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PSG, Neymar et Darmanin : ce qu’il faut retenir
Pour éviter de payer des taxes supplémentaires lors du transfert de Neymar en 2017, le PSG a dû contourner les règles et profiter de l'appui de Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics. Huit ans après, la mise en examen d'un ancien membre du club entraîne une valse de révélations gênantes au niveau sportif et politique.
1. Le transfert de Neymar est bien le casse du siècle
Teint hâlé, sourire Colgate et cérémonie de rigueur, quelques mois après avoir fait pleurer le Paris Saint-Germain à Barcelone, Neymar affiche sa fierté de rejoindre la capitale française au cours de l’été 2017. À 25 ans (oui, oui), il a tout pour devenir le meilleur joueur du monde, prendre la succession de Messi et Ronaldo, mais surtout inscrire le nom de son nouveau club sur le trophée de la Ligue des champions qu’il a déjà remportée en Catalogne. Le PSG a déboursé 222 millions d’euros pour s’offrir les services du Brésilien, presque rien pour atteindre son objectif et se venger du pseudo-rival barcelonais. Surtout que la somme aurait pu être bien plus élevée sans une « légère » ristourne de la part de l’administration française à propos des taxes. Celles-ci devaient coûter entre 67 et 224 millions d’euros, d’après les révélations de Mediapart, mais seront réduites à néant par un jeu dangereux visant à établir le véritable casse du XXIe siècle.
2. Gérald Darmanin a fait une sacrée faveur au PSG
Il fallait s’entourer des meilleurs pour mener à bien ce hold-up. On retrouve au sein de cette troupe Gérald Darmanin, alors ministre de l’Action et des Comptes publics. Sollicités par Jean-Martial Ribes, directeur de la communication du club jusqu’en 2022 et mis en examen en décembre dernier, l’ancien maire de Tourcoing et son cabinet doivent trouver l’astuce qui éviterait au PSG de payer ces lourdes taxes en marge du transfert de Neymar. Alors que le temps presse et que Gerard Piqué met la pression avec son message « Se queda » qui vieillira mal, un « mémo ultraconfidentiel » circule entre le ministère et les bureaux du Paris Saint-Germain. « Dans ce document, il est demandé que le financement de la clause de buy out par le PSG ne soit pas assujetti aux cotisations de sécurité sociale française et ne supporte pas l’impôt sur le revenu », indiquent les policiers dans le rapport publié par Libération. En somme, d’un point de vue fiscal, l’administration considère le paiement de la clause libératoire de Neymar, n’existant pas dans le droit français, comme un transfert. Dans la foulée, le fisc et l’Urssaf d’Île-de-France annoncent au club qu’il n’y aura ni impôt ni cotisations sociales. La fête peut débuter, et c’est Darmanin qui ouvre les hostilités en se félicitant au micro de France Inter : « Il vaut mieux que ce joueur de football paie ses impôts en France qu’il les paie ailleurs. »
3. Les barbouzes sont nombreuses
Celui qui est, depuis, devenu ministre de l’Intérieur n’est pas le seul à tremper dans cette affaire. « Un barbu, c’est un barbu. Trois barbus, c’est des barbouzes », soufflerait sûrement Lino Ventura. Ici, ce ne sont pas des espions aux surnoms loufoques qui sont mis en cause, mais de nombreux (anciens) membres du club parisien et du pouvoir politique. Mis en examen, principalement pour corruption et trafic d’influence, Jean-Martial Ribes est le nom qui revient le plus fréquemment dans les récentes révélations. Pour parvenir à ses fins, il aurait contacté son ami Hugues Renson, député macroniste jusqu’en 2022 et vice-président de l’Assemblée, qui n’est autre que le chaînon essentiel pour solliciter Gérald Darmanin. D’après Mediapart, Hugues Renson précise que les « supérieurs » du ministre, c’est-à-dire le « président » et son équipe, sont également impliqués. Jérôme Fournel, directeur du cabinet du ministère de l’Action et des Comptes publics, est en lien avec le directeur général du PSG de l’époque, Jean-Claude Blanc, et est surtout celui qui propose différentes pistes au club pour éviter les cotisations sociales. Enfin, Charlotte Casasoprana, ancienne collaboratrice de la présidence de la République sous le mandat de François Hollande, est citée dans le rapport de police pour avoir obtenu des places au stade et des maillots de Zlatan Ibrahimović et Ángel Di María, directement livrés à l’Élysée. On est finalement plus proche d’Ocean’s Eleven que des Barbouzes.
4. Des récompenses à la pelle
Après avoir orchestré ce casse, Hugues Renson, grand supporter du Paris Saint-Germain, a vu Jean-Martial Ribes le remercier pour service rendu. Dès le 5 août 2017, ses fils ont la chance d’accompagner les joueurs parisiens sur la pelouse du Parc des Princes pour la réception d’Amiens, en marge de la présentation de Neymar à son nouveau public. Pour l’anniversaire d’un des deux garçons, le député reçoit une photo de celui-ci avec le Brésilien, dédicacée par le joueur. En septembre 2017, le directeur de la communication l’invite aux rencontres du PSG contre Lyon et le Bayern Munich en Ligue des champions. D’après L’Équipe, il brigue un poste au sein du club et, même s’il ne l’obtient pas, reste en contact intime avec l’ancien responsable de la communication pour évoquer la Super Ligue, les droits TV ou encore le feuilleton Mbappé. Côté évolution, Gérald Darmanin est, depuis, devenu ministre de l’Intérieur alors que son bras droit, Jérôme Fournel, est à la tête des… Finances publiques. Neymar est le moins bien loti avec des blessures en cascade lors de son passage dans la capitale et un transfert vers l’Arabie saoudite, en signe de désaveu après avoir failli à ses promesses de 2017.
5. Un dossier loin d’être fermé
Près de huit ans après ce transfert, les relents nauséabonds n’ont pas encore atteint la surface. La mise en examen de Jean-Martial Ribes et les révélations actuelles doivent évidemment faire trembler les personnes citées au fil des documents. Cette affaire des barbouzeries s’inscrit d’ailleurs dans le cadre de l’information judiciaire ouverte à l’automne 2022 et confiée au juge Serge Tournaire contre le lobbyiste Tayeb Benabderrahmane et l’ex-policier devenu salarié du Paris Saint-Germain Malik Nait-Liman. Accusé par Nasser al-Khelaïfi d’avoir voulu le faire chanter, le premier a été condamné à mort au Qatar. Entre alliances et vengeances, le film à gros budget fait saliver. Neymar, acteur principal, ne sera sans doute pas le seul à tomber.
Par Enzo Leanni