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Quand Blanc sortait Hiddink de l’Euro 96
Si aucune confrontation entre les deux entraîneurs Laurent Blanc et Guus Hiddink n’est à signaler, un match avait auparavant réuni les deux hommes autour d’un terrain de football : c’était à Liverpool, pour le quart de finale de l’Euro 96 entre la France et les Pays-Bas.
Voilà une décennie que la nation attend de renouer avec un prestige plutôt poussiéreux. Dix ans, c’est long, même pour une équipe nationale prête à jouer des tournois internationaux tous les deux ans. Mais cette fois-ci, c’est la bonne. Pour la première fois depuis 1986, l’équipe de France intègre le tableau final d’une compétition continentale. Déjà une réussite en soi, quand on sait d’où les Bleus reviennent. Sortis premiers d’une poule composée de la Roumanie, l’Espagne et la Bulgarie, les protégés d’Aimé Jacquet se hissent en quarts de finale de l’Euro anglais. Leur prochain défi se jouera dans la mythique enceinte d’Anfield, le 22 juin 1996. L’adversaire ? Les Pays-Bas, dirigés par un certain Guus Hiddink.
Remplaçant pour l’occasion, Mickaël Madar se souvient : « On avait une équipe qui se cherchait un peu, démarre l’ancien buteur du PSG. Ce n’était pas encore la grande équipe de France de 98… Je dirais que les Pays-Bas étaient favoris. D’ailleurs, il y avait Bergkamp, non ? J’ai récupéré son maillot, j’étais allé le réclamer ! » Plus prestigieuse, l’école oranje vient aussi de secouer la planète football, avec ses diamants issus pour la plupart de l’Ajax, auréolé d’une C1 un an plus tôt. Edgar Davids, Clarence Seedorf et surtout Patrick Kluivert sont prêts à rendre la vie dure à Bernard Lama. Toutefois, Le Chat peut également compter sur une équipe soudée et son dernier défenseur : Laurent Blanc.
« Avant, Blanc était ministre… »
« Laurent, c’est un homme peu bavard en dehors, mais sur le terrain, il parle, il conseille, décrit son ancien coéquipier Jocelyn Angloma. Il jouait surtout avec sa tête, de façon intelligente. » Aligné en début de tournoi, Angloma voit d’ailleurs un passage de témoin se profiler durant la compétition, lorsque Lilian Thuram intègre le onze titulaire des Bleus à sa place. Même combat pour Éric Di Meco, remplacé par Bixente Lizarazu.
En réalité, Laurent Blanc devient à 31 ans le taulier de la défense tricolore. « Il avait cet avantage d’avoir déjà joué l’Euro 92, explique Angloma. Malgré la débâcle, il avait de l’expérience. » Du vécu certes, mais pas encore de parfaits automatismes avec son compère de la défense centrale, Marcel Desailly. « On a découvert une grosse équipe de France pendant la Coupe du monde, rembobine Madar. Là, on était plus en train de construire cette équipe. Desailly et Blanc, c’était une bonne charnière centrale, mais par rapport à ce que c’était devenu deux ans plus tard, ça n’avait rien à voir. Blanc était déjà un bon défenseur, même s’il n’avait pas encore sa notoriété. Laurent, c’est vraiment après 98 qu’on a commencé à l’appeler le Président. Avant, il était ministre… »
Au four et au moulin pour gérer les affaires étrangères, le pilier des Bleus parvient tant bien que mal à contenir les offensives néerlandaises. Dans sa zone technique, le moustachu Hiddink commence à trouver le temps long. Les dieux du football semblent même siéger côté français quand une main de Desailly dans la surface est sanctionnée d’un simple coup franc. La réclamation de Frank de Boer n’y fait rien, et même dominée, la France tient le choc. « Avec Marcel, Laurent avait ce guerrier toujours prêt à rester au top, décrit Angloma. Marcel se battait, il faisait le boulot, et Laurent lisait le jeu derrière avec des déplacements anticipés et calculés. C’était le patron de la défense. » Le poteau vient au secours de Lama, puis le portier sauve la France devant Seedorf. Non, aucun but ne sera marqué au cours du temps réglementaire. C’est donc aux tirs au but que la France va tenter d’éliminer la machine batave.
Croc Blanc
Ce match est un test grandeur nature. Un test pour savoir si l’invincibilité de 26 matchs consécutifs peut encore se poursuivre pour la bande du jeune Zinédine Zidane.
Un test pour savoir si l’équipe de France possède des qualités mentales supérieures à son rival du jour. Car dans les penaltys plus qu’ailleurs, c’est bien l’aspect psychologique qui joue un rôle primordial. « Dans ces cas-là, on se consulte pour savoir qui tire, qui ne tire pas, confesse Angloma. Deschamps par exemple, il n’aurait jamais tiré (rires) ! En dernier recours quoi… Laurent avait un bagage technique, il était à l’aise avec la balle. Il avait une facilité sur coup de pied arrêté, un sang-froid qui lui permettait de tirer. » Volontaire pour frapper, Lolo s’adjuge même une prise de responsabilité supplémentaire. « Laurent s’est placé en dernier tireur, là où la pression est très forte, ajoute Angloma. Ce penalty, il ne faut pas le rater, c’est le moment crucial. Il faut être calme, ne pas se prendre la tête. » L’un après l’autre, les différents frappeurs défilent. Zizou marque. Djorkaeff marque. Lizarazu marque. Guérin marque. Entre-temps, Bernard Lama sort le penalty de Seedorf. Si Blanc marque, la France passe au tour suivant.
« J’avais les yeux fixés sur le penalty de Laurent, avoue Angloma. Ensuite, je me souviens surtout de l’envolée vers les partenaires pour célébrer la victoire. » Blanc s’applique et prend Edwin van der Sar à contre-pied… malgré la glissade une fraction de seconde derrière. Qu’importe, l’essentiel est là : la France accède au dernier carré. Sans parler de destinée pour autant, ce PSG-Chelsea constituera donc un nouveau chapitre de la relation Blanc-Hiddink. « Depuis 20 ans, ils ont déjà eu le temps de se croiser je pense, imagine Madar. Des remises de prix, des œuvres caritatives… Ce match-là, il n’y a qu’Hiddink qui peut s’en rappeler. Il dira peut-être à Blanc :« Tu te rappelles, quand tu nous as sortis en quarts de finale en Angleterre ? » Laurent en revanche, ça m’étonnerait qu’il se souvienne de l’entraîneur des Pays-Bas à l’époque. » Du moment qu’il se souvient de la victoire…
Par Antoine Donnarieix
Tous propos recueillis par AD