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«Puyol est un chien de garde»
Avec «Hermano», le réalisateur, Marcel Rasquin, rappelle que le Vénézuela n'est pas qu'un pays de base-ball. Son premier long-métrage s'intéresse au destin de deux frères footballeurs dans le quotidien tumultueux des quartiers chauds de Caracas. Lors de la présentation d' «Hermano» au festival international de cinéma de Guadalajara, certains joueurs des Chivas et de l'Atlas y sont allés de leur petite larme.
Marcel, comment se porte le foot au Vénézuela ?
Il progresse. Si on remonte à 10 ans en arrière, la Vinotinto terminait dernières des qualifs sud-américaines, on se prenait des raclées à domicile, et les stades étaient vides. Aujourd’hui, l’avancée est tangible : on a plus de 10 joueurs en Europe, ce qui semblait impensable il y a peu. Ce renouveau remonte à la prise en charge des sélections de jeunes, puis de la A, par le professeur Richard Paez, un entraîneur qui vient de la zone andine du pays, une région qui a toujours été éprise de football. On a commencé à être moins fragile mentalement, à arrêter de péter les plombs au moindre contre-temps, et surtout à respecter le ballon. A présent, nous gagnons des matches et le jeu proposé est souvent séduisant, même si on a un coup de moins bien depuis peu. Je veux d’ailleurs lancer une campagne pour qu’on recrute Guus Hiddink pour enfin jouer une Coupe du Monde.
Il reste étonnant de voir un réalisateur vénézuélien faire de ce sport le principal ressort narratif de son film …
Oui, d’autant le foot, n’est pas seulement dépassé par le base-ball chez nous, mais aussi par le basket. Cinématographiquement, le drame dans le base-ball est, en plus, très facile à montrer : tout se concentre dans le duel entre le batteur et le receveur. En fait, si j’ai fait une film sur le foot c’est grâce à ma totale ignorance du sujet. Ne te méprends pas, j’adore le foot, mais je ne savais pas à quel point il était difficile de le filmer. Alors, plutôt que de relever l’impossible défi de rivaliser avec les retransmissions télé et leurs 18 caméras, j’ai choisi de pénétrer là où la télé ne peut s’introduire. Je me baladais donc sur le terrain avec ma caméra pour filmer au plus près les joueurs, pour capter cette énergie quasi-adolescente, l’agressivité du jeu, mettre en valeur la rapidité des prises de décision.
T’es-tu inspiré d’autres films traitant de football ?
Non, mon influence ce serait plutôt les pubs Nike tournées dans la rue, celles où l’on ressent l’intensité du jeu, notamment dans les scènes de un contre un entre les deux frères, où ce qui est en jeu va bien au-delà du foot. Dès la pré-produtcion, on a commencé à travailler avec le Caracas FC, le club le plus titré du pays. Les trois acteurs principaux se sont entraînés quatre mois. Tous jouaient au foot mais pas à niveau professionnel. Avec l’aide des entraîneurs, on a chorégraphié toutes les actions de jeu de manière précise, ce qui obligeait les acteurs à progresser techniquement, et ce qui m’a rendu la tâche difficile au final.
Dans « Hermano » l’analogie entre le style de jeu des deux frères et leur personnalité est évidente. Dis moi comment tu joues et je te dirai qui tu es ?
Quand je me suis attaché à l’écriture, ma priorité était de définir la personnalité de Julio et d’El Gato sur le terrain. El Gato, c’est un peu Messi, il esquive tous les problèmes avec son dribble. Julio, lui, c’est le leader naturel, son autorité s’impose bien au-delà du terrain. Cette analogie entre personnalité et style de jeu est une des choses qui m’intéresse le plus dans le foot. Pour moi, la personnalité d’un défenseur central, par exemple, est déterminante dans une équipe. Puyol c’est un chien de garde, tu sens qu’il ne laissera passer personne, et sur chaque contact il y va à fond mais il reste propre. A l’inverse, il y a Materrazzi. Un être lâche, vraiment bas, mal-intentionné.
Quand on vient du Venezuela, difficile d’esquiver une question sur Chavez. Que penses-tu de sa relation d’amitié avec Maradona ?
Le Vénézuela passe par un moment si difficile, que ce soit au niveau économique, social, ou politique, que les gens ne prêtent pas attention à ce genre de choses. Cette relation est perçue comme l’une des excentricités de notre président, une de plus. En tant qu’ami et admirateur de Castro, il était logique que Maradona sente une affinité avec Chavez. Mais je ne suis pas sûr qu’il connaisse véritablement la réalité du pays …
La bande-annonce
Thomas Goubin, à Guadalajara
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