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Qatar : Pourquoi y a-t-il autant de sièges vides dans des stades annoncés pleins ?
Bien que les chiffres officiels laissent imaginer que le public est au rendez-vous de ce Mondial qatari, il suffit de jeter un œil aux tribunes pour s’apercevoir que certains sièges restent vides, quand ils ne sont pas désertés par leurs occupants avant la fin de la rencontre.
Son Qatar mené 0-2 par l’Équateur et désemparé face à la situation, Felix Sánchez Bas a fini le match d’ouverture le regard dans le vide. Aussi bien au sens figuré qu’au propre, bien qu’il ne le formulera pas ainsi. Interrogé sur ces tribunes du stade Al-Bayt qui se sont drastiquement clairsemées dès la mi-temps – certains déserteurs ayant brandi le motif du froid dans les tribunes, les chances anéanties de leur équipe de revenir au score ou la route qui les attendait –, le sélectionneur du pays organisateur a botté en touche, sans risquer de blesser quelqu’un :« J’avais autre chose à faire que de regarder les tribunes. J’ai juste en tête de faire en sorte que les fans puissent vibrer pour leur équipe lors des matchs à venir. » Soit entendu le Catalan : les Grenats affrontent ce vendredi le Sénégal et chercheront à retenir cette fois leurs supporters jusqu’au coup de sifflet final. « Je n’ai pas compris l’attitude des Qataris. Ils avaient l’air si heureux d’être dans ce stade pour l’ouverture de leur Mondial. Dès que le vent a tourné, soit ils étaient sur leurs smartphones, soit ils sont repartis pour grimper dans leur 4×4 », s’étonne Hamza, supporter tunisien présent à Al-Bayt, avant de connaître de son côté une tout autre ferveur le surlendemain, sa propre délégation plongeant l’Education City Stadium dans un délire festif.
Que tous ceux qui sont dans le stade lèvent le doigt
Le manque de culture foot au pays des cheikhs n’explique pas pour autant l’écart que l’on peut mesurer entre les chiffres d’affluence officiels et les nombreux espaces vides visibles à l’œil nu. Lors du match d’ouverture toujours, le speaker a annoncé fièrement la présence de 67 372 spectateurs pour un stade ayant une capacité de… 60 000 places indiquées sur la plupart des documents présentations. Soit un taux de remplissage de 112,29% ! Pour expliquer ce surplus, la FIFA a d’abord communiqué que ces chiffres ronds correspondent à ce qui était indiqué sur le dossier qatari, afin de répondre aux exigences de l’instance internationale. Après recomptage, le stade Al-Bayt peut en réalité accueillir 68 895 têtes de pipe. Ainsi, les 41 721 personnes pour 44 400 au Al-Thumama pour Sénégal-Pays-Bas ou les 39 089 spectateurs garnissant le stade Al-Janoub et ses 44 325 places semblent, si ce n’est exacts, plutôt cohérents. Au total, la capacité totale des stades de ce Mondial qatari est donc passée en un coup de calculette de 380 000 à 426 221.
La politique de la chaise vide
Plane tout de même un doute sur la méthode comptable concernant les affluences réelles. Par exemple, 40 875 personnes étaient censées assister à France-Australie au stade Al-Janoub. Sauf que, là encore, de nombreux strapontins étaient libres. Bien plus que 3450, en tout cas. Et ce n’est pas l’ambiance « gentillette » dans les travées qui a pu aider à les camoufler. Selon Sport Business Club, les organisateurs arriveraient à de tels chiffres par une addition du nombre de billets grand public scannés à l’entrée, mais aussi (là est l’astuce) du nombre d’invités VIP – même ceux qui restent fourrés à l’intérieur des loges à siroter du champagne dans des gobelets Coca Cola – et les médias présents en tribune de presse, alors que la capacité maximale affichée ne tient compte que des places disponibles pour les spectateurs lambda. L’idée derrière ce changement de barème est pour les organisateurs d’apporter de l’eau à leur moulin. Cette Coupe du monde a suffisamment été présentée comme une grande fête du football, Gianni Infantino s’est tellement réjoui des 2,95 millions de billets vendus (plus que les 2,4 millions de la Russie), que communiquer des scores en demi-teinte ferait tache. Quitte à voir les tribunes à moitié vides ou les stades à moitié pleins, la FIFA serait bien avisée d’inviter les percussionnistes sénégalais, l’armée bleue japonaise ou l’armada saoudienne dans toutes les tribunes pour que, en plus d’avoir un stade plein, celui-ci se mette enfin à sonner.
Par Mathieu Rollinger, à Doha
Propos recueillis par MR.