- Coupe de la Ligue
- 8es
- PSG-ASSE
PSG – Saint-Étienne, modèles opposés
Plus que l'opposition entre deux clubs de football, PSG – Saint-Étienne est un duel entre deux modèles de développement : la marque clinquante, se voulant internationale, face à l'entité locale qui grandit à son rythme avec des moyens financiers limités.
Budget : Paris six fois plus riche que Saint-Étienne
Ce n’est pas une surprise, mais la proportion a quand même de quoi faire réfléchir. Avec la manne de QSI, le PSG ne boxe pas dans la même catégorie que les autres clubs de Ligue 1. Pour s’en convaincre, il suffit de scruter les budgets 2015-2016. Avec 490 millions d’euros, Paris est à des années-lumière du petit Poucet Ajaccio qui lutterait pour payer le seul salaire de Zlatan Ibrahimović. Le second plus gros budget de Ligue 1, Monaco, pointe à 250 millions, quasiment moitié moins que le jouet de l’émir du Qatar. Une donnée financière qui laisse à penser – et les résultats le confirment – que le club de la capitale a gagné le championnat avant même de l’avoir joué. Côté Saint-Étienne en revanche, on peut se targuer de faire souvent plus que le compte en banque ne le laisse supposer. Sixième budget du championnat avec 68 millions d’euros – une broutille pour Paris – le club stéphanois est nettement derrière Marseille ou Lyon, lesquels dépassent la centaine de millions. Et encore, la saison passée, l’écart était encore plus grand, mais n’a pas empêché les Verts de gratter la cinquième place et une nouvelle qualif en Ligue Europa.
Recrutement : Paris à l’international, Saint-Étienne en mode recyclage national
Les politiques RH du PSG et de l’ASSE découlent forcément de leurs moyens financiers. Mais au-delà de l’aspect purement économique, Paris affiche clairement une propension à recruter clinquant et « international » . Après une première campagne à l’été 2011 où cinq joueurs français (Gameiro, Douchez, Ménez, Matuidi) ou estampillé Ligue 1 (Biševac) ont débarqué, Leonardo avait appuyé sur le champignon pour bâtir une Dream Team à la saveur très brésilienne – Alex, Thiago Silva, Lucas, Marquinhos – et Serie A avec Ibra, Cavani, mais aussi Pastore, la première star du projet qatarien. Symbole de ces choix sportifs, mais aussi médiatiques, l’arrivée de David Beckham pour une pige de six mois à l’hiver 2013. Très pro, l’Anglais a même réussi à pleurer lors de son dernier match au Parc, finalisant par là même la volonté de Nasser Al Khelaïfi de scénariser la fin de carrière d’une légende du ballon dans son club. Histoire de franciser son équipe et de ne pas se couper de sa base de supporters, la direction parisienne a bien tenté quelques recrutements français, mais jusqu’à présent, seul Blaise Matuidi a vraiment tiré son épingle du jeu. Pour Layvin Kurzawa, il est encore trop tôt pour juger, quand Lucas Digne se refait une santé à Rome.
Sur la même période, l’AS Saint-Étienne a fait tout le contraire. Un recrutement essentiellement français ou Ligue 1 – si ce n’est Ligue 2 –, des indemnités de transfert qui plafonnent à 5 millions d’euros quand il s’agit d’investir sur une vraie grosse plus-value (Ruffier, Hamouma, Tabanou, Berić…). Et surtout, une promptitude à recycler des joueurs en mal de temps de jeu – Lemoine, Clément, Erding, Eysseric ou Roux –, voire ceux qui sont carrément libres. Dans ce registre, François Clerc, Vincent Pajot et Benoît Assou-Ekotto sont encore allègrement utilisés par Christophe Galtier sans même avoir coûté la moindre indemnité de transfert à Romeyer et Caïazzo. Et quand la direction stéphanoise s’en va chercher le talent à l’étranger, les considérations « marketing » sont quasi nulles, le Roumain Banel Nicolita claquant quand même beaucoup moins que l’Argentin Javier Pastore. Pour les Verts, il faut donc bien acheter pour ensuite pouvoir revendre au prix fort, comme avec Pierre-Emerick Aubameyang, racheté 1 million au Milan AC en 2011 avant de partir au Borussia Dortmund pour 13. À Paris, la seule grande plus-value de l’ère QSI concerne Mamadou Sakho, formé au club, mais revendu à Liverpool pour près de 20 millions.
Public : la marque Paris, l’étendard Saint-Étienne
Les recrutements du PSG et de l’ASSE en disent assez sur leurs ambitions en matière d’image. En arrivant à Paris, la nouvelle direction qatarienne n’a pas fait de secret de sa volonté de faire du club une marque internationale au même titre qu’un Real Madrid ou FC Barcelone. D’où d’énormes efforts sur la communication et un recrutement opéré pour toucher jusqu’en Asie. Côté parisien, l’effort porte ses fruits au Parc, avec des affluences moyennes largement en hausse depuis 2011 : 29 300 spectateurs en Ligue 1 sur la saison 2010-2011 contre 42 900 dès 2011-2012, première année de QSI. La saison passée, selon les chiffres de la LFP, Paris était quasiment en remplissage maximal de son stade, avec 45 800 spectateurs par match, et en 2015-2016, ce PSG culmine à 46 600. Sur les réseaux sociaux, le club de la capitale compte 22 millions de supporters sur Facebook et 2,86 millions de followers sur Twitter. Des chiffres qui placent Paris dans les tops 10 mondiaux, mais le laissent à distance respectable de géants comme le FC Barcelone. Quant à Saint-Étienne, c’est clairement une autre dimension, plus régionale. Les Verts n’ont ainsi que 700 000 likes sur FB et 425 000 followers. Mais le public est bien là, que ce soit au stade (32 000 spectateurs de moyenne en Ligue 1 la saison passée) ou au centre d’entraînement de L’Étrat. Une situation qui avait interpellé la recrue Benoît Assou-Ekotto cet été. Face à un PSG aux allures de multinationale, Saint-Étienne semble se contenter avec satisfaction de son image de PME locale.
Entraîneurs : Paris veut du lourd, Saint-Étienne mise sur la stabilité
Paris a toujours eu la bougeotte avec ses entraîneurs. Crise de résultats ou image pas assez glamour, un entraîneur du PSG est constamment sur la sellette. Mais avec la reprise du club par QSI, la tendance a été exacerbée : en janvier 2012, Antoine Kombouaré a ainsi été remercié malgré une place de leader, car on lui reprochait l’échec en Ligue Europa. Officiellement. Dans les faits, Paris voulait un plus gros pedigree, Carlo Ancelotti, afin de pouvoir passer la seconde question recrutement de stars. L’arrivée du package Ibra-Thiago Silva n’est pas étrangère à la présence d’un entraîneur vainqueur de Ligue des champions. Depuis que l’Italien est parti, Laurent Blanc a d’abord été présenté comme un choix par défaut avant que ses résultats ne le confortent. Mais nul doute qu’à la moindre baisse de forme, la direction n’hésitera pas à le remplacer par un technicien au nom plus ronflant. À Saint-Étienne en revanche, on garde le même entraîneur depuis 2009. Arrivé comme adjoint d’Alain Perrin, Christophe Galtier n’a plus bougé du banc depuis qu’il est devenu le numéro 1 au renvoi de son binôme. Et à moins qu’il ne soit recruté par un plus gros club, il devrait rester encore un bon bout de temps le cul posé sur le banc stéphanois. Un entraîneur qui symbolise assez bien le projet des Verts : la stabilité.
Trajectoires : Paris n’a pas le temps, Saint-Étienne va doucement
À l’arrivée de QSI, et en réaction aux premières vannes de Leonardo sur le manque de professionnalisme français, René Girard avait alors exprimé tout bas le sentiment de la Ligue 1 : « C’est facile de faire le cake quand il suffit de presser la manette. » L’entraîneur de Montpellier à l’époque ne savait peut-être pas qu’il ferait un beau pied de nez aux Parisiens en remportant le titre au mois de mai. Paris s’est rattrapé depuis avec 3 titres de champion et autant de quarts de finale européens, sans oublier le triplé national la saison passée. Si Paris a rapidement passé les premiers paliers – domination nationale, vraie compétitivité continentale – il butte aujourd’hui sur les dernières marches. Car en dépit d’un niveau de jeu convaincant, d’une maîtrise souvent évidente, et de la présence de quelques monstres – Verratti, Ibrahimović -, ce PSG-là apparaît encore un gros cran en dessous d’un FC Barcelone ou d’un Bayern Munich, comme toutes les autres équipes européennes, au passage. Or, si QSI est venu placer ses billes à Paris, c’est pour dominer l’Europe, pas jouer les sparring-partners des meilleurs. Un statut qui conviendrait fort bien à l’ASSE. Depuis sa remontée en Ligue 1 en 2004, les Verts se reconstruisent patiemment, mais avec des progrès continus. Un peu comme le Grand Lyon des années 2000, si la comparaison est supportable pour les supporters stéphanois. Habitués des joutes européennes depuis trois saisons, les hommes de Christophe Galtier y affichent des progrès réguliers : élimination en tour préliminaire en 2013-2014, parcours laborieux en poules en 2014-2015, et enfin une qualification relativement sereine cette saison. La prochaine étape pour le club du Forez consiste à s’incruster en Ligue des champions, puis d’y prendre un abonnement. Et il sera alors intéressant de voir si l’ASSE exploite mieux la manne financière de la C1 que n’ont su le faire par le passé Lille, Marseille ou encore Montpellier.
Par Nicolas Jucha