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Quand Bologna se payait l’Inter lors d’un barrage scudetto
Le 7 juin 1964, Nerazzurri et Rossoblù s'affrontaient à Rome pour se disputer le titre de champion d'Italie. Un événement unique dans l'histoire de la Serie A.
On en a connu des barrages dans l’histoire de la Serie A. Jusqu’à il y a dix ans, c’était encore le critère pour départager deux équipes à égalité. Il y en a eu beaucoup pour le maintien, d’autres pour les qualifications en Coupes d’Europe, il y avait même eu un autre Bologna-Inter en 1999 entre les demi-finalistes de la Coupe d’Italie afin de désigner le dernier qualifié pour la Coupe de l’UEFA. Toutefois, l’opposition entre ces deux équipes pour se disputer le titre en 1964 fut quelque chose d’inédit, et le sera probablement pour toujours.
Le mystère des éprouvettes
Un « spareggio » qui aurait pu ne jamais se jouer à cause d’une sombre affaire. Le 4 mars 1964, alors que les deux équipes sont déjà au coude-à-coude, la Fédération italienne annonce que cinq joueurs rossoblù ont été contrôlés positifs lors d’un test antidopage. Une information qui avait filtré via… un quotidien milanais. Il n’en fallait guère plus pour mettre en branle une bataille de clochers. La presse et le parquet de Bologne décident alors de réquisitionner les échantillons incriminés ainsi que ceux servant pour la contre-analyse. En attendant, la commission de discipline leur donne match perdu contre le Torino et leur inflige trois points de pénalité. Dopés à l’insu de leur plein gré, les joueurs sont blanchis, mais pas le coach Bernardini ni le médecin, respectivement suspendus pour 18 mois et à vie. C’est dans ces conditions que se dispute le premier « match du titre » à la fin du mois, lorsque l’Inter vient s’imposer au stadio comunale pour le compte de la 27e journée. On craint le pire, mais tout se passe sans incident, et le public local applaudit même les adversaires, méritants vainqueurs sur le score de 2-1. Par la suite, de nouvelles analyses démontrent que la dose dopante présente dans les éprouvettes est tellement importante qu’elle aurait mené tout droit à une intoxication. En outre, elles étaient conservées dans un frigo non scellé se situant au sein d’un lieu en travaux depuis quelques semaines. Les échantillons B ne révèlent quant à eux aucune anomalie. Bref, falsification de preuves il y a eu, même si la justice italienne ne découvrira jamais le responsable, le dossier étant officiellement classé sans suite. En attendant, Bologna récupère bien ses trois points, son coach et son toubib, le tout la veille de la 34e et dernière journée qui ne changera rien. Rossoblù et Nerazzurri finissent en tête avec 54 points. C’est l’heure du barrage.
Pour Dall’Ara
Ce scénario insoutenable aura eu raison du fragile cœur de Renato Dall’Ara. Le mythique président de Bologne se « chope l’infarctus dont nous causent les journaux » , quatre jours seulement avant la finale et suite à une dispute verbale avec son homologue interiste concernant la répartition des recettes. L’Inter, elle, vient de remporter sa première Coupe d’Europe des clubs champions face au grand Real Madrid et se présente à l’Olimpico de Rome (terrain neutre choisi pour cette rencontre, ndlr) vidée de toutes ses forces. Et puisque le mot turn-over n’existait pas encore à l’époque, le magicien Helenio Herrera aligne le même onze de départ. En face, Fulvio Bernardini sort le coup tactique de sa vie. L’ailier Pascutti est le seul absent ; au lieu de le suppléer par son remplaçant naturel, le « docteur » aligne un arrière, Mario Capra, qui rend inoffensif Mariolino Corso, un des maîtres à jouer adverses. Si l’Inter fait bonne figure en première mi-temps, elle se liquéfie en seconde période sous le soleil romain que ses adversaires avaient rejoint depuis plusieurs jours afin de s’acclimater. Un choix payant, mais qui avait rendu impossible la présence aux funérailles du président. Malgré la supériorité physique des Bolognais, il faut toutefois attendre le dernier quart d’heure pour voir la rencontre se débloquer. Bulgarelli décale un coup franc pour Fogli qui l’envoie dans le soupirail, et de un ! Huit minutes plus tard, Fogli, encore lui, lance Nielsen dans le profondeur, l’attaquant danois, et meilleur buteur du championnat, ne se loupe pas face à Sarti, et de deux ! Le libéro Tumburus et lui ont d’ailleurs passé l’arme à gauche en cette année 2015, rejoignant leur président Dall’Ara avec qui ils peuvent enfin fêter ce titre, le 7e et dernier de l’histoire du club. Le plus fou de l’histoire de la Serie A.
Par Valentin Pauluzzi