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Quand Eusébio a failli signer à l’Inter Milan
En se rendant à l'Estádio da Luz pour assister au quart de finale aller de Ligue des champions entre le Benfica Lisbonne et l’Inter Milan, les supporters italiens passeront devant la statue d'Eusébio. Mais ce qu’ils ne savent peut-être pas, c’est que l’attaquant portugais, décédé en 2014, aurait pu porter la tunique nerazzurra en 1966.
15 août 2008. Eusébio est plutôt en forme, malgré ses 66 berges, et enchaîne les poignées de main et les salutations au public depuis la tribune officielle de l’Estádio da Luz, où il assiste à la première édition de la coupe estivale qui porte son nom entre le Benfica – dont il est ambassadeur – et l’Inter Milan de José Mourinho, Luis Figo ou encore Zlatan Ibrahimovic. Une rencontre qui s’est terminée par une victoire aux tirs au but des Nerazzurri, malgré un raté du Z. Mais si tout le monde se fout du résultat de l’Eusébio Cup – sauf peut-être l’Olympique lyonnais, qui n’a remporté que ce trophée, ainsi qu’une Emirates Cup, depuis 2012 – le choix de l’adversaire du SLB lors de cette première édition est tout sauf un hasard. Car si Eusébio a joué 15 ans avec les Águias, il aurait très bien pu porter la tunique de l’Inter après le Mondial 1966. Sauf que le transfert, qui était quasiment bouclé, a capoté au dernier moment.
Un contrat signé pendant le Mondial 1966
Pour comprendre pourquoi Eusébio a tapé dans l’œil de l’Inter, il faut remonter en 1962 et au sacre du Benfica Lisbonne en Coupe d’Europe des clubs champions après une finale face au Real Madrid, lors de laquelle la Pantera Negra a claqué un doublé (5-3). Le début de l’explosion pour celui qui plantera 473 buts en 440 matchs officiels avec le SLB et qui s’imposera comme l’un des meilleurs attaquants de sa génération. Et ce n’est pas son Ballon d’or obtenu en 1965 et son Mondial 1966 qu’il terminera avec 9 pions et un trophée de meilleur buteur qui viendront contredire cela. C’est d’ailleurs pendant qu’il martyrise les défenseurs adverses en Angleterre qu’Eusébio entame des discussions avec l’Inter Milan, vainqueur de la C1 un an plus tôt face… au Benfica Lisbonne. Désireux de frapper un grand coup, Angelo Moratti est prêt à tout pour faire venir l’attaquant portugais. « Je suis même allé jusqu’à signer un contrat avec l’Inter Milan à la fin de la Coupe du monde 1966, confirme Eusébio à FourFourTwo en 2008. J’ai signé le contrat par l’intermédiaire de ma femme, qui était en Italie, et à l’époque, il s’élevait à 3 millions de dollars. C’était beaucoup d’argent. En un mois en Italie, j’aurais pu gagner ce que j’avais gagné en trois ans à Benfica. J’aurais pu acheter la moitié de Lisbonne ! » Quatre ans après son transfert avorté à la Juventus, le dictateur portugais Salazar ayant envoyé O Rei faire son service militaire pour l’empêcher de quitter le pays sous peine d’être considéré comme un déserteur, Eusébio allait enfin pouvoir rejoindre l’Italie. Enfin, c’est ce qu’il croyait.
Un coupable nommé Pak Doo-ik
La légende voudrait que ce soit à nouveau Salazar qui ait empêché Eusébio de rejoindre l’Inter Milan. Le principal intéressé a même confirmé cette idée : « J’ai expliqué à Salazar que j’avais la possibilité de gagner beaucoup d’argent, mais il m’a dit : « Non, tu fais partie du patrimoine du Portugal, tu ne peux pas partir. » » Même si le dictateur portugais était tout heureux de voir son plus beau représentant rester au pays, il n’est finalement pas pour grand-chose dans l’échec de ce transfert. Si Eusébio est resté à Lisbonne, c’est de la faute d’un certain Pak Doo-ik. Un nom qui fait cauchemarder toute une génération italienne puisqu’il est l’auteur de l’unique but de la rencontre entre la Corée du Nord et l’Italie au Mondial 1966, qui aura pour conséquence l’élimination dès la phase de poules des potes de Gianni Rivera et Giacinto Facchetti. Une déconvenue qui va obliger la Fédération italienne de football (FIGC) à réagir, d’autant plus que la Squadra Azzurra n’a plus passé la phase de groupes en Coupe du monde depuis sa victoire en 1938. Pour la Fédé, l’explication à ces échecs répétés est simple : le nombre important de joueurs étrangers dans le championnat. Résultat, la FIGC acte la fermeture des frontières dès l’été 1966, empêchant ainsi les joueurs étrangers de rejoindre la Botte. Une décision qui permettra à la Nazionale de remporter l’Euro en 1968 et d’être finaliste du Mondial 1970, mais qui empêchera Eusébio – tout comme Franz Beckenbauer – de rejoindre l’Inter Milan. Car en 1980, quand la FIGC autorise à nouveau les clubs italiens à recruter un joueur étranger, Eusébio a déjà rangé les crampons au vestiaire. Et l’Inter se tourne alors vers l’Autrichien Herbert Prohaska. Un homme qui n’a pas de coupe à son nom.
Par Steven Oliveira