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« À Paris et à Marseille, il y a une pression quotidienne »
Pression médiatique, relations parfois tourmentées avec les supporters, crises de résultats... Les postes de président du PSG et de l'OM ne sont pas de tout repos. Christophe Bouchet, Laurent Perpère et Alain Cayzac reviennent sur leurs expériences à la tête des deux mastodontes du football français à quelques heures du Classique.
Casting
- Christophe Bouchet, président de l’OM entre 2002 et 2004
- Laurent Perpère, président du PSG entre 1998 et 2003
- Alain Cayzac, président du PSG entre 2006 et 2008
En quoi la fonction de président du PSG ou de l’OM diffère-t-elle d’autres clubs ?
Laurent Perpère : D’abord, Paris et Marseille ont une grosse exposition médiatique, et Paris encore beaucoup plus que Marseille. À Paris, la pression vient du fait que, comme vous pouvez le constater, chaque jour Le Parisien fait deux pages sur le PSG, L’Équipe fait une page, voire plus… Il n’y a aucun autre club qui soit comme ça. Quand vous regardez France Football ou d’autres, les Unes qui marchent c’est Paris, Paris, Paris et éventuellement un peu Marseille, le reste…Pfff.
Christophe Bouchet : Aujourd’hui en France, il y a deux clubs : le PSG et l’OM. Il n’y a pas photo. Il y a une pression quotidienne qui n’est pas du tout la même que pour n’importe quel club. Ce qui change tout entre ces clubs-là et les autres, c’est que vous êtes observé en permanence et par tout le monde : les supporters, le grand public, les médias. Ce sont les clubs qui intéressent à l’extérieur, donc ils en ont le revers de la médaille, on cherche un peu à savoir quelles sont les histoires internes. J’ai été vice-président du Tours FC, on sent toujours qu’il y a une petite pression qui s’exerce, mais à Marseille, plus qu’à Paris d’ailleurs, c’est compliqué de sortir de chez soi, d’aller acheter son pain, faire ses courses ou aller au cinéma. Tout cela est légitime, il ne faut pas s’en plaindre, mais les gens ont besoin de savoir, d’être renseignés. Il faut prendre des précautions, les supporters sont très directs, voire véhéments. Que ce soit positif ou négatif, c’est toujours exubérant.
Alain Cayzac : Vous passez facilement de héros à zéro, si vous gagnez vous faites le bonheur de X millions de fans, si vous perdez vous faites leur désespoir. Ça n’a pas que du négatif, même s’il y a des moments très durs. Ça évite de s’ennuyer. (Rires.)
Justement, les supporters ont un certain poids au sein des deux clubs. En quoi le contexte est-il différent de ce point de vue entre Paris et Marseille ?
CB : Quand vous êtes à l’OM, vous êtes un peu porteur des valeurs supposées de la ville, du club, etc. Ça s’exerce beaucoup plus qu’à Paris. La danse du ventre de Mbappé, il ne l’aurait pas faite à Marseille à mon avis, il n’aurait pas osé le faire. C’est la différence entre Paris et Marseille, il n’aurait pas eu le cran à Marseille.
LP : Marseille a quelque chose qui est énorme, c’est la pression des supporters et la place de l’OM dans la ville. Le PSG, c’est bien sûr le club de foot de Paris, mais il y a d’autres choses que le PSG dans Paris, d’autres offres sportives, culturelles, etc. Alors que l’OM prend une place considérable. On avait l’habitude de dire que les trois postes les plus importants à Marseille, c’est maire de la ville, président de l’OM et président du Provençal. La place des supporters est incomparablement plus importante à Marseille.
AC : J’ai toujours eu de bons contacts avec les supporters. Il y avait une minorité que je n’appelle pas des supporters au sein de la tribune Boulogne et qui ont été à l’origine du drame avec M. Quemener (le supporter parisien tué le 23 novembre 2006 en marge de PSG-Hapoël Tel Aviv, NDLR). En dehors de ça, les patrons des différentes associations venaient dans mon bureau, je ne les fuyais pas. Je suis même allé plusieurs fois dans le local des Supras Auteuil. Des différences à Marseille ? Ils sont beaucoup plus soucieux de connaître tout sur le club, de s’immiscer dans les affaires du club.
Au-delà de leur rivalité sportive, cette particularité des deux clubs ne les rapproche-t-elle pas d’une certaine manière ?
CB : Les dirigeants des deux clubs ne s’entendent pas toujours, mais ils se comprennent assez bien. Ne serait-ce que sur les problématiques de sécurité, de déplacement des supporters. Quand vous vous déplacez avec Sochaux, c’est moins prégnant. Le collègue que j’ai le plus fréquenté au Paris Saint-Germain, c’est Francis Graille. On se parlait quasiment toutes les semaines. On avait des problématiques communes, on essayait d’avoir les mêmes longueurs d’onde dans les instances, et puis on avait une relation de confiance très forte.
AC : J’avais d’excellents rapports avec (Pape) Diouf. On avait bien admis que la rivalité existait et qu’elle était presque souhaitable. J’ai vécu les débuts de cette rivalité du temps de Canal+ et de Bernard Tapie, où elle a été un peu orchestrée pour rendre le championnat intéressant. Je souhaite qu’on ne confonde jamais l’Olympique de Marseille avec les Marseillais. Que le PSG dise du mal de l’OM ou l’inverse, c’est normal, c’est la règle du jeu. Mais il ne faut pas que ça devienne une guerre des villes. Quand on insulte l’OM, je ne peux pas dire que je suis dévasté, mais pas les Marseillais, c’est très différent.
D’un point de vue sportif, comment voyez-vous le Classique de ce dimanche ?
LP : Je trouve que Paris a une équipe très solide, très cohérente, avec un très bon entraîneur. J’ai vu le match de Marseille contre l’Ajax où ils ont été assez remarquables de courage. Marseille a sûrement envie de montrer que malgré tout, ils sont une équipe, donc ça fait un contraste intéressant. Mais je ne sais pas si le courage et le talent de certains joueurs de Marseille suffiront face à l’espèce d’assurance qu’est en train de gagner le PSG.
AC : Je trouve que la rivalité se perd un peu. Je me souviens quand (Vahid) Halilhodzic était entraîneur, le jour du match le président (Francis) Graille faisait un petit topo, et Vahid voulait absolument que je prenne la parole, spécialement pour le match de Marseille. Paris est plutôt favori, mais ça ne veut rien dire, on a vu les minots venir faire 0-0 au Parc des Princes. Avec ce qu’il s’est passé cette semaine, Marseille et son nouvel entraîneur intérimaire (Pancho Abardonado, NDLR), qui est un battant, auront à cœur de faire un match sérieux, agressif.
CB : Le Classique a perdu de son importance sportive depuis dix ans. On ne peut pas comparer un club détenu par un État avec des moyens illimités et les autres clubs du championnat, Marseille y compris. Il reste la légende, le folklore, l’affrontement entre la capitale et le reste de la France, entre le pouvoir central et le peuple. Ce sont des ressorts assez forts, mais sur le plan sportif, le débat est assez limité.
Les deux clubs ont plusieurs fois connu des situations compliquées sur le plan extrasportif, comme c’est le cas de l’OM cette semaine. Quel peut être le rôle d’un président dans ce type de situation ?
LP : Demandez à Longoria. (Rires.) Le président essaie de représenter l’institution, cela dit c’est parfois un peu compliqué si l’institution est elle-même mise en question. Comment aborder ce match dans ce contexte ? Quand vous n’êtes pas familier du vestiaire, vous ne savez pas ce qui se passe et quels sont les ressorts. Les joueurs peuvent y être totalement indifférents ou considérer qu’ils ont des choses à prouver en dehors des perturbations extrasportives ou bien ils peuvent être emmenés là-dedans.
AC : Le rôle d’un président est double. D’abord, de garder ses nerfs. Il faut être préparé au fait que c’est un métier où il y a 95% d’emmerdes et 5% de plaisir. Moi, j’avais dit à ma femme : « Ça se passera mal un jour, mais je ne sais pas quand… » Et deuxièmement, il faut communiquer. Je n’ai pas toujours appliqué ça à la lettre et j’ai eu un peu tort, mais je pense qu’il faut communiquer surtout quand ça ne marche pas. Un jour, il y a eu un sondage dans L’Équipe : la plus grande qualité de Cayzac ? La communication. Son principal défaut ? La communication. C’est un dur métier, mais un métier fascinant.
CB : Si on prend la situation actuelle, c’est quand même un peu le président qui a mis le oaï. J’ai eu un peu de mal à suivre sa démarche intellectuelle depuis quelques jours. Il y a une certitude, c’est qu’il faudra que le président de l’OM, quel qu’il soit, continue à faire avec les supporters. Il n’y a pas le choix, pas d’autre possibilité. Il n’y a pas de portrait-robot pour être président de l’OM. Si on prend les trois derniers, ils n’ont pas beaucoup de points communs. Ce qu’il manque depuis plusieurs années à l’OM, c’est d’avoir une forme de stabilité dans la stratégie. Je ne pense pas que le turnover permanent puisse aboutir à quelque chose de positif.
Propos recueillis par Tom Binet