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Quand Hagi évoluait à Brescia
En 1992, le meilleur joueur roumain de l'histoire quitte le Real Madrid pour un promu italien et sa colonie de compatriotes. Il y restera deux saisons dont une en Serie B avant d'aller au Mondial.
Baggio, Guardiola, Pirlo, Toni. Ce sont les noms que l’on cite volontiers lorsqu’on se remémore les meilleurs éléments de l’histoire de Brescia, club qui a connu une période faste au début des années 2000. Mais une décennie plus tôt, le président Corioni avait déjà réussi l’exploit d’attirer George Hagi en provenance du Real Madrid alors que les Hirondelles venaient de remonter parmi l’élite. L’ancien propriétaire du club connaissait très bien la Roumanie pour y effectuer souvent des voyages professionnels et avait même tenté le coup lorsqu’il était en poste à Bologne. Néanmoins, devant l’intransigeance du régime Ceausescu, Gino prit son mal en patience jusqu’en 1992 pour offrir un très joli cadeau à ses supporters.
Bresciarest
« Il faut surtout remercier Lucescu, sans lui, Hagi ne serait probablement jamais venu » , annonce de suite Salvatore Giunta, ancien milieu de terrain de ce Brescia. En effet, le fantasque numéro 10 retrouve Ioan Sabau, Florin Raducioiu, Dorin Mateut et le coach qui l’a lancé en sélection. Une vraie petite colonie qui pouvait choisir la facilité de faire bande à part, mais qui au contraire s’intègre parfaitement au reste de l’équipe : « Il ne faut pas oublier que le roumain et l’italien sont deux langues très proches et les cultures pas forcément éloignées » , poursuit-il. Pour le convaincre de venir, le club avait dû batailler avec l’inévitable Gigi Becali, boss du football roumain, et les prétentions du joueur qui ne comptait pas toucher un centime de moins par rapport à son salaire madrilène. En contrepartie, les Merengues ne cherchent pas à le retenir et se contentent de 3 millions de dollars.
Hagi a alors 27 ans lorsqu’il débarque dans la cité lombarde : « Oui, on était promus, mais il était clair qu’avec son arrivée, on visait plus que le maintien » , enchaîne son ancien compagnon de chambrée. Les supporters sont aux anges et s’attendent à une grande saison. C’est tout l’inverse, Brescia galère en bas de tableau et réussit miraculeusement à rejoindre in extremis l’Udinese au classement pour s’offrir un barrage perdu 3-1 sur terrain neutre à Bologne. « Ce fut une saison compliquée, on a été énormément pénalisés par les erreurs d’arbitrage. George a aussi souffert du rendement de l’équipe et n’a pas réussi à s’exprimer comme il le voulait. Et puis, il lui a fallu un temps d’adaptation en passant du plus grand club du monde à une équipe de province italienne. » Brescia retourne ainsi en Serie B, c’est le moment choisi par Hagi pour surprendre tout le monde.
De la Serie B à la WC94
Marco Piovanelli était un jeune milieu de terrain lorsqu’il a côtoyé « Gica » , il motive cette incroyable décision de la sorte : « Il est resté car il voulait être dans les meilleures conditions pour préparer le Mondial 94. À Brescia, il était tranquille, sans pression, et de toute manière, vu son statut en sélection, il savait très bien que cela ne le pénaliserait pas. » Le natif de Sacele décide donc de rester à l’étage inférieur : « Mais il a aussi peiné durant la première partie de saison, quand le Mondial approchait, il a passé la seconde et a gagné quasiment tout seul les derniers matchs. » Lucescu lui confie le numéro 10 et l’aligne derrière un attaquant dans un genre de 4-4-1-1, Piovanelli se régale : « Nous étions beaucoup de jeunes, nous avons énormément appris rien qu’en l’observant. Par exemple, son approche du match dans les vestiaires, ce qu’il fallait faire et ne pas faire. » La remontée est actée et une coupe anglo-italienne finit même dans l’escarcelle. Toujours bon à prendre.
Ces deux saisons, le Roumain les vit en tant que leader silencieux dans un contexte de Brescia où il s’intègre parfaitement bien. « C’est une ville tranquille, les tifosi vous laissent vivre, même quand on est descendus, il n’y a pas eu de vraies contestations. Hagi s’y plaisait et y retourne volontiers voir Raducioiu qui s’est installé ici » , poursuit Piovanelli qui révèle une curieuse anecdote : « Il coupait ses bas et jouait pieds nus dans ses chaussures, il me disait que c’était pour avoir une meilleure sensibilité ! Et fallait voir les crampons à l’époque, ce n’était pas les chaussons de maintenant. » En tout cas, le Maradona des Carpates réussit son coup puisqu’il est une des stars du Mondial 94, transportant la Roumanie jusqu’en quarts de finale avec une élimination aux tirs au but face à la Suède. Impossible de le retenir, et Corioni n’en a d’ailleurs aucunement l’intention. « Il a fini au Barça, grâce à lui, on a pu faire un tournoi quadrangulaire avec le PSV de Ronaldo et le Séville de Mijatović. » Une belle histoire somme toute, hormis un petit accrochage révélé récemment à la Gazzetta dello Sport: « Je suis encore fâché aujourd’hui, car Brescia n’a pas voulu que je sois l’héritier de Maradona à Naples. » Ce dernier serait ainsi devenu le Hagi de la Pampa. L’histoire ne tient qu’à un fil.
Par Valentin Pauluzzi