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PSG-Zagreb ou les limites de l’interdiction de déplacement

Par Nicolas Kssis-Martov et Loïc Trégoures
PSG-Zagreb ou les limites de l’interdiction de déplacement

Manuel Valls avait pris la décision d’interdire la venue des supporters du Dinamo Zagreb sur le territoire français. Apparemment, son inquiétude n'était pas infondée au vu des violents affrontements qui ont eu lieu hier soir dans le quartier de la Bastille à Paris. De quoi légitimement s'interroger sur la méthode employée ?

Les images tournent déjà en boucle sur le net, les forums, les réseaux sociaux et même les chaînes d’info continue qui ouvrent parfois leur JT avec cette info. Hier soir donc, « Parisiens » (pour l’instant indéterminés) et leur équivalents croates ont eu droit à leur « fight » . Et cela en dépit de mesures exceptionnelles : le ministre de l’Intérieur Manuel Valls avait interdit, par un arrêté publié dimanche au Journal officiel, le déplacement des supporters du Dinamo Zagreb à Paris. En attendant d’en connaître plus sur le déroulé exact de la soirée qui aurait vu presque 200 individus s’affronter (avec à l’arrivée deux blessés croates et 24 interpellations de part et d’autre), il s’impose de décrypter ce qui ressemble à un échec dans la « gestion de la violence autour des match de football » . Un de plus à Paris, pourtant censé être à la pointe sur la question. Un nouveau fait divers qui n’augure rien de bon avant l’Euro 2016.

Pourtant, s’il existe un domaine où la construction européenne ne semble pas ou plus patiner, c’est sans conteste la lutte anti-hooligans. La Préfecture de police, fidèle à ses habitudes désormais bien ancrées, avait refusé d’accueillir le contingent visiteur du Dinamo, tant les supporters des pays de l’Est, et notamment de l’ex-Yougoslavie, traînent une sale réputation (partiellement méritée). Au match aller déjà, les supporters parisiens avaient connu le même sort et les téméraires en furent quitte pour un aller-retour direct, sans pouvoir assister au match ou bien croiser leurs homologues croates. Pour ce match retour, le cran était encore au-dessus. Le ministre de l’Intérieur en personne avait sorti sa plus belle plume pour pondre un arrêté publié le 3 novembre au Journal officiel. Au passage, « considérant qu’en vertu de l’article L. 332-16-1 du code du sport, le ministre de l’Intérieur peut, par arrêté, interdire le déplacement individuel ou collectif de personnes se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel sur les lieux d’une manifestation sportive et dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public » , il avait pu une fois de plus mesurer tout ce qu’il devait à ses prédécesseurs de droite. L’artillerie lourde de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (ou Loppsi II) a donc été braquée sur les 200 hooligans attendus depuis la capitale croate. En vain !

Les violents « Blue Bad Boys »

Toutefois, cet arrêté ne constituait pas qu’une simple formalité administrative. Un arrêté qui fournissait une notice explicative fort instructive sur la démarche et ses fondements (histoire de prouver également que la DNLH ou Division nationale de lutte contre le hooliganisme sait réaliser de belles notes de synthèse, inversant au passage les mots dans le nom du principal groupe de supporters de Zagreb « Blue Bad Boys » au lieu de « Bad Blue Boys » !). Avec, bien sûr, le savoureux rappel que seule la fermeté paie, preuve à l’appui : « Les autorités croates ont pris un arrêté d’interdiction, opposé aux supporters du club parisien, de pénétrer en voiture sur le territoire de la République de Croatie ; (…) grâce à cette mesure, à laquelle n’ont contrevenu qu’une dizaine de supporters parisiens auxquels l’accès au stade a été refusé et qui ont été reconduits par la police à leur hôtel, le match a pu se dérouler sans incident. » Une note qui prend toute sa saveur à la lueur des évènements de la soirée d’hier.

Il s’agissait certainement de se prémunir de ne pas avoir pris les mesures adéquates, se couvrant de la sorte par avance d’éventuels débordements (d’où peut-être ce choix d’un arrêté ministériel bien plus « médiatique » que la banale annonce de la préfecture de Paris). Car comme le soulignait de manière assez succulente le texte de l’arrêté « considérant qu’à l’occasion du match retour opposant les deux mêmes clubs de graves incidents sont susceptibles d’intervenir si les supporters des deux clubs venaient à se rencontrer ; qu’en effet les autorités croates ont fait part de la venue probable à Paris de 150 à 200 supporters violents, appelés « Blue Bad Boys » (sic donc), de l’équipe du Dinamo Zagreb ; que ces supporters étant démunis de billets pour assister au match et placés dans l’incapacité d’en acquérir, leur déplacement a pour seul objet de provoquer des troubles à l’ordre public ; que les pratiques de ces groupes de supporters consistent en effet à susciter des incidents, dès le début de l’après-midi du match, dans les lieux touristiques de la ville où ils se rendent, avant de les réitérer le soir aux abords du match ; que le refus de ces groupes de supporters d’établir tout contact avec des autorités empêche de programmer, comme les autorités françaises de police le pratiquent avec des supporters de nombreux clubs de football français ou étrangers, leur accompagnement et leur protection tout au long de leur déplacement sur le territoire français. »

L’homo balkanicus

En conséquence de quoi, « du 6 novembre 2012 à zéro heure au 7 novembre 2012 à midi, le déplacement individuel ou collectif, par tout moyen routier, ferroviaire ou aérien, de toute personne se prévalant de la qualité de supporter du Dinamo Zagreb ou se comportant comme tel est interdit entre les points frontières routiers, ferroviaires et aéroportuaires français et les communes de la région d’Ile-de-France. » Sauf que dès lundi, la rumeur courait déjà que plusieurs dizaines de BBB traînaient à Paris. Ainsi, les supporters croates étaient en toute légalité dans les rues de Paname hier soir, démonstration parfaite des incohérences d’un texte qui se voulait ferme sans tenir compte de la réalité du terrain. Les évènements de la veille permettent aussi de mesurer qu’en dépit du plan Leproux, les supporters parisiens et leur frange « indep » restent encore dans le collimateur des forces de l’ordre, et que ces dernières ne sont toujours pas capables de les contenir et de mettre hors d’état de nuire les éléments violents. Tout le monde n’a pas la chance d’habiter à Tarnac !

Dans le camp d’en face, répétons-le, non, l’homo balkanicus n’est pas qu’une grosse baraque tatouée au crâne rasé repérable à des kilomètres (un style qui n’a pourtant pas empêché Ivan Bogdanov d’aller jusqu’à Gênes malgré son casier en plus). Bref, parmi les fans du Dinamo, il y a évidemment des gens lambda, des petits, des maigres, qui n’ont aucun signe distinctif. Alors on fait comment pour empêcher tout fan croate de pénétrer sur le territoire ? Comme la police croate l’a fait il y a deux semaines avec les Français, il y a fort à parier qu’une importante proportion des Croates qui tenteront de pénétrer en France aujourd’hui, même sans avoir aucun rapport avec le match, sera refoulée. Du côté des autorités croates en tout cas, pas de commentaires. On se contente de dire qu’on a transmis aux Français une liste de supporters dangereux et interdits de stade. En fait, c’est d’abord à eux de faire le travail. Ils avaient une liste de gens qui ne doivent pas quitter le territoire. Leur coopération avec les Bulgares et les Slovènes ont pratiquement empêché tout déplacement de groupe lors des tours préliminaires de la Ligue des champions, si bien que les derniers intrépides n’avaient d’autre choix que de tenter le coup en voiture individuelle. Et là, une fois entré dans l’espace Schengen soit par la Slovénie, soit par la Hongrie, si possible avec une plaque non-croate, bonne chance pour les chopper !

Un attirail policier, juridique, voire diplomatique

En généralisant ces interdictions de déplacement de manière aveugle (un peu comme débarquer dans une cité avec trois bataillons de CRS et autant de caméras de télés plutôt que de travailler sur la durée contre les réseaux) sans offrir d’autres mesures, on oublie surtout que les principaux concernés par ce puissant attirail policier et juridique (voire diplomatique) vont forcément se révéler les plus déterminés à trouver des parades ; sans oublier le fait qu’il y ait également d’importantes communautés d’immigrés croates en France ou Allemagne. N’est pas Aurore Martin qui veut !

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