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Quagliarella : silence, ça tourne !
Ce samedi, on a très envie de croire que Fabio Quagliarella va planter face au Napoli pour son douzième match d'affilée en Serie A, effaçant ainsi un record de Gabriel Batistuta qui tient depuis 1994. L'attaquant de la Sampdoria de 36 ans pourra alors mettre fin à sa carrière au terme de la saison, pour embrasser une destinée d'acteur. Oui, parfaitement. Récit d'une seconde vie.
Ça y est, cette fois, c’est la fin. À 36 ans, Fabio Quagliarella aura goûté à tout ce qui vaut la peine d’être vécu dans le football. La déception à Naples, la renaissance à la Juve puis au Torino, l’apothéose à la Sampdoria. Ce samedi à Napoli (18h), il va peut-être même reléguer à la cave un vieux record de Gabriel Batistuta, en plantant pour son douzième match consécutif en Serie A. Mais les plaisirs du cuir ne sont pas éternels et Fabio va bientôt devoir songer à une reconversion. Ça tombe bien, les présidents des deux clubs de sa vie, Aurelio De Laurentiis à Naples et Massimo Ferrero à la Samp, gagnent leur croûte en produisant du film au kilomètre. Heureux hasard : avec ses cheveux gominés, sa gueule de beau gosse ténébreux et son statut d’icône locale, Fabio Quagliarella a tout ce qu’il faut pour se recycler dans l’acting. La preuve par les cinq productions qui vont lancer sa carrière.
Adieu au football, de Jean-Luc Godard
Dans le football comme au cinéma, la respectabilité, c’est la base. Pour commencer comme il se doit la reconversion de Fabio, Aurelio De Laurentiis met le paquet pour dénicher le nec plus ultra de la Nouvelle Vague française, Jean-Luc Godard. À 88 ans, tonton Jean-Luc accepte à la surprise générale de faire de Quagliarella le premier rôle de son prochain film Adieu au football. Dans ce long métrage, Fabio incarne Giancarlo, un professeur d’université anciennement encarté au parti communiste qui, en réaction aux dérives ultra-capitalistes du football moderne, crée un club de foot sans maillots, sans ballon, sans terrain, sans stade, sans entraîneur, sans supporters, sans staff, sans chaussures, sans adversaires et sans joueurs. Un film sur « le football conceptuel » à en croire Godard, qui récolte 3 T dans Télérama, mais ne rapporte que 6300 euros au box office mondial. La vie est injuste.
Fast and Furious : Napoli drift, de Gérard Pirès
S’il a su gagner l’estime des professionnels de la profession, Fabio veut désormais remplir les salles. Adieu le cinéma d’auteur, place aux mastodontes du 7e art. Massimo Ferrero se propose alors pour financer le prochain volet de la franchise Fast and furious, en coproduction avec Universal Pictures. Ferrero dégote au passage le réalisateur de Taxi, Gérard Pirès, et surtout Luc Besson au scénario. Le pitch ? Fabio joue le rôle de Roberto, un ex-détenu au grand cœur qui partage son temps entre la salle de muscu et les courses illégales de Vespa aux moteurs gonflés dans les rues de Naples. Le tout en essayant de gagner le cœur de la plantureuse Silvia, interprétée par la bombe anatomique napolitaine, Caterina Balivo. Le film se fait atomiser par la critique, mais cartonne dans les salles. « Quand on a annoncé le projet, on m’a dit que le film serait débile et que le scénario tenait sur une feuille de PQ, s’enflamme Ferrero. « Mais on a fait plus de 980 millions d’euros au box office. Alors, c’est qui les débiles maintenant ? »
Mais qu’est-ce qu’on a fait à San Paolo ?, de Philippe de Chauveron
Sur la lancée de son précédent succès, Ferrero décide de retenter le coup avec un cinéaste français. En l’occurrence, Philippe de Chauveron, qui annonce vouloir réaliser une adaptation de son précédent succès populaire, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? Une relecture audacieuse : dans ce film, un couple de Juventini tombe des nues en découvrant que leur fille s’est mis en tête d’épouser un Napolitain fanatique des Partenopei, interprété par Quagliarella. La comédie marche plutôt bien en salles, mais est accusée de surfer sur les clichés sur la ville de Naples, alors que le personnage interprété par Fabio est plus ou moins subtilement associé à un mafieux, un chauffard et à un éboueur au chômage. Le long métrage fait même un énorme bad buzz à Naples, alors que les tifosi azzurri confectionnent un tifo géant du poster du film pour le brûler à la mi-temps d’un Napoli-Juventus. Fabio, confus par la tournure des évènements, jure alors, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendra plus.
Dialogue avec mon jardinier, de Jean Becker
Pour regagner l’adhésion populaire, Quagliarella écoute alors les petits conseils d’Aurelio De Laurentiis. Le président du Napoli vient de racheter les droits de Dialogue avec mon jardinier, un film de Jean Becker sorti en 2007. Le réalisateur français de 85 ans débarque en Italie pour réaliser « une réadaptation footballistique de son œuvre originale » . Le topo ? Fabio incarne Stefano, un footballeur en fin de carrière dont la consommation d’alcool serait susceptible de faire frissonner Gérard Depardieu. Il est alors envoyé en guise de punition par son club, la Lazio, en prêt en huitième division où il atterrit du côté de la charmante petite bourgade champêtre de Norcia, en Ombrie. Là, Stefano fait la connaissance de Federico, le jardinier du club, qui lui ré-insuffle alors les vraies valeurs du footballeur populaire. L’ensemble accouche d’un film « social » , où on voit Fabio tondre la pelouse, laver ses chaussettes, ramasser les chasubles, se rendre au stade en transport en commun et réapprendre à jouer au Uno avec ses équipiers pendant les mises au vert. En bref, du foot à la campagne, au ras des jolies pâquerettes, avec plein de bons sentiments. L’Italie sort les mouchoirs et voilà la carrière de Fabio définitivement relancée.
La ligne blanche, de Gaspar Noé
Ragaillardi par son précédent succès, Quagliarella répond favorablement à l’appel de Gaspar Noé, qui annonce vouloir réaliser un film « quasi documentaire dans le milieu du football sur la coke, la fête, le chaos, la masturbation, le haschisch, le sexe, le mysticisme, l’érotisme, les plans à trois, les bad trip, mais surtout le sexe et la drogue » . L’œuvre suit les pas de Fabio, qui joue son propre rôle, invité à une soirée enflammée dans un appartement, où l’on retrouve entre autres Diego Maradona, Adrian Mutu, Mark Iuliano, Robbie Fowler et une quantité tout à fait effrayante de cocaïne. Particulièrement explicite, le film fait tellement scandale qu’il est interdit aux moins de 21 ans dans plusieurs pays européens. Pas au fait de l’interdiction, Kylian Mbappé est ainsi rembarré à la première du long métrage, malgré l’invitation VIP que lui avait envoyée la production. Le stoner movie fera finalement un bide en salles, même s’il sera le film le plus téléchargé illégalement de l’année dans le monde, à en croire le très sérieux magazine anglais Empire. Une maigre consolation pour Fabio, qui décide d’arrêter les frais. Fini le ciné, l’ancien attaquant chausse ses claquettes-chaussettes pour retrouver sa villa napolitaine. Où il se gave de films dans sa salle de home-cinéma à longueur de journées, jusqu’à la fin de sa riche existence. Une certaine idée du bonheur.
Par Adrien Candau