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Quand Dirar se faisait siffler par tout son stade
Si Nabil Dirar passe plutôt inaperçu tant par son caractère que par ses stats, il n'en a pas toujours été ainsi. Entre 2009 et 2012, le Marocain a ainsi été suspendu cinq fois par son club et son équipe nationale. Les causes ? La nonchalance, l'impulsivité et la folie, beaucoup de folie.
Après une première saison mi-figue mi-raisin en Ligue 1 suite notamment à une blessure au genou, Nabil Dirar s’est solidement installé dans les 14 Monégasques les plus proches de la titularisation. Élément presque incontournable de Jardim malgré des chiffres fort peu impressionnants (2 buts et 2 assists toutes compétitions confondues), il a même porté le brassard de capitaine lors du match aller à Arsenal (1-3). Pour couronner le tout, trois ans après sa dernière sélection, il a fêté son retour en équipe nationale marocaine lors des rencontres amicales face à la Libye et la République centrafricaine en septembre dernier. Ce n’est certainement pas Luc Devroe, ex-directeur sportif du FC Bruges, qui aurait parié sur une telle réussite de son ancien protégé, lui qui déclarait fin octobre 2010 qu’on ne reverrait probablement plus jamais le Marocain sous les couleurs des Blauw en Zwart. À l’époque, l’ailier droit venait tout juste d’être renvoyé en équipe B pour la troisième fois en un an. Entre retard, maladie, agression et menace, Nabil Dirar a même réussi l’exploit de se faire houspiller par tout son stade, 24 000 fans le renvoyant finalement au vestiaire. Ça, c’était l’époque où Nabil Dirar était l’ennemi public numéro 1 de la Belgique du football.
Du club de village à celui du pays
Dirar est le plus jeune d’une famille de dix enfants. Il n’a jamais connu son père, décédé très peu de temps après sa naissance. Jeune immigré de Bruxelles, Nabil parcourt quelques formations de la capitale avant de se poser à Diegem à l’âge de 19 ans. Le club évolue alors en Division 3 et il n’est pas encore question d’envisager une carrière professionnelle. Mais les choses vont s’accélérer à une vitesse folle : après un an, Dirar signe en D1 à Westerlo qui le cède deux saisons plus tard au grand Club de Bruges. Pour l’ailier droit, l’ascension est fulgurante, et le passage de Westerlo – ville de 25 000 habitants dont le club est abonné au ventre mou – à Bruges laisse des séquelles. « Quand tu ne t’attends pas à devenir joueur de foot professionnel et que, du jour au lendemain, t’as de l’argent, des femmes, des voitures, tu pètes un peu les plombs » , expliquait ainsi récemment l’intéressé dans les pages de Sport/Foot Magazine.
Et après une première saison faite de grigris, mais pas de buts (3 seulement), Dirar connaît son premier accroc. Sélectionné pour l’affrontement perdu (0-2) contre le Cameroun en tour préliminaire de la Coupe du monde 2010, il revient un jour en retard à Bruges. Conséquence : une semaine de suspension, il loupe un match. À la limite, ça n’est encore pas bien grave. Là où cela le devient un peu plus pour les supporters, c’est à l’été suivant quand il se permet de brosser le Fan Day du Club de Bruges. Peut-être allergique aux autographes, le Marocain présente un certificat médical le lendemain, mais la faute est faite : public déçu, entraîneur agacé, Dirar va faire un premier tour dans le noyau B des Brugeois.
Un Fuck mal compris
Fin octobre 2010, Dirar en remet une couche. Après une faute ultra violente sur Tiko, joueur de Lokeren, l’impulsivité et le manque de concentration vont lui coûter cher. Lors du débriefing d’après-match, son coach Adire Koster cherche à féliciter le Marocain qui a gardé son calme durant la rencontre malgré la nervosité des siens et l’exclusion ridicule de son capitaine Vadis, coupable d’avoir applaudi l’arbitre. Le problème, c’est que Dirar ne pige pas l’anglais du coach, il s’énerve et lui balance un doigt d’honneur dans la face. Nouveau détour par l’équipe B. C’est à cette période que Luc Devroe s’épanche dans la presse en confiant qu’il n’imagine pas son caractériel milieu de terrain revenir dans le parcours. 15 jours plus tard, le site internet du Club de Bruges publie un communiqué annonçant le retour de l’enfant terrible. Comme à chaque fois, Dirar s’excuse, assure qu’il a compris et qu’il ne recommencera plus. Mais si les deux premières affirmations semblent correctes, la troisième est beaucoup plus bancale.
24 000 huées
Quatre mois plus tard, alors que le FC Bruges est en balade contre Courtrai (4-1), Nabil va littéralement péter les plombs. Dans les derniers instants, son équipe bénéficie d’un coup franc à l’entrée de la surface, et, probablement désireux de soigner ses maigres stats, Dirar menace carrément son coéquipier et capitaine Vadis Odjidja Ofoe qui veut également s’essayer au tir. Après l’intervention des autres joueurs du Club de Bruges, Dirar subit les sifflets du stade entier, auquel il rétorque par une provocation fort peu subtile : il feint de ne pas entendre assez les huées en mettant ses mains sur ses oreilles. Son coach Adrie Koster doit donc se résoudre à le faire sortir et obliger ainsi son équipe à terminer le match à 10, les trois changements ayant déjà été effectués. La goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Bah non, le Brugeois n’est pas rancunier, dirait-on. Revenu en fin de saison, Dirar se fait même acclamer pendant 90 minutes par une bonne partie des supporters brugeois. C’est peut-être ça, finalement, le déclic dans la carrière du natif de Casablanca. Car après ce nouveau coup de sang, il va littéralement se sublimer, enchaînant merveilleusement la première partie de la saison suivante avec notamment neuf buts à son compteur. De quoi attirer les Monégasques, alors dans le panier de crabes de la Ligue 2, qui lui proposent un pont d’or pour le transférer à l’hiver 2012.
Baroud « d’honneur » en sélection
À Bruges, on ne sait trop quoi penser, hésitant entre la déception de perdre une pièce maîtresse et la satisfaction de se débarrasser d’une forte tête pour plus de 6 millions d’euros. Et les événements de février 2012 semblent tout d’abord conforter les dirigeants flamands dans leur choix. Nabil Dirar est en effet écarté de la sélection marocaine pour la CAN 2012 après avoir déclaré qu’il ne voulait pas aller au Gabon et en Guinée équatoriale pour bronzer. Frustré de rester au pays, Dirar balance une dernière fois dans la presse belge. « S’ils ont besoin de moi, j’irai, mais ce n’est pas mon but premier. Pour le dire sèchement, l’équipe nationale peut aller se faire foutre. » Transféré sur le Rocher, Nabil Dirar n’a depuis lors plus jamais pété les plombs. Les arguments de Rybolovlev sont plus efficaces que ceux de Luc Devroe…
Par Émilien Hofman