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Puyol, le poids des ans
Inamovible une décennie durant, Carles Puyol paraît aujourd’hui sur les rotules. La faute à un physique qui a du mal à suivre. Et un genou gauche qui vient de l’éloigner des terrains pour les quatre prochaines semaines. Minimum.
C’est un fait, Paolo Maldini et Carles Puyol n’ont pas vraiment la même élégance sur un terrain. Alors que le beau gosse italien affichait une dégaine tout en classe, le capitaine courage balade sa chevelure en mort de faim. Un petit tour sur les curriculum vitae de l’un et de l’autre finit par convaincre : en 1028 apparitions (ah oui, tout de même), le Milanais de toujours n’a récolté que 87 cartons jaunes, quand le Catalan, en 687 coups d’envoi, affiche 124 biscottes. Mais là n’est pas tant le parallèle entre ces deux rocs. Paolo Maldini et Carles Puyol font partie de cette espèce en voie d’extinction. L’un comme l’autre sont des joueurs d’un seul club, d’un seul fanion. Aujourd’hui à la retraite, l’Italien, arrivé à l’âge de 10 ans à Milanello, a connu tous ses fortunes, et tous ses déboires, au sein du Milan AC. Même refrain pour Carles Puyol, qui depuis 1994 promène la liquette blaugrana sur les prés d’Europe et du Royaume. Et comme son comparse italien, la plus belle tignasse de Catalogne connaît une fin de carrière rythmée par des blessures à répétition. Actuellement convalescent pour six semaines, Carles Puyol i Saforcada devrait même rater le prochain Clásico. Ô rage, ô désespoir…
L’âme ou la technique
Bien entendu, la doublette Mascherano-Pique n’a rien de déshonorant pour la formation de Tito Vilanova. Mais force est de constater qu’avec Carlos dans ses rangs, le Barça n’est plus le même. Certes, sans Tarzan – l’un des ses innombrables surnoms – ni Piqué, le Barça affiche un beau ratio de 71% de victoires. Il n’en reste pas moins que son apport, aussi bien physique que mental, est véridique. À force d’abnégation, l’homme est devenu un indéboulonnable du système catalan. Pour rappel, en 1998, alors qu’il faisait partie de la réserve de la réserve, son Barça accepte une offre de Málaga. Lui refuse et cravache. Son adage n’a donc rien de surprenant : « Un défenseur, ça ne doit jamais rire, la première chose à faire, c’est qu’on te respecte. » Le discours est clair, limpide : Carlos n’est pas un rigolo, qui « peut être bon, mais à condition de donner le maximum » . Ce maximum, justement, est peut-être ce qui manque à un Gerard Piqué plus talentueux et à un Javier Mascherano moins défenseur. Car Carles, c’est l’âme du Barça.
Le hic, c’est que cette âme se fait vieillissante. Comme l’indiquent ses 34 printemps au compteur, il n’a plus ses jambes de vingt ans. C’est après la première Coupe du monde ibérique que les pépins commencent à s’accumuler pour Puyi. Une blessure de huit mois qui, paradoxalement, va le pousser à continuer le ballon rond. « J’étais convaincu de quitter l’équipe nationale quand j’étais blessé. En fait, je pensais sérieusement à quitter le football, le Barça, tout. Mais maintenant, après ces huit mois de rééducation, je suis devenu plus fort. Finalement, je n’aurais dû rien dire » , explique-t-il dans un entretien fleuve au Mundo Deportivo. Avant de rajouter, sourire en coin, qu’il s’imagine bien continuer « jusqu’à mes 40, 45 ans » . Bref, sa grinta est de retour. Sa classe, elle, ne l’a jamais quitté. Les bras d’Abidal, soulevant la Champions League, peuvent encore en témoigner. « Je lui ai dit « Abi, tu la prends », et il m’a dit « Tu es sûr ? » Je lui ai répondu : « C’est la tienne »et ensuite, il l’a soulevée. » Élégance, verset 1.
Casse-tête
En ce début de nouvelle année footballistique, la poisse le retrouve. Et ce, alors même qu’il n’a pu participer à l’Euro victorieux de la Roja à cause d’un foutu genou droit opéré. Face à Osasuna, pour le deuxième round domestique, il se fracture la pommette. Bilan, un arrêt forcé qui le prive du Clásico retour de la Supercoupe d’Espagne. La paire centrale hispano-argentine est à la rue et le Barça se foire dans les grandes largeurs. Face à Getafe, Tito Vilanova le réintègre dans son escouade au point d’en faire un titulaire. Masque de Zorro sur la tête, le capitaine foulera le Coliseum Alfonso Perez jusqu’à la 55e minute. Minute durant laquelle il verra son genou, gauche cette fois, se faire la malle. Le diagnostic est salé : quatre à six semaines de repos forcé, période nécessaire pour qu’il se remette de cet étirement du ligament croisé.
Avec le pépin de son apprenti Piqué, c’est toute la défense catalane qui est orpheline. Aux côtés de Javier Mascherano, Tito Vilanova n’a pas l’embarras du choix. Entre un Alex Song milieu de métier et un Marc Bartra inexpérimenté, l’arrière-garde blaugrana sera expérimentale. Le Real Madrid n’en demandait pas tant avant de se déplacer pour le déjà troisième Clásico de la saison, programmé dans deux semaines. Plus proche de la fin que de ses débuts, Carles Puyol y assistera dans le simple costume de spectateur. Quoi qu’il en soit, lorsque sa retraite sonnera, nul doute que le socio azulgrana lui réservera un terminus en apothéose. Histoire de contredire le parallèle avec l’illustre Paolo.
Par Robin Delorme