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PSG-Manchester City, la guerre du Golfe 2.0

Par Adrien Hémard
PSG-Manchester City, la guerre du Golfe 2.0

Pour la deuxième fois depuis leurs rachats respectifs, le PSG et Manchester City vont croiser le fer en Ligue des champions. Une demi-finale aux airs de derby du Golfe entre le Qatar d’un côté, et les Émirats arabes unis de l’autre. Le tout dans un contexte de timide détente entre les deux États, voisins, mais rivaux, après trois années de profonde crise diplomatique.

D’un côté, le Paris Saint-Germain, propriété depuis 2011 de Qatar Sport Investment (QSI), relié directement à l’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani. De l’autre, Manchester City, passé sous pavillon émirati en 2008 via le cheikh Mansour et l’Abu Dhabi United Group. Au milieu : une place en finale de Ligue des champions en jeu. Mais pas que. Car entre le PSG et City, c’est bien plus qu’un match de football qui se joue ce mercredi, entre deux clubs aux mains d’États du Golfe rivaux depuis leurs naissances en 1971, date à laquelle le Qatar a refusé d’intégrer la Fédération des Émirats arabes unis (EAU). Depuis, les deux pays se tirent la bourre, et parfois plus, ce qui fait de cette demi-finale de C1 un choc géopolitique. D’autant plus que la crise diplomatique entamée en 2017 touche à sa fin. Officiellement.

Entre ces monarchies nées la même année, il y a toujours de la rivalité, qu’elle soit économique, culturelle, religieuse, commerciale ou sportive.

« Entre ces monarchies nées la même année, il y a toujours de la rivalité, qu’elle soit économique, culturelle, religieuse, commerciale ou sportive », pose l’historien du sport Paul Dietschy. Des tensions qui ont atteint leur paroxysme en 2017, quand la crise du Golfe a éclaté. Géopolitologue, Jean-Baptiste Guégan résume tout ça : « L’essor du Qatar n’est pas forcément bien vu par ses voisins. Et en 2017, le Qatar a été présenté comme le financier du terrorisme international et mis au ban. Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont même fomenté une tentative de coup d’État et de renversement de l’émir Al Thani ! » Fermeture des frontières maritimes, terrestres et aériennes, rupture des relations diplomatiques, boycott : le Qatar est écarté par ses voisins, menés par l’Arabie saoudite et les EAU. « À ce moment-là, le PSG a servi à dédiaboliser le Qatar, c’est le moment des transferts de Neymar et Mbappé notamment », situe Guégan.

Le « gegenpressing » qatari

Trois ans et demi plus tard, le boycott a pris fin début janvier et les sanctions ont été levées. « Ce PSG-City se déroule dans un contexte normalisé, mais ça reste un affrontement, parce que la fin de la crise diplomatique n’efface pas ces dernières années. D’autant que c’est l’Arabie saoudite qui, pour diverses raisons, a mis fin au boycott. Les Émirats n’étaient pas forcément d’accord », précise Guégan. Des treize revendications des Saoudiens et de leurs alliés, le Qatar n’a cédé sur aucune et sort donc par le haut de cette crise diplomatique. Reste à confirmer sur le plan sportif, terrain d’affrontement privilégié dans le Golfe que ce soit par l’organisation de compétitions comme les Grand Prix de F1, ou par les rachats de clubs. Ce qui nous amène au PSG-City de ce mercredi.

Fleuron du soft power de ces États, le sport n’est qu’une partie de cette vaste stratégie de séduction à l’internationale avec – entre autres – la diplomatie des musées, celle des universités ou encore des compagnies aériennes. Sauf que sur ces domaines, Abu Dhabi, son Louvre et les Émirats dominent. En sport, le Qatar a une petite longueur d’avance avec le Mondial 2022 et le PSG, une avance qu’il s’agit de garder. On parle là presque d’un enjeu de sécurité nationale aux yeux des Qataris, comme l’explique Jean-Baptiste Guégan : « Tous les investissements du Qatar, peu importe le domaine, au-delà des retombées économiques, c’est pour être connu de l’opinion internationale au cas où le pays serait en danger. » Le géopolitologue développe : « Ils craignent de vivre le même destin que le Koweït(envahi par l’Irak en 1990, NDRL), mais de ne pas être aidés par la communauté internationale. Autrement dit, ces investissements du Qatar sont autant offensifs que défensifs, c’est quasiment du gegenpressing dans le but d’avoir du soutien au cas où. » Ce qui fait de Neymar et Mbappé des ambassadeurs de la paix, en quelque sorte.

Manchester City pour les Émiratis, c’est un actif, tandis que le PSG, c’est une deuxième sélection nationale pour les Qataris, c’est un élément de fierté et de cohésion nationale pour un pays qui va fêter ses 50 ans, comme le PSG d’ailleurs.

L’humiliation de la Coupe d’Asie 2019

Voilà qui explique – en partie – les investissements du Qatar au PSG, dans le luxe ou les entreprises du CAC 40. Mais l’argent ne fait pas tout, et Jean-Baptiste Guégan tient à rétablir une vérité : « L’émir Al Thani est francophone, francophile, il adore le club, il a un attachement beaucoup plus important au PSG que Cheikh Mansour pour City. Manchester City pour les Émiratis, c’est un actif, tandis que le PSG, c’est une deuxième sélection nationale pour les Qataris, c’est un élément de fierté et de cohésion nationale pour un pays qui va fêter ses 50 ans, comme le PSG d’ailleurs. » Deux visions différentes, mais un même objectif : la C1. Et à ce jeu, le PSG a pour l’instant une longueur d’avance avec son statut de finaliste. « Forcément, cela instaure une rivalité parallèle : on compare les résultats des deux clubs, en attendant de les voir se rencontrer en Ligue des champions. On va voir qui est vraiment le plus fort entre les Émiratis arrivés en 2008 à City, et le PSG version Qatar depuis 2011. Aujourd’hui, l’investissement le plus efficace, c’est celui des Qatariens. Ce sont deux clubs contestés par les clubs historiques, qui ont besoin de s’affirmer sur la scène européenne. Il y a plus à perdre qu’une place en finale », pose Paul Dietschy.

D’autant que si les deux clubs ne se sont affrontés qu’une fois en C1 (en quarts de finale de C1 en 2016, 2-2 puis 1-0 pour City), les Émiratis ont une revanche à prendre sur le Qatar. Et pour cause, cette rivalité footballistique ne s’exprime pas que par le PSG et Manchester City : elle s’exacerbe surtout lors des compétitions continentales des clubs locaux et encore plus autour des sélections nationales. En témoigne la Coupe d’Asie 2019, organisée aux Émirats. L’historien raconte : « La demi-finale a opposé les Émirats arabes unis au Qatar. Des supporters qatariens n’ont pas pu entrer au stade, les joueurs ont été conspués et ont reçu une pluie de chaussures, ce qui est une énorme humiliation dans le monde arabo-musulman. » Guégan ajoute : « Non seulement le Qatar a éliminé les EAU chez eux, en demi-finales, mais en plus ils ont gagné la coupe en battant le Japon, la meilleure équipe d’Asie. Ça, ça n’a pas plu. » Preuve de l’importance de ces confrontations : le taux de remplissage des stades pour ces rencontres. Paul Dietschy explique : « Que ce soit aux Émirats ou au Qatar, on n’est pas sur un football populaire comme en Irak ou en Égypte. On est sur le football plaisir du prince, dans lesquels les stades sont relativement vides et qu’on regarde depuis son canapé ou une loge climatisée. Mais pour ces matchs-là, il y a un engouement avec l’enjeu pour les Émirats de participer aussi au Mondial 2022 du Qatar. »

Plus qu’entre le PSG et City, c’est donc entre sélections que la rivalité demeure. Comme toujours dans le foot finalement. Car en plongeant dans les précédents historiques, Paul Dietschy ne cite aucun club : « Ce genre de match géopolitique, ça reste ponctuel. Il y a eu des tournées de pays en quête d’indépendance, comme le Pays basque en URSS et en Amérique latine en 1937, ou le FLN évidemment pendant la guerre d’Algérie. Ensuite, on a des confrontations véritablement sur le terrain comme en 1938, après l’annexion de l’Autriche, il y a eu un match entre l’ancienne équipe d’Autriche et l’Allemagne à Vienne. » Et l’historien de citer, pêle-mêle, le refus de l’Espagne d’affronter l’URSS à l’Euro 1960 à cause d’une histoire de prisonniers retenus, ou celui, catégorique, de l’URSS de jouer au Chili quelques années plus tard lors d’un barrage pour le Mondial 1974, ou encore du tristement célèbre Dinamo Zagreb – Étoile rouge de Belgrade de 1990, au début de la guerre de Yougoslavie. Des exemples ponctuels, mais dont se dégage une tendance certaine selon Paul Dietschy : « Souvent, le foot réussit à dépasser ce contexte. » D’autant plus grâce à la fin du boycott annoncé en janvier, assure Jean-Baptiste Guégan, qui conclut : Après, si le PSG gagne la C1, ils iront forcément fêter cela au Qatar avec un jour de grande fête nationale. »

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Des podiums au banc des accusés, Manchester City enfin face à son procès
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Par Adrien Hémard

Tous propos recueillis par AH.

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