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PSG : Trois hommes et un strapontin
Auteur d'un très bon début de saison, Mamadou Sakho a pourtant vu sa présence dans le onze type menacée par le retour à la compétition de Thiago Silva. Voilà qu'il la découvre aujourd'hui ouvertement discutée dans la presse par le lascar en question. Un pétard mouillé qui, en d'autres temps, aurait pu se transformer en champignon nucléaire.
« Ce sont deux joueurs de qualité. Sakho est un bon défenseur, très technique. Il est en train de grandir. La grande différence, c’est qu’Alex a plus d’expérience. Il a joué avec la sélection et dans d’autres grandes équipes européennes. J’ai disputé un match avec Sakho, deux avec Alex. Et je dois avouer que, même si je me suis senti bien avec les deux, j’étais plus tranquille avec celui qui a plus d’expérience, c’est-à-dire Alex… » Entre deux lignes sur Dieu, trois sur la gastronomie française et quelques fulgurances sur le niveau de la L1, Thiago Silva a aussi pris le temps de dégoupiller une petite grenade hier matin dans le Parisien. Mais la déflagration, a priori destinée à hérisser encore un peu plus la crête du « petit » Mamadou, a surtout soufflé les murs du département communication du club. Bien emmerdés, les hommes en noir du PSG ont répliqué dans l’après-midi en envoyant le Brésilien jouer au pompier pyromane en conférence de presse : « Je n’ai pas dit que je préférais jouer avec Alex ou quelqu’un d’autre. J’ai juste dit qu’Alex avait plus d’expérience que Sakho. Je tiens quand même à m’excuser auprès de Sakho. Je ne sais pas s’il est triste ou non, mais je n’ai jamais dit ce qui est sorti dans la presse. » Une ligne de défense digne d’un Brandão qui se serait mis au handball dans le Languedoc-Roussillon.
Parce qu’au fond, tout le monde s’en fout, à commencer par les principaux intéressés. Primo, Thiago Silva est arrivé en France il y a à peine deux mois, vit à l’hôtel, où il ne se nourrit « que de steak-frites » , et se dit bien incapable de citer le moindre joueur français en dehors d’Ederson, Cris et Michel Bastos. Si en plus on lui pose la question du choix de son collègue de bureau, évidemment qu’il préfère cohabiter avec un compatriote quasi dans la même galère que lui plutôt qu’avec un jeune autochtone dont il arrive tout juste à prononcer le prénom. Et secondo, non, Mamadou Sakho n’est pas triste. Merci pour lui. Il est assez intelligent pour comprendre que s’il était le capitaine du pays du football et que le prince du Qatar avait misé 49 millions d’euros sur sa personne, lui aussi aurait peut-être confié à un journaliste qu’il préfère faire la paire avec Zoumana Camara juste parce qu’il aime bien l’appeler « Papus » .
Une paire amovible
Un débat que Carlo Ancelotti a d’ailleurs balayé d’un revers de main : « Toutes les combinaisons en défense ont été bonnes jusqu’à présent, et c’est une vraie richesse que de pouvoir compter sur trois défenseurs de ce niveau. » Lorsqu’il lève un sourcil pour s’exprimer, Carlo a souvent raison. À ceci près qu’il aurait pu préciser que ses combinaisons défensives dureraient toute la saison. Histoire que tout le monde comprenne que le PSG est désormais bien au-dessus de tout ça. En France, on y est peut-être plus tellement habitué, mais on appelle encore ça un problème de riches. Et dans son français de montreur d’ours, Ancelotti l’a parfaitement assimilé. Pour autant, s’il veut remplir ses objectifs et valider tous les zéros promis sur sa fiche de paye annuelle, le technicien transalpin sait mieux que quiconque qu’il a besoin de son groupe frais et dispos en toutes circonstances. En maître architecte, il l’a donc construit ainsi. Une, deux, voire trois équipes programmées pour contrôler le championnat, exister en Ligue des champions, tout en évitant de se planter dans un 32e de finale de Coupe de France à Gueugnon. Alors Sakho/Silva, Silva/Alex ou Alex/Sakho… et pourquoi pas Armand/Camara, tiens ? Tant qu’il y a Zlatan devant, derrière c’est détente.
En fait, le véritable problème se situe ailleurs. Dans les travées du Parc des Princes plus précisément. Car pour les résidents, Sakho c’est Paris. Planté, poussé et récolté au club. Pour eux, regarder leur protégé cirer le banc au profit de deux Cariocas qui défendent avec classe et sourire est certes un délicieux supplice, mais il n’en demeure pas moins douloureux. Pourtant, du haut de leur tribune, ils devraient voir l’horizon tel qu’il est, clair et dégagé. L’enfant roi du Parc est toujours au club, a toujours vingt-deux ans, sauf qu’il côtoie désormais le top niveau à son poste et commence enfin à s’imposer en équipe de France. Du coup, l’enjeu n’est pas tant de savoir qui sera associé ce soir à Thiago Silva pour défier Porto dans son antre, mais plutôt de savoir si, d’ici deux ou trois saisons, Mamadou Sakho et lui seront capables de museler le Real ou le Barça en finale.
Par Paul Bemer