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PSG : Mbappé, l’éloge de la déraison
Il est finalement resté. Lui, c’est Kylian Mbappé. En fin de contrat en juin prochain au PSG, l’attaquant de l’équipe de France était convoité par le Real Madrid qui aurait proposé jusqu’à 200 millions d’euros au club de la capitale dans les dernières heures du mercato pour enrôler celui qui, dès le 1er janvier prochain, pourra discuter et signer dans le club de son choix. Paris le sait. Le jeu en valait la chandelle, visiblement. Vraiment ?
« Irrationnel. Adjectif ; qui ne relève pas de la raison, qui lui est contraire. Synonyme : absurde, irréfléchi, illogique, déraisonnable. » Quel est le comportement le plus irrationnel : proposer 200 millions d’euros pour un joueur gratuit dans quatre mois ou refuser ces mêmes 200 millions pour un attaquant qui peut signer dans le club de son choix, sans indemnité de transfert, dans quatre mois ? L’irrationnel s’est clairement invité à la table des négociations entre le PSG et le Real Madrid concernant l’avenir immédiat de Kylian Mbappé. Voilà de longs mois que la direction parisienne tente, jusqu’ici en vain, de prolonger le bail de Kylian Mbappé au Paris-SG. Sous contrat jusqu’au 30 juin 2022, le numéro 7 de la capitale peut, le 1er janvier prochain, discuter-prendre langue-négocier-signer avec le club de son choix afin de le rejoindre, gratuitement, moyennant une grosse prime à la signature dans sa poche, le 1er juillet 2022. Autrement dit, le Real Madrid peut s’offrir les services d’un attaquant hors norme, de 23 ans, sans verser le moindre euro au Paris-SG. À l’inverse, le PSG peut voir l’un de ses meilleurs joueurs partir renforcer un concurrent direct au sacre en C1 sans récupérer le moindre centime pour, ensuite, tenter de le remplacer au mieux. C’est ce risque, immense d’un point de vue sportif, désastreux en matière d’images et délicat économiquement en période de crise sanitaire, que Doha a décidé de prendre en refusant les offres madrilènes.
Pareto plutôt que Nash
Après tout, le PSG n’aurait pas souhaité composer avec ce regret. Ce fameux « What if ». Quand vous avez dans vos rangs, contractuellement, Messi, Neymar et Mbappé, il est trop tentant de les aligner ensemble pour voir ce que cela peut donner plutôt que de s’endormir chaque soir avec le regret de ne pas avoir essayé. Doha voulait absolument essayer, par curiosité sportive dans un premier temps, mais surtout pour enfin tenter de gagner cette satanée Ligue des champions. Le PSG a-t-il l’assurance d’aller au bout avec ce trio ? Pas du tout. Il peut même faire moins bien que les années précédentes, mais dans ce monde irrationnel, le PSG a préféré regarder la situation à travers le prisme de l’optimum de Pareto (maximisation des gains, mais aussi des incertitudes) plutôt que d’assurer l’équilibre de Nash (faible incertitude, faible gain, forte probabilité). On appelle ça une prise de risque. Pas vraiment financière, puisque le PSG est adossé à une puissance étatique, ce qui lui permet de refuser 200 millions sans que cela mette en péril le futur du club, mais c’est surtout d’un point de vue médiatique que ce refus semble risqué. L’issue de cette saison déterminera si ce refus est un coup de génie ou une connerie sans nom, car le PSG peut rapidement se retrouver à la place du con : ne pas gagner la C1 et perdre Mbappé sans indemnité de transfert.
La prolongation, cette arlésienne
Concrètement, la position du PSG, qui a clairement dit au Real Madrid de remballer sa carte bancaire, pourra être vue comme une réussite si et seulement si le club réussit enfin à prolonger le bail de son joueur (peu de chance) et/ou s’il parvient à remporter la C1. C’est un défi immense qui se présente face à Mauricio Pochettino et son armée d’habits trop serrés. La C1 ne s’achète pas (enfin, pas officiellement) et se joue sur des détails et des aléas sportifs permanents (blessures, suspensions, arbitrage, momentum, chance, conditions climatiques, etc.). Il faut donc réussir le coup parfait sur une fenêtre de tir unique semée d’embûches. C’est un challenge aussi relevé qu’excitant car il est sans filet. Un one shot.
Dans cette histoire, c’est finalement Kylian Mbappé le mieux loti. Depuis le 1er septembre, le voilà de nouveau seul maître à bord de son destin. Au fond de lui, il y a forcément cette curiosité de jouer avec Lionel Messi et Neymar pendant une saison. Il est bien trop amoureux de ce sport pour ne pas en avoir envie. Surtout qu’au bout de cette saison, il y a son rêve. Celui de rejoindre le Real Madrid qui, quoi qu’il arrive, reviendra à la charge. Et dans ce bal des prétendants, le 1er janvier prochain, ils seront nombreux à officiellement venir lui présenter leurs vœux en dehors de l’ogre madrilène. Lui n’aura plus qu’à choisir. Contrairement au PSG, Mbappé a le temps. Mais comme le football est irrationnel, il n’est pas interdit non plus de rêver à une prolongation, même courte, de l’attaquant dans la capitale. Cette fameuse prolongation qui n’arrive pas et qui ferait pourtant le bonheur du PSG, mais aussi de Monaco qui espère récupérer ce bonus de 35 millions en cas de vente ou de prolongation. Le cas échéant, se posera alors la question de savoir si le PSG est capable de refuser une nouvelle fois une offre astronomique concernant son attaquant. On serait tenté de répondre par l’affirmative parce que si le PSG est bien constant dans un domaine depuis 2011, c’est celui de l’irrationalité.
Par Mathieu Faure