayera de monter en D1 le plus rapidement possible. » Pour y retrouver, peut-être, les futures Girondines. Mais aussi Rémoises, Lorientaises, Toulousaines ou Marseillaises. À ce rythme-là, la petite Juvisy risque de devenir un village d’irréductibles indépendantes.
Par Eric Carpentier et Lhadi Messaouden