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Quand Edy Reja taclait Pasolini

Par Adrien Candau
Quand Edy Reja taclait Pasolini

À 74 piges, Edoardo Reja, dit Edy, a décidé de diriger pour la première fois de sa vie une sélection, en prenant la tête de l'Albanie en avril dernier. La dernière aventure d'un type qui a joué avec Capello à la SPAL dans les années 1960, est devenu copain comme cochon avec Ayrton Senna quand il supervisait la Primavera de Pescara et a fait retrouver au Napoli les délices de la Serie A en 2007. Une inépuisable boîte à souvenirs, où Reja pioche aussi à l’occasion une anecdote des plus savoureuses : ces moments où, en vacances à la station balnéaire italienne de Grado, il s'est retrouvé tout jeune au marquage d'un footballeur pas comme les autres : Pier Paolo Pasolini.

Contrairement à Didier Deschamps, Edoardo Reja, le sélectionneur italien de l’Albanie qui dirigera les Rouge et Noir face à la France ce samedi, n’est pas champion du monde. Heureusement, il n’y a pas forcément besoin de soulever un trophée doré pour voir son existence épicée de rencontres aussi improbables que sublimes. Comme quand Edy, alors entraîneur de la Primavera de Pescara à la fin des années 1980, se retrouve à côtoyer régulièrement Ayrton Senna : le Brésilien, avec qui Reja a déjeuné la veille de son accident tragique à Imola, se rendait régulièrement dans les Abruzzes depuis 1988, entre autres choses pour retrouver son ami Gino Pilota, un entrepreneur emblématique de la région. Mais le plus beau cadeau que le destin a offert à Reja est peut-être sa rencontre avec l’un des plus grands réalisateurs et héros tragiques de l’Italie du XXe siècle : Pier Paolo Pasolini.

La bande de Grado

À l’époque, Reja est surtout connu comme milieu de terrain de la SPAL, où il s’est imposé de 1963 à 1968, avant de signer à Palerme, où il évoluera jusqu’en 1973. L’été, il a pris l’habitude de se rendre à Grado, une station balnéaire sur la cote du Frioul, réputée pour ses plages et sa dolce vita. Un endroit particulièrement prisé par les footballeurs italiens qui veulent prendre un peu de bon temps, avant la reprise de la Serie A. « Nous étions jeunes alors, se remémorait Reja dans les pages du Corriere dello sport en 2017. Ma rencontre avec Pasolini a eu lieu à Grado. Les joueurs de football plus ou moins célèbres de cette époque fréquentaient cette plage, et Pasolini venait aussi dans le coin tous les ans. Là-bas, il y avait un terrain où nous jouions au football le soir. Pasolini était un ailier très rapide, très doué techniquement. Parfois, je le marquais et je devais lui décocher quelques croche-pattes pour l’arrêter. On rigolait beaucoup ensemble. C’était un mec adorable et un vrai passionné de football. »

Giovanni Galeone, un vieux pote de Reja qui a notamment joué à l’Udinese et entraîné le Napoli et Pescara dans les années 1990 et 2000, apporte quelques précisions bienvenues au tableau : « À l’époque, en vacances, on avait une bande de potes footballeurs, on nous appelait la bande de Grado : il y avait moi, Reja, Capello (ami et coéquipier de Reja à la SPAL de 1964 à 1967) Riva, Angelo Sormani… Nous étions jeunes, on pouvait s’amuser, on n’était pas encore mariés, pouffe ce dernier. Un soir, nous sommes allés manger dans un restaurant, chez Nico, et nous avons notamment rencontré Ninetto Davoli (l’amant et l’acteur fétiche de Pasolini) et Pasolini qui, à l’époque – je pense que c’était dans les années 1970 (1969, pour être précis) – avait tourné Médée. » Inspiré par le mythe sanglant de Médée, ce film où Maria Callas incarne la protagoniste principale a marqué par son imagerie élégante et contemplative et a été partiellement tourné dans le lagon de Grado.

« Le match terminé, on parlait de tout, de foot, de cinéma, de politique »

« Avec Pier Paolo, nous jouions souvent au football, déroule Galeone. Il dégageait un charme et une personnalité forte, un charisme naturel, jamais forcé… Pasolini ne parlait pas, il murmurait, je ne l’ai jamais entendu élever la voix. Ça lui suffisait pour se faire entendre. » Rien de tout à fait étonnant de voir Pasolini suer balle au pied : notoirement dingue de football, le réalisateur joue tout le temps entre les tournages, mais aussi pendant ses vacances. Grado, qui constitue son lieu de villégiature estivale préféré, lui offre ainsi maintes opportunités pour enquiller les matchs improvisés avec des joueurs de foot professionnels. Fabio Capello, lui aussi ami de longue date de Reja, se souvient aussi avoir joué « tous les ans » avec Pasolini. « Lui jouait sur le côté gauche et moi au milieu. Puis, le match terminé, on s’asseyait autour d’une table et on parlait de tout, de foot, de cinéma, de politique. »

Reja, lui, conserve une image un chouia plus cocasse en tête, celle de Pasolini qui s’enfouit sous le sable brûlant, en lézardant sur la plage de Grado : « Là-bas, il y avait ces fameux trous de sable et chacun avait le sien. Je me souviens qu’il était sous le soleil, inébranlable, dans ce trou. Ce n’était pas facile, croyez-moi, car la température du sable était très élevée, entre 52 et 53 degrés. Il restait comme ça, pendant une demi-heure… Je me souviens qu’il y avait Ninetto Davoli qui lui faisait de l’ombre avec un parasol et lui, il était là, tranquille, un chapeau sur la tête, passant son temps à lire un livre… Et bien sûr, parfois, le soir, ils dînaient ensemble, parlant de football, rien que de football. » Et si, près de 50 piges plus tard, Pier Paolo Pasolini, assassiné en 1975, n’est malheureusement plus, Edy Reja, lui, n’en a pas encore fini avec le sport roi. Le sable de Grado s’est effacé au profit de la pelouse de Saint-Denis, mais le Mister garde toujours avec lui un petit morceau de Pasolini, balle au pied sur la plage, dans un coin privilégié de son esprit. Et se dit peut-être que piétiner l’ordre établi en emmerdant royalement la France sur ses terres constituerait un hommage tout à fait adéquat au plus transgressif des réalisateurs italiens.

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Par Adrien Candau

Tous propos issus du Corriere dello sport, d'Il Manifesto et de la Gazzetta dello Sport.

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