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PSG : un dilemme Cavani ?
Meilleur buteur de l'histoire du PSG, Edinson Cavani arrive à un tournant. À 32 ans, l'Uruguayen n'a plus qu'une année de contrat. Le laisser partir, le prolonger ou aller au bout de son contrat ? La direction parisienne se retrouve face à un dossier dont l'enjeu dépasse le sportif et le financier, mais touche à son image.
Hatem Ben Arfa sait savourer une victoire. Il sait encore mieux savourer une revanche. Le succès en finale de Coupe de France est donc l’opportunité de lâcher ses vérités : « Il faut toujours respecter l’humain. Quand tu ne le respectes pas, à un moment donné, tu le payes. Un jour, Adrien Rabiot va revenir avec une équipe et il va leur faire mal parce que c’est la vie. » Une saillie à l’intention de l’entité PSG, mais aussi, et surtout, de son président Nasser Al-Khelaïfi. Une saillie reprise au vol par Véronique Rabiot, mère de, pour pointer du doigt ce qui serait l’une des grandes carences du projet QSI auprès de l’AFP. « Le président (Nasser Al-Khelaïfi) a pris une décision totalement injuste, tout le monde le sait. Et en faisant cela, il a instillé un poison dans son équipe, qui a fait son œuvre ces cinq derniers mois. Il a lui-même morcelé son équipe parce qu’il a oublié la dimension humaine justement… » Au vu de la fin de saison parisienne, cette double attaque médiatique a plus de poids qu’un simple déversement de fiel d’amoureux éconduits. Elle pourrait, dans les prochains mois, être confortée si la direction du champion de France ne donne pas des signaux plus lisibles sur sa gestion des individualités de son vestiaire. Avec un dossier chaud dès le début du prochain mercato : l’avenir d’Edinson Cavani.
Cavani à la croisée des chemins
À 32 ans, l’Uruguayen n’a plus qu’un an de contrat. Blessé contre Bordeaux le 9 février, il n’a quasiment plus joué et c’est à distance qu’il a vécu l’effondrement de son équipe depuis le fiasco contre Manchester United. Une absence prolongée qui a également renforcé l’idée qu’El Matador n’était plus l’avenir du PSG, et que sa place dans l’axe de l’attaque, tôt ou tard, serait dévolue à Kylian Mbappé. Cette croisée des chemins, Sonny Anderson l’a vécue en 2003 à l’Olympique lyonnais. « J’avais un accord écrit du président Jean-Michel Aulas pour pouvoir partir en cas d’offre intéressante pour moi, c’est pour cela que je suis parti à Villarreal. »
Pour l’Uruguayen, l’équation est légèrement différente : présent dans la capitale depuis six saisons, il a récemment indiqué vouloir honorer sa dernière année de contrat. Ce qui ne serait pas forcément concordant avec les intérêts financiers du PSG, qui le verrait partir gratuitement dans un an. « On arrive à une situation où les intérêts du joueur et de son club divergent » , admet Philippe Piat. Mais pour le président de l’UNFP et de la FIFpro, le cas Cavani est « au-dessus des simples considérations sportives et financières, c’est un joueur qui a marqué l’histoire de son club » .
El Matador et l’histoire du PSG
En six saisons, le Matador est devenu l’un des éléments les plus populaires du club, si ce n’est le chouchou du Parc des Princes. Malgré des débuts difficiles dans l’ombre de Zlatan Ibrahimović, il a toujours affirmé son attachement au maillot parisien et trône fièrement comme meilleur buteur historique du PSG (192 pions). De quoi faire dire à Piat que « le PSG est dans l’obligation d’offrir la meilleure des sorties possibles au joueur » , que ce soit cet été, dans un an, ou plus tard. Le pire scénario pour l’image du club de la capitale consisterait à pousser l’Uruguayen vers la sortie. Mais le dirigeant de l’UNFP ne croit pas « que le PSG ait l’initiative sur ce dossier » . Ni la possibilité de mettre l’attaquant au placard car « les précédents Rabiot et Ben Arfa ont déjà engendré leur lot de dégâts » . Même si poser la question, c’est donner l’opportunité à Piat de placer une banderille à l’encontre de la direction parisienne : « Un joueur en fin de contrat que l’on refuse de faire jouer, c’est une pratique spécifique au PSG ces derniers temps, les autres grands clubs ne le font pas, regardez Arsenal avec Ramsey. »
« Tout doit découler de Thomas Tuchel » (Sonny Anderson)
Difficile néanmoins d’imaginer le PSG laisser le torchon brûler avec un joueur hautement estimé par sa base de supporters. Pour Anderson, le cas Cavani n’est pas forcément si complexe. « Il faut déjà une discussion franche entre l’entraîneur et le joueur » , estime le consultant beIN Sports. « À mon époque, j’avais voulu quitter l’OL car je savais que Paul Le Guen voulait mettre en avant des attaquants plus jeunes. Dans le cas de Cavani, tout doit découler de la position de Thomas Tuchel. » Et si l’Allemand décide que l’avant-centre est encore un titulaire en puissance, « alors il faut que son contrat soit prolongé, ou dans le pire des cas, que Cavani aille au bout. » L’autre cas de figure, ce serait que Tuchel dise à son joueur qu’il n’entre plus dans ses priorités. « Ce serait alors à Cavani de se positionner, de dire s’il veut rester ou pas. »
« C’est en étant exemplaire que l’on renforce l’institution. » Philippe Piat
Le fonctionnement du trio décisionnaire Nasser Al-Khelaïfi/Antero Henrique/Thomas Tuchel sera au révélateur. Anderson : « Une discussion El-Khelaïfi/Cavani aboutissant à une prolongation de contrat sans aucune concertation avec Tuchel, cela pourrait être le début de gros problèmes. Or, le président du PSG a laissé transparaître une proximité avec certains joueurs qui ne facilite pas le travail du coach et qui n’exclut pas ce scénario… » Philippe Piat voit dans la gestion du cas Cavani autant de difficultés que d’opportunités. « On sait qui on est en observant comment on traite ses anciens. Dans les grands clubs étrangers, les vieux joueurs sont honorés même quand ils déclinent, c’est aussi en se comportant de manière exemplaire que l’on renforce l’institution. » Quitte, selon le dirigeant, à laisser partir le joueur gratuitement pour services rendus s’il le réclamait. Mais avec la pression du fair-play financier, le PSG de 2019 n’a plus vraiment le luxe de jouer les seigneurs selon Sonny Anderson. « Remplacer Cavani, cela coûte très cher. Et le laisser partir pour garder Choupo-Moting, sans manquer de respect à ce dernier, cela n’aurait aucun sens. » Le Brésilien en revient donc à son idée de départ : « Il va déjà falloir que Cavani et Tuchel se parlent franchement. Du moins, c’est comme cela que cela se passerait dans un club normal. » Sauf qu’ici, c’est Paris.
Nicolas Jucha
Propos de Philippe Piat et Sonny Anderson recueillis par NJ