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PSG-OM 1992 : « Ce match, je ne le montrerai pas à mon fils »

Propos recueillis par Alexandre Aflalo et Adrien Hémard
PSG-OM 1992 : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Ce match, je ne le montrerai pas à mon fils<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le 18 décembre 1992 se déroule au Parc des Princes ce qui est devenu la hantise de la Ligue de football professionnel : un match à haut risque en tribunes, en raison de la rivalité naissante entre le PSG et l'OM. Sauf que ce jour-là, ce n'est pas entre supporters, mais directement sur le terrain, entre joueurs, que la castagne va avoir lieu. Le bilan est sans appel : 55 fautes, dont 33 en première période, (seulement) 6 cartons jaunes et un match qui deviendra l'un des « Classiques » les plus mémorables de l'histoire. À la veille de la 101e confrontation entre Parisiens et Marseillais, récit d'une soirée de boxe avec ceux qui l'ont vécue.

Le casting

Éric Di Méco, ancien arrière gauche de l’OM (1980-1994), qui a miraculeusement traversé ce match sans prendre de rouge.

Charles Biétry, ancien directeur des sports de Canal+ et au commentaire du match.

Laurent Fournier, ancien milieu du PSG (1991-1994 et 1995-1998), punching-ball d’Éric Di Méco pendant une soirée.


Quinze jours avant le match, quand j’allais chercher le pain ou mon gamin à l’école, les mecs me montaient le mou. D’ailleurs, le premier qui pète les plombs sur le terrain, c’est moi.

Le contexte : une déclaration qui avait mis le feu aux poudres

Charles Biétry (CB) : Je commentais le match avec Thierry Gilardi, dans mon rôle habituel de consultant. Des grands matchs comme ça, on en avait chaque semaine donc, au départ, ça n’avait rien n’exceptionnel. Ça aurait pu être un match totalement ordinaire.

Laurent Fournier (LF) : Le contexte était quand même particulier. Paris qui montait en puissance, Marseille était un club important sur la scène européenne, il fallait être le plus performant possible. Pour avoir joué à Marseille la saison d’avant, quand on était venus au Parc, Paris était 10-12e, il y avait moins de monde, moins d’effervescence. Là, ça commençait à monter entre les deux clubs. Et ces déclarations dans les journaux (Artur Jorge avait déclaré dansL’Équipeque Paris voulait « marcher » sur l’OM, NDLR)… ça ne servait pas à grand-chose, honnêtement.

Éric Di Méco (EDM) : En décembre 1992, le PSG est déjà notre concurrent depuis un moment. C’est le début des années Canal, on sent que le club passe dans une autre dimension. On est l’adversaire désigné. À Marseille, on joue sur le fait qu’ils deviennent grands, ambitieux. D’ailleurs, comme ils disent, ils veulent nous « marcher dessus » . Cette déclaration met le feu aux poudres. Je vivais à Marseille et déjà 15 jours avant le match, quand j’allais chercher le pain ou mon gamin à l’école, les mecs me montaient le mou. D’ailleurs, le premier qui pète les plombs sur le terrain, c’est moi.

L’avant-match : atmosphère électrique et ennemis d’un soir

CB : À l’échauffement, on ne sent rien de spécial. Justement, si on a été surpris par le déroulement du match, c’est parce qu’on n’avait pas senti avant qu’on était au bord de quelque chose d’anormal. À l’époque, Canal entrait dans les vestiaires. Tous les joueurs sont très concentrés, il n’y a aucune plaisanterie. Ils savent tous qu’ils ont un gros match à jouer. Mais je n’ai pas le souvenir d’avoir ressenti une agressivité, une tension particulière.

EDM : Et pourtant, il n’y a pas une préparation normale sur ce match. Tapie était chez lui à Paris, c’était un match particulier pour lui. Il nous a toujours mis beaucoup de pression, il trouvait toujours une bonne raison pour que le match soit particulier. Il commençait à nous manger le cerveau quelques jours avant. Ce soir-là, il s’est servi de la phrase d’Artur Jorge, et du fait qu’on était derrière eux au classement. Il avait la faculté de parler à chacun différemment, en fonction du caractère. Quand il venait me voir, j’étais en transe.

« Monsieur l’agent, je veux bien qu’il y ait eu quelques fautes, mais les lacrymo c’est pas un peu disproportionné ? »

C’était des matchs qu’on préparait comme des matchs de Coupe d’Europe. On savait qu’on était en retard au niveau ambition, expérience sur des matchs comme ça, mais on voulait côtoyer les meilleurs. Et les meilleurs, c’était Marseille.

LF : En plus de ça, il y avait une grosse ambiance. Les stades à l’époque étaient colorés, l’ambiance était énorme, les supporters avaient plus de droits, les supporters adverses pouvaient se déplacer… Quand vous jouiez au Parc, à Sainté, Lyon, Bordeaux, c’était un tel spectacle qu’il fallait être présent sur le terrain et tout donner.

EDM : Le Parc s’est calmé depuis, mais c’était chaud, hein. Quand tu arrives dans ce stade, tu ne touches plus terre. C’était un beau stade bruyant avec un public proche, très chaud. C’était le pied d’aller jouer au Parc !

LF : C’était des matchs qu’on préparait comme des matchs de Coupe d’Europe. On avait tous envie de battre les Marseillais, parce qu’on était les outsiders. La motivation était là, la détermination était là. On savait qu’on était en retard au niveau ambition, expérience sur des matchs comme ça, mais on voulait côtoyer les meilleurs. Et les meilleurs, c’était Marseille.

EDM : Si on croisait un joueur parisien, malgré le fait qu’on se connaisse des Bleus, hors de question qu’on parle avant le match. La première rencontre devait se faire dans le tunnel. J’étais très pote avec Alain Roche, à l’OM on jouait aux boules ensemble, mais dès le tunnel, on se regardait, on ne se serrait pas la main. On s’interdisait de fraterniser. C’était le début du combat de boxe quoi, le problème, c’est que ce jour-là, ça a continué sur le terrain.

À la 3-4e faute, là on comprend que ce n’est plus la même chose, qu’on ne va pas voir un match de foot, mais un combat de boxe.

Le match : sur le terrain, l’incontrôlable escalade de la violence

EDM : Ce match, je l’ai rarement revu en entier, parce que ce n’est pas un grand match à regarder techniquement. J’ai revu les 20 premières minutes qui traînent sur internet. Dès que le ballon touche le sol, il y a un attentat de chaque côté.

LF : Je savais que les mecs en face n’allaient pas nous faire de cadeau. Pour les avoir côtoyés, ils donnaient tout pour leur club et vu les déclarations, en disant qu’on allait leur marcher dessus, je savais que ça allait pas être possible. Il fallait être prêt.

CB : À la 3-4e faute, là on comprend que ce n’est plus la même chose, qu’on ne va pas voir un match de foot, mais un combat de boxe. Je suis très vite choqué parce que j’aime le foot, et là ce sont des agressions plus que des fautes. Aux commentaires, ça devient difficile parce que le plaisir n’est pas pour aujourd’hui. Le commentaire habituel, il faut le remettre dans sa poche parce qu’on est à la limite du commentaire de MMA quoi, il faut maintenant passer au fait qu’on va avoir un spectacle de violence.

EDM : J’ai un premier ballon qui me tombe dans les pieds, et là, Fournier vient me mettre le pied sur le genou ou pas loin. Comme j’ai toujours préféré être le boucher plutôt que l’agneau, je dois montrer à Lolo que le boucher c’est bien moi, et que je ne serai pas son agneau. J’encaisse le premier coup et je surenchéris ensuite avec ce fameux tacle où je pars de 20 mètres, les deux pieds en avant. Pendant longtemps, j’étais contrarié par ce tacle. Aujourd’hui, il me fait rire parce qu’il me donne une place particulière dans le cœur des jeunes marseillais qui ne m’ont jamais vu jouer.

Je n’en ai jamais voulu à Éric pour ce match. Certaines équipes se porteraient bien mieux aujourd’hui avec des mecs qui respectent autant et donnent autant pour leur club.

LF : Ce tacle, il est spectaculaire parce qu’il est les deux pieds décollés, mais tout le monde mettait de l’engagement. Avec Éric, on était tous les deux des compétiteurs, on ne voulait rien lâcher. Il y avait de l’engagement, mais dans le respect, on ne voulait pas faire mal, on voulait donner le meilleur de soi-même pour son club. J’ai joué sereinement parce que je savais que les mecs en face respectaient l’adversaire. Ça a dérapé dans le bon sens du terme, tout le monde avait envie de défendre son club, mais pas de blessure, pas de rouge. Le contexte valait ça. Je n’en ai jamais voulu à Éric pour ce match. Certaines équipes se porteraient bien mieux aujourd’hui avec des mecs qui respectent autant et donnent autant pour leur club.

CB : De mon côté, en tribunes, je ressens un malaise, je me sens un peu honteux. Dès que le ballon touche le sol, chaque choc est entaché d’une faute, de violence, de méchanceté. On n’est plus là pour voir qui va mettre le but et comment, mais qui va finir vivant.

LF : Et pourtant, sur le terrain, on se respectait énormément. Ce n’est jamais parti dans les insultes, on se connaissait.

Di Méco-Fournier, round 1.

EDM : Mon duel avec Fournier, c’est les circonstances du match. Mon adversaire désigné, c’était David Ginola. Tapie m’a monté le mou sur lui, alors qu’on était très potes en équipe de France, et qu’on l’est toujours aujourd’hui. C’était la star, celui qui représentait mieux le PSG avec son côté flamboyant. Moi, j’étais le sale gosse teigneux qui lui mordait les mollets et qui voulait lui marcher dessus. Notre duel, c’est presque un résumé de PSG-OM, la belle Paris et ses monuments, et Marseille la rebelle, moquée, sous-estimée.

Quand je croisais l’arbitre après, j’avais honte de ce match, on lui a fait vivre une soirée d’enfer, peuchère.

CB : Quand même, pour Monsieur Girard (l’arbitre de la rencontre, NDLR), ça doit être un drôle de souvenir, dans quelle galère on l’a mis, le pauvre… C’était difficile à arbitrer : il tournait la tête à gauche, il y avait un mauvais coup, il tournait la tête à droite, il y en avait un autre…

EDM : Je crois que les capitaines avaient été convoqués par Monsieur Girard à la mi-temps. C’était un homme délicieux et gentil. Quand je le croisais après, j’avais honte de ce match, on lui a fait vivre une soirée d’enfer, peuchère… Bon, et puis après notre but, ils s’éteignent. On gagne sur ce but, derrière ça se calme au niveau des fautes. La qualité du match ne monte pas d’un cran, mais ça redevient regardable.

CB : Forcément, c’est plus calme en seconde période. D’ailleurs, je ne me souviens d’aucune image de ce second acte. Pour une fois, je suis parti dès qu’on a fini la retransmission, alors que normalement, j’étais le dernier à quitter le stade. J’étais triste, je n’avais pas envie de disserter sur le match.

La postérité : un match fondateur dans la rivalité entre Paris et Marseille

LF : C’était les premières confrontations entre le PSG de Canal et l’OM de Tapie, entre deux futurs champions d’Europe (la C1 pour l’OM en 1993, la C2 pour Paris en 1996) qui étaient l’ossature aussi de l’équipe de France. C’est ça aussi qui fait que ce match est resté dans les mémoires : autant le contexte que la qualité des joueurs sur le terrain. S’il fallait le refaire, je referais pareil, c’était des matchs sur lesquels on avait envie d’être présent, même si on a forcément des regrets sur la défaite.

EDM : J’ai quand même dit que je ne montrerai pas ce match à mon fils parce que si tu veux lui donner l’amour du foot, du jeu, tu ne lui montres pas ça.

Quand j’ai commencé le foot dans les années 1980, la relation PSG-OM était saine, pacifiée, voire fraternelle. Le président Borelli avait une histoire particulière avec Marseille. C’étaient des matchs normaux. Ça commençait à monter, mais sur le terrain, la rivalité prend date à partir de ce match de décembre 1992.

CB : Avec le recul, ce match a surtout exacerbé la rivalité PSG-OM. Les conséquences sont néfastes, et on les traîne encore aujourd’hui. On peut dire qu’il y a eu un avant et un après, parce que ça a excité les supporters, ça a excité les dirigeants, et ça a excité les médias.

EDM : Quand j’ai commencé le foot dans les années 1980, la relation PSG-OM était saine, pacifiée, voire fraternelle. Le président Borelli avait une histoire particulière avec Marseille. C’étaient des matchs normaux. Puis j’ai vu l’évolution, entre ce fameux match de 1989 où on gagne le titre au Vélodrome, mais là on reste encore sur du football. Il y avait eu un match chaud en 1991, parce qu’on s’était fait caillasser le bus au Parc. Chris Waddle était assis à côté du chauffeur à la place du guide, il avait pris une boule de pétanque. Tapie était sorti de sa voiture pour gueuler. Ça commençait à monter, mais sur le terrain, la rivalité prend date ce match de décembre 1992.

LF : Mon seul regret, ce sont les déclarations dans les journaux qui ont envenimé les choses. Sans cette pression mise au niveau de la presse, on aurait pu voir un match avec de l’agressivité, mais aussi avec une grande qualité technique.

Art abstrait.

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