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Pujol : « Je ne suis pas une espèce en voie de disparition »

Propos recueillis par Axel Bougis
Pujol : « Je ne suis pas une espèce en voie de disparition »

Pour réussir à capter quelques bribes de son talent, il faut désormais s'armer de patience devant le multiplex de Ligue 2 du vendredi soir. Dommage, car même à 35 ans, Grégory Pujol régale encore, au sein d'une équipe du Gazélec Ajaccio (3e) bien partie pour passer du National à la Ligue 1 en deux ans. Avant un déplacement capital à Dijon (4e), entretien avec l'un des attaquants français de la race des élégants.

Jouer ce match à Dijon, capital pour la montée, ce n’est pas un peu inespéré pour le Gazélec ?

C’est sûr que si on nous avait dit en début de saison qu’on jouerait un match aussi important à cette journée, je pense qu’on ne l’aurait pas cru. En tout cas, on n’est pas là par hasard. Ça va être un match important, mais pas décisif, parce qu’il y en aura plein derrière et on est loin de la montée. La priorité était le maintien, on l’a quasiment. Donc maintenant, on veut prendre un maximum de points et on verra à la fin. Depuis le début, on fonctionne comme ça, et ça nous réussit bien. On ne va pas se mettre une pression supplémentaire avec la montée à tout prix. Bien sûr, on l’a déjà évoquée, mais ce n’est pas la priorité. Mais si on arrive à quelques journées de la fin dans le peloton de tête, on y pensera plus sérieusement. La route est encore longue, il faut garder cet état d’esprit jusqu’au bout.

C’est quoi le secret du Gazélec cette année ?

Il y a la dynamique de la montée, peu de joueurs sont partis. Le groupe a été renforcé par des joueurs un peu plus vieux, comme David Ducourtioux, Jérémie Bréchet et moi. L’amalgame se fait bien. Il y a un super état d’esprit, et c’est ce qui fait notre force. On est des garçons intelligents, qui se battent pour le club, et c’est la grosse force actuellement. Et puis, on a un peu de réussite aussi, parce qu’il y a des matchs qu’on n’aurait peut-être pas dû gagner, et pourtant on l’a fait, donc ça compte également.

On a l’impression qu’il y a encore un petit bout d’esprit amateur dans le club. Ça se traduit comment ?

Oui, il y a un esprit amateur, car on n’a pas les installations ni le stade d’un club de Ligue 1, ou même des gros clubs de Ligue 2. On est obligés de composer par moment au niveau des horaires ou des terrains. C’est ce qui fait le charme aussi. C’est un club très familial, avec beaucoup de bénévoles. Les gens se mouillent pour le club, et on n’a pas le droit de lâcher par rapport à ça. On représente le club, et il faut tout donner. Il y a une atmosphère, une ambiance. Au quotidien, les gens donnent le maximum.

La vie en Corse, pour un gars du Jura et qui débarque de Valenciennes, c’est comment ?

Ce n’est pas trop difficile de s’habituer au soleil (rires). À Valenciennes, par moment, on ne le voyait pas trop. Je suis super content d’être ici, ça se passe très bien, les résultats sont là, donc forcément, ça facilite l’intégration. Il faut vraiment être difficile pour ne pas aimer la Corse. J’étais déjà venu un peu, mais j’apprécie les paysages, la gastronomie, les gens au club ou en ville. C’est vraiment une atmosphère sympathique.

Cet été, tu étais aussi courtisé par d’autres clubs plus « huppés » de Ligue 2. Le cadre corse a joué dans ta décision de signer à Ajaccio ?

Oui, ça a joué, mais c’est surtout le club qui est venu me contacter, qui a pris un peu les devants et qui m’a proposé un contrat. Les autres ne sont pas allés plus loin, il aurait fallu que j’attende un peu. Je voulais bien attendre, mais en même temps, venir en Corse, avec David Ducourtioux qui avait signé juste avant… Il y avait plein de raisons pour que je signe. Je suis venu un week-end pour visiter la ville, découvrir le club, et le contact s’est super bien passé. J’avais la chance d’avoir un contrat, et beaucoup de joueurs se retrouvent au chômage parce qu’ils ont voulu attendre ou qu’ils ont été trop gourmands sur leur salaire. Le Gaz’ est aussi un bon club, donc je voulais tenter l’aventure. J’étais conscient des installations et du contexte, mais c’est ce que je voulais aussi. On a passé des saisons assez difficiles à Valenciennes, donc j’avais envie de retrouver du plaisir. Et j’ai de la chance que les résultats soient là aussi.
Si je n’avais pas eu ce sens du collectif, je n’aurais pas réussi

Avec Ducourtioux et Bréchet, vous avez été recrutés pour apporter un peu plus que sur le terrain…

On essaye de recadrer, de parler, d’apporter notre expérience. David et Jérémie ont cette faculté de bien parler, bien diriger. Moi, un petit peu moins, je suis plus dans la réserve. Je pense que ça convient bien au groupe, qui est très réceptif. Ils ont tous envie de progresser et d’aller le plus loin possible, c’est pour ça que la mayonnaise prend bien.

Tu as des affinités avec les jeunes qui arrivent dans le monde professionnel, ou les relations se limitent au cadre du foot ?

C’est sûr qu’on n’a pas trop les mêmes sujets de discussion, mais je pense qu’il faut être ouvert à tout. Il y a une très bonne mentalité chez nos jeunes. Ils se mettent peut-être un peu plus à part que nous, mais on essaye de s’intégrer, et eux essayent aussi de venir un peu vers nous. Ça discute, ça rigole, il n’y a aucun souci.

Comment toi, le « joueur de ballon » , tu t’es adapté à la Ligue 2, championnat qu’on dit surtout physique ?

Il y a un peu plus de combat, c’est un peu plus physique, et les matchs sont plus compliqués parfois. Ça balance un peu devant, il faut aller au duel, et c’est peut-être un peu plus difficile pour les attaquants. Il faut s’adapter, il faut un peu de temps. À titre personnel, je voulais jouer un maximum de matchs, me faire plaisir dans le jeu, et ça se passe plutôt bien. Il y a des matchs un peu compliqués pour nous devant, mais on sait qu’il faut en passer par là pour aller un peu plus loin. Il faut aller au combat, et je pense avoir l’état d’esprit pour, donc ça va.

Est-ce que tu penses que les attaquants dans ton style, ou comme l’était par exemple Mickaël Pagis, sont voués à disparaître ?

Je ne pense pas. Il y a des jeunes qui poussent dans les clubs de Ligue 1, voire même en Ligue 2 où il y a de très bons joueurs qui aspirent à aller plus loin. Je ne suis pas une espèce en voie de disparition. J’essaie en tout cas de donner le maximum et de finir ma carrière du mieux possible.

N’as-tu pas été trop collectif pour faire une carrière encore meilleure ?

Il y a peut-être une période où ça m’a desservi, mais ça date. J’ai toujours fonctionné comme ça. Avoir le sens du collectif est hyper important. Je n’ai pas des qualités extraordinaires, donc j’essaie d’être collectif, de jouer pour mes partenaires. Le foot est un sport collectif fait d’individualités. Pour bien fonctionner, il faut que le collectif marche, et c’est ce qu’on est en train de prouver actuellement.

Quand on entend ça, on pense forcément à tes années de formation au FC Nantes…

Évidemment, même si à la base, je raisonnais comme ça. Ça s’est accentué au FC Nantes, où tout était tourné vers le collectif, pour attaquer, défendre, faire circuler la balle… C’était ce que j’aimais, ce que j’ai appris et approfondi. Je pense que c’est grâce à ça que j’ai pu faire ma carrière. Comme je le disais, je n’ai pas des qualités extraordinaires, donc je pense qui si je n’avais pas eu ce sens du collectif, je n’aurais pas réussi.
Sur un banc de touche, je ferais une crise cardiaque

Certains joueurs de ta génération n’ont pas eu la carrière qu’ils auraient dû avoir après leur départ de Nantes. Comment l’expliques-tu ?

Les gens disent qu’un joueur qui quitte Nantes a du mal à réussir derrière. Il y en a qui ont largement réussi, comme Marama Vahirua ou Sylvain Armand, qui a fait une carrière extraordinaire. Mais c’est vrai que certains se sont un peu éteints, comme Éric Djemba-Djemba ou Mathieu Berson, qui n’ont pas eu la carrière qu’ils auraient dû avoir. Dans le football, il y a tellement de jeunes joueurs au talent extraordinaire et qui manquent, je ne vais pas dire d’intelligence, mais d’un brin de réussite, de l’envie de se forcer un peu ou qui font de mauvais choix. Je pense à Hatem Ben Arfa, qui est un joueur extraordinaire. C’est un talent brut, mais qui ne fait pas la carrière qu’il aurait dû. Et des cas comme ça, on peut en sortir à la pelle.

Tu es un joueur élégant, mais tu as parfois été sifflé à Nantes, où l’on sait pourtant apprécier le beau jeu. Tu le comprenais à l’époque ?

J’avais été sifflé après une blessure. Les gens me reprochaient de ne pas assez marquer, de ne pas être assez décisif. C’est comme ça… Sur le coup, je ne comprenais pas trop. Du coup, j’ai été prêté en Belgique dans la foulée (à Anderlecht, en 2005-2006, ndlr) et je ne suis jamais revenu. Au début, ça m’a laissé un goût amer parce que j’avais vraiment envie d’aller plus loin à Nantes. J’ai quand même été en finale de Coupe de la Ligue (en 2004, défaite aux tirs au but contre Sochaux, ndlr), j’avais marqué, j’ai vécu de bons moments, mais j’aurais peut-être pu en vivre d’autres. Mais je me dis que j’ai fait une bonne carrière. Je ne regrette aucunement et je n’en veux pas aux supporters.

Quels souvenirs tu gardes de Raynald Denoueix, qui t’a brièvement coaché au début de ta carrière ?

Je ne l’ai pas connu beaucoup, mais le peu que je l’ai côtoyé, j’ai vu que c’était vraiment un très, très bon entraîneur, qui aurait aussi peut-être pu faire une autre carrière. Il a prouvé aussi en partant de Nantes qu’il pouvait réussir ailleurs (à la Real Sociedad, ndlr). C’est un entraîneur qui, dans sa philosophie, a été rare.

Ensuite, tu as eu d’autres entraîneurs aux styles différents (Marcos, Amisse, Kombouaré, Montanier…). Duquel tu te sentais le plus proche ?

Il n’y en a pas un avec lequel je me rapprochais plus. Il y avait des petites choses à tirer de chacun. J’ai beaucoup apprécié Antoine Kombouaré et je trouve qu’il correspondait très bien à l’esprit valenciennois. Philippe Montanier est aussi un super coach, agréable à vivre, qui propose des entraînements variés. Avec Michel Troin, ils forment une paire extraordinaire. Angel Marcos m’a aussi lancé. C’est eux, petit à petit, qui ont formé le joueur que je suis aujourd’hui.

Devenir entraîneur pour transmettre ton expérience quand tu auras terminé ta carrière, c’est envisageable ?

Pour l’instant, pas trop. Je ne suis pas trop parti là-dessus, mais il ne faut jamais dire jamais, parce que dans la vie, on ne sait pas ce qui peut se passer. Peut-être pour les enfants… Au niveau professionnel, je pense que si je suis sur un banc de touche, je ferais une crise cardiaque. Déjà quand je sors à dix minutes de la fin, je n’en peux plus, alors je comprends ce que ressentent les entraîneurs. C’est un métier usant, mais en même temps tellement enrichissant… Donc pour l’instant non, mais on ne sait jamais. Je vais vraiment profiter à fond de mes dernières années de footballeur. Après, on verra, je vis au jour le jour.
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La chute de la Maison blanche
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